Les autres Belges du LOSC

Lille continue à prospecter en Belgique pour découvrir des jeunes talents. Découverte.

A Lille, EdenHazard n’a laissé que de bons souvenirs.  » Je t’ai vu arriver dans le groupe pro à 16 ans. Tout frêle, tout gamin. Aujourd’hui, tu es le meilleur joueur de Ligue 1. Tu nous manqueras, pour tes qualités de footballeur mais aussi pour tes qualités humaines « , lui a lancé le capitaine RioMavuba le soir de ses adieux, le 20 mai.

 » Tu étais un joyau, tu es devenu un diamant, capable de briller partout. Aujourd’hui, je peux l’avouer : je suis fier d’avoir été ton coach « , a renchéri l’entraîneur. RudiGarcia. Puis, les lampions se sont éteints et le marquoir de Villeneuve d’Ascq afficha :  » Merci Eden. Bonne route « .

Le LOSC a tourné cette page en même temps que celle du Stadium Nord : les Dogues évolueront au Grand Stade de Lille Métropole mais n’ont pas abandonné le projet de former de jeunes talents belges. On ne va pas les chercher par minibus entiers, comme au PSV Eindhoven. La formation est plus élitiste. Actuellement, cinq de nos compatriotes fréquentent le Domaine de Luchin.  » Ce n’est déjà pas mal « , assure RachidChibab, l’entraîneur de la CFA et responsable de la formation.  » Et nous sommes contents de les avoir, car ce sont de vrais talents et de bonnes personnes « , ajoute JeanMichelVanDamme, le directeur du centre de formation qui est aussi le conseiller du président MichelSeydoux.

Gianni Bruno, 21 ans, attaquant

Janvier 2012. Entré au jeu à la 85e minute, Gianni Bruno inscrit l’unique but de la victoire à Beauvais, contre Compiègne (CFA) en 32e de finale de la Coupe de France. Au cours des prolongations ! Un moment qu’il avait attendu depuis longtemps. Avril 2012 : toujours en qualité de joker, le jeune Liégeois d’origine italienne marque contre Ajaccio son premier but en Ligue 1 et a bien failli récidiver deux minutes plus tard. Le bonheur est total, d’autant que Villeneuve d’Ascq scande son nom sur l’air des lampions. Comme si le public avait déjà anticipé le départ d’Eden Hazard et s’était découvert une nouvelle coqueluche belge.  » Ce moment-là fut encore plus intense que mon but en Coupe « , reconnaît Bruno.  » C’était à domicile, c’était en Ligue 1 et les acclamations du public m’étaient allées droit au c£ur.  »

Lorsque Garcia nous avait affirmé, il y a un an, qu’il croyait toujours en Bruno, nous nous étions dit que l’entraîneur du LOSC ne voulait pas trop offusquer un journaliste belge et qu’il avait enjolivé la situation. Mais sa percée n’était qu’une question de temps.  » Si j’ai reçu ma chance, c’est aussi en partie grâce à la blessure de TulioDeMelo « , admet le joueur, lucide.  » En décembre 2011, vu mon temps de jeu réduit, il avait été beaucoup question d’un prêt. Les blessures ont changé la donne. J’ai énormément travaillé à l’entraînement et j’en ai été récompensé.  »

Bruno est un ancien du Standard :  » L’académie Robert Louis-Dreyfus n’existait pas. Mon père me conduisait à l’entraînement le matin, puis j’allais à l’école avant de retourner à l’entraînement le soir. Je rentrais tous les soirs chez mes parents. Au Standard, j’ai fait partie de la génération de ThomasMeunier, JérémySerwy et AnthonyMoris. J’ai rejoint le LOSC il y a cinq ans, repéré lors d’un match de présélection avec l’équipe nationale, à 14 ans. Les recruteurs nordistes ont continué à me suivre et j’ai été engagé un an plus tard, lorsque Luchin a ouvert ses portes. Je n’ai pas hésité une seconde. Je savais que la formation française était à la pointe et qu’elle me permettrait de progresser. J’ai choisi le projet sportif, pas l’argent. Ce qui change par rapport à la formation en Belgique ? Le professionnalisme, le travail, la compétence des coaches qui sont tous d’anciens pros. Tout est axé sur le foot, rien n’est laissé au hasard. On n’est pas là pour exercer un hobby. Dès le départ, on nous prépare à notre métier. Les entraînements sont plus basés sur la technique, sur le jeu avec ballon. On garde toujours l’équipe Première comme modèle, afin qu’on ne soit pas perdu lorsqu’on intègre le noyau pro. Et puis, quelles installations ! Dès le matin, les jardiniers sont à pied d’£uvre pour rendre les pelouses impeccables. J’ai suivi toute la filière à Lille : U16, U18, CFA. L’an passé, j’ai intégré le groupe pro avec un contrat d’un an. Je viens de le prolonger de trois années supplémentaires, jusqu’en juin 2015. Je dois toutefois rester les pieds sur terre, car je ne suis nulle part. Mon ambition est de jouer dans le Grand Stade, si possible de devenir titulaire.  »

Bruno a le même âge que Hazard.  » On s’est toujours bien entendu, y compris en dehors du terrain. Ce qu’il a réalisé à Lille est grandiose. Si on apprécie autant les Belges au LOSC, c’est grâce à lui. Peut-être aussi à des joueurs comme KevinMirallas, ou comme FilipDesmet et ErwinVandenbergh autrefois : une époque que je n’ai pas connue. Je n’ai pas le même style qu’Eden. Ni que De Melo, qui est davantage un pivot. Je me rapproche plutôt de NolanRoux. Ma force principale, c’est le sens du but. J’aime partir dans la profondeur, décrocher et toucher du ballon, soigner mes déplacements. Le rôle de joker me convient parfaitement. C’était déjà le cas dans les équipes de jeunes : j’ai souvent été décisif lorsque je montais au jeu.  »

 » L’intégration de Bruno au noyau pro est une belle satisfaction « , dit Rachid Chibab.  » Il a une bonne mentalité, des valeurs et des qualités de footballeur. Il avait surtout besoin de muscler son jeu. Aujourd’hui, avec la confiance dont il bénéficie de la part du club, il est en train de trouver sa place. Il ne peut qu’être aspiré par le haut. « 

Bruno peut bénéficier des précieux conseils d’un joueur aussi routinier que JoeCole :  » Un gars très sympa. A l’entraînement, il m’encourage, me donne des petites tapes dans le dos. C’est un vrai pro, qui s’efforce d’aider les jeunes. Mon anglais est très rudimentaire, mais j’essaie d’être à l’écoute.  »

L’attaquant a aussi dû se faire à la vie à Luchin.  » Au départ, je vivais en internat, seul dans ma chambre. C’était tous les jours la même routine : lever, entraînement, école, entraînement, dormir. Deux fois par semaine, généralement le mercredi et le samedi, on avait le droit d’aller en ville. Un bus nous amenait au centre, et là on se débrouillait avec le métro. Ce n’était pas toujours simple, mais le désir de réaliser mon rêve, à savoir devenir pro, m’a aidé à surmonter les moments de déprime. J’ai travaillé comme un fou. Depuis trois ans, j’ai mon appartement en ville, j’ai même une copine lilloise. Lille m’a donné beaucoup, sur le plan sportif et privé. Maintenant que je suis pro, j’espère aller plus loin encore. Vu mes origines italiennes, j’ai une attirance pour le calcio, mais chaque chose en son temps : d’abord, m’imposer définitivement au LOSC.  »

En équipe nationale belge, Bruno fait partie du groupe des Espoirs.  » Et cela me satisfait amplement. Les Diables Rouges, je n’y pense pas encore, même si ce serait un rêve également. « 

Salvatore Crimi, 19 ans, gardien

D’origine italienne également, mais de la région carolorégienne, SalvatoreCrimi est – comme Bruno – arrivé à Lille il y a cinq ans, lors de l’ouverture du Domaine de Luchin.

 » Moi, je jouais au Sporting Charleroi qui, comme on le sait, ne dispose malheureusement pas d’infrastructures de première qualité. J’ai ouvert de grands yeux. Le choix n’a pas été difficile. J’ai été séduit par le projet sportif et le projet scolaire. A Lille, des professeurs viennent donner cours à Luchin. Sur le plan sportif, j’avais déjà certaines bases à Charleroi, mais je les ai perfectionnées à Lille. Comme pour les joueurs de champ, l’accent est mis sur la technique. J’ai progressé dans les prises de balle, la maîtrise du trafic aérien, le jeu au pied aussi. Lorsqu’on s’entraîne avec le noyau A, ce qui arrive en moyenne deux fois par semaine, je profite aussi de l’expérience d’un MickaëlLandreau qui me prodigue de précieux conseils. J’ai intégré le groupe de CFA depuis trois ans, mais je n’y joue régulièrement que depuis un an et demi. Cette saison, j’ai été le plus souvent titulaire, sauf lorsqu’un gardien descendait de l’équipe Première. Je suis relativement satisfait, pas totalement. Nous avons perdu certains matches d’une manière stupide et j’en ai parfois été responsable. J’étais plus heureux de mes prestations les années précédentes. Mais les entraîneurs sont contents de moi.  »

 » Crimi a toujours eu un temps d’avance, notamment au niveau de la maturité. Il sait ce qu’il veut et progresse « , confirme Chibab. « Gardien, c’est un poste délicat. Il semble toutefois promis à un bel avenir, au LOSC ou ailleurs. Il doit encore développer quelques facettes en termes de présence, de commandement, de leadership. Cela viendra avec le temps. Mais il a de bonnes qualités techniques. S’entraîner avec Landreau, c’est un apprentissage en accéléré et un privilège.  »

Bernard Malanda-Adje, 18 ans, défenseur

S’il est surnommé Junior, c’est pour le différencier de son papa, qui s’appelle lui aussi BernardMalandaAdje. Il est au LOSC depuis l’âge de 13 ans, repéré lors d’un tournoi à Mouscron qu’il avait disputé sous le maillot d’Anderlecht après avoir fait le tour des clubs de l’ouest de Bruxelles (Berchem Sainte-Agathe, Ganshoren, Jette et Molenbeek). Au départ, il était attaquant, puis avait glissé comme milieu de terrain et défenseur central suite à la blessure de l’un des fils Musonda.

 » Ce qui m’a séduit, c’étaient les installations – parmi les plus belles d’Europe – et aussi la possibilité de combiner sport et études sur un même site « , explique le papa, ancien entraîneur de volley et joueur de handball.  » A 20 heures, il a tout terminé, alors qu’à Anderlecht il aurait dû suivre les cours dans une école indépendante. En juin, Junior passera d’ailleurs son bac. De mon côté, cela m’arrangeait de le laisser en de bonnes mains, car je devais partir aux Etats-Unis pour mon boulot. Junior a beaucoup progressé. Signe de sa maturité : depuis quatre ans, il est le capitaine de toutes les équipes nationales dans lesquelles il est passé. Et il a joué en CFA cette saison et a d’ailleurs inscrit tout récemment son premier but… du pied gauche, s’il vous plaît ! »

 » Depuis la trêve, on l’a promu dans le groupe de CFA « , précise Chibab.  » A un moment, il s’est installé dans une forme de suffisance. On l’a un peu bousculé, afin de l’obliger à se remettre en question. C’est la raison pour laquelle on a pris le pari de l’essayer comme arrière latéral, alors qu’il était plutôt central jusqu’ici. Quand on change de position, les acquis sont remis en cause et il faut en développer d’autres. Il doit franchir un palier et commence à prendre conscience qu’il lui reste beaucoup de pain sur la planche.  »

Divock Origi, 18 ans, attaquant

Divock est le fils de MikeOkothOrigi, ancien attaquant kényan arrivé à Ostende en 1992 et qui n’allait plus quitter la Belgique. Il joua successivement à Harelbeke, Genk, RWDM, Heusden-Zolder et Tongres, avant de terminer sa carrière en Provinciales. Il réside toujours dans le Limbourg et plaça son fils à Genk, un centre de formation qui a déjà produit quelques belles pousses. C’est là que le LOSC est allé le chercher il y a deux ans.

 » Lui, c’est un vrai talent « , assure Van Damme.  » Exceptionnel. Un attaquant déroutant, qui doit toutefois encore progresser au niveau de la mentalité. « 

 » Je ne tiens pas trop à ce qu’on encense mon fils « , tempère Mike Okoth.  » Ne le comparez pas à son père. Il n’est encore qu’au début de sa carrière et le chemin est long. Qu’est-ce que le talent s’il n’y a pas de travail ? « 

Chibab :  » Cette saison, Divock a malheureusement été arrêté par quelques blessures. Récemment encore, il s’est plaint du genou. C’est frustrant car ce garçon a d’évidentes qualités athlétiques et psychologiques. Il a un gros potentiel qui doit encore être développé. Il doit devenir plus efficace, car un attaquant est jugé sur ses statistiques. Pendant toute sa jeune carrière, il a été en avance sur ses condisciples et n’a jamais été confronté à la difficulté. Il doit comprendre que si le talent c’est bien, il faut aussi beaucoup d’implication pour atteindre le haut niveau. « 

Kylian Hazard, 17 ans, milieu de terrain

Pas facile de s’appeler Hazard lorsqu’on veut faire carrière et qu’on joue au LOSC comme milieu de terrain. C’est la raison pour laquelle la famille, après avoir placé Thorgan à Lens, avait envisagé de placer Kylian, le troisième fils, à Valenciennes. Finalement, il a tout de même rejoint le LOSC, l’été passé, après avoir fait ses classes à Tubize.  » Kylian est allé passer une semaine d’essai à Lille et s’est directement trouvé beaucoup de copains. Du coup, son choix était fait : c’est là qu’il voulait apprendre « , explique ThierryHazard, le papa.

Kylian reste les pieds sur terre.  » Je me suis bien amusé cette saison. Et j’ai beaucoup appris, à tous les niveaux. Evidemment, ce n’est qu’un début. Je joue, certes, à la même position que mes frères aînés, mais je n’arrive pas encore à leur cheville.  » Modeste mais ambitieux malgré tout.  » J’ai envie de réussir, moi aussi. Sans brûler les étapes. D’abord, continuer le centre de formation et ensuite, essayer de dénicher un contrat pro et faire mon trou en Ligue 1. On verra après si l’opportunité se présente, un jour, de partir à l’étranger. « 

 » Je suis allé voir Kylian à plusieurs reprises « , témoigne son frère Thorgan, qui a effectué ses premiers pas en Ligue 2 avec Lens cette saison.  » J’ai, moi aussi, constaté ses progrès. Je sais que le LOSC procédera à une évaluation en fin de saison. « 

Chibab :  » Kylian doit encore se structurer et intégrer un projet. Il est encore un peu immature. Il veut faire du football son métier, mais c’est encore à l’état embryonnaire. Les qualités de base, il les a. Il faut développer l’homme. C’est sa première année. Il doit s’intégrer dans un mode de fonctionnement et une discipline de groupe. Il est là pour apprendre. « 

Georges Heylens, 70 ans, scout

Un seul Belge dans l’encadrement du LOSC : l’ancien joueur d’Anderlecht et entraîneur de Lille à l’époque de Desmet et Vandenbergh, GeorgesHeylens.

 » En ces temps-là, j’avais pris pendant cinq ans (de 1984 à 1989) un certain Van Damme comme adjoint. Il m’avait toujours affirmé qu’un jour, il me renverrait l’ascenseur. Il a tenu parole et m’a, récemment, proposé ce poste de scout. Le LOSC utilise les services d’une dizaine de scouts à travers le monde. Mon patron est FrançoisVitali, le responsable de la cellule scouting. Cette activité me plaît énormément. Je sillonne essentiellement la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne. Je parcours énormément de kilomètres. Je me suis déjà rendu à cinq reprises à Dortmund. Je me suis aussi rendu au PSV Eindhoven. J’ai même suivi les PO2 en Belgique, et plus particulièrement le Cercle Bruges. Quel joueur y est susceptible d’intéresser Lille ? Devinez, il n’y en a pas 36. ( NDLR : pour nous, c’est Rudy…) Une fois par semaine, les scouts se réunissent pour échanger leurs points de vue. On visionne les films et on compare les avis de jeunes scouts avec ceux de plus expérimentés. Le but est de recruter non seulement des jeunes, mais aussi des joueurs pour l’équipe Première. Le LOSC est à la recherche d’un successeur pour Eden. Sachant qu’on ne trouvera nulle part une copie conforme, il faut surtout trouver des éléments complémentaires avec l’effectif déjà en place.  »

PAR DANIEL DEVOS – PHOTOS: IMAGEGLOBE/ KETELS

 » Mon premier but en Ligue 1 restera à jamais gravé dans ma mémoire.  » (Gianni Bruno)

 » Deux fois par semaine, je m’entraîne avec Mickaël Landreau.  » (Salvatore Crimi)

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