Les as par Leroy

Personne ne connaît mieux les Mauves que leur papy, véritable lien inter générationnel.

A l’occasion du match de clôture de la saison, à Mons, Pierre Leroy (68 ans) prendra place pour la toute dernière fois dans le dug-out anderlechtois, en sa qualité de team-manager de l’équipe. Un rituel qu’il a déjà répété près de 1.250 fois, sans interruption, depuis ce jour de la saison 1983-84 au cours de laquelle il fut appelé par la direction du RSCA à remplacer Georges Denil au pied levé.

Près d’un quart de siècle plus tard, ce Sportingman bon teint, peut se prévaloir d’un palmarès unique. Mais davantage encore que les honneurs et les distinctions individuelles, ce sont les joueurs qui l’ont marqué. Véritable chaînon entre le vestiaire et la direction, il ne s’est pas jamais borné au simple rôle de délégué mais s’est érigé souvent en confident des joueurs.

Personne ne connaît mieux les footballeurs mauve et blanc que lui. Il passe ici en revue la génération actuelle mais les précédentes également, qui l’ont tout autant marqué.

Le plus professionnel : Frankie Vercauteren

 » J’ai commencé comme délégué de l’équipe première au cours de la saison 1983-84, à une époque où Frankie Vercauteren en était le capitaine. Comme footballeur, il était déjà pro jusqu’au bout des ongles, se soignant comme nul autre. Le jour des matches, par exemple, son repas devait être servi à midi pile, ni dix minutes plus tôt, ni dix plus tard. En tant que coach, il témoigne d’une même approche, en ne voulant rien laisser au hasard. Régulièrement, il potasse des ouvrages sur tout ce qui touche à son métier : méthodes d’entraînement, diététique, psychologie. Ce n’est pas un hasard si c’est lui qui a introduit le concept de team-building ou de media-training au RSCA. Avec lui, d’autres innovations sont encore à prévoir, j’en suis sûr « .

Le plus boute-en-train : Jelle Van Damme

 » Sur le terrain, Jelle Van Damme est un modèle de sérieux. Mais en dehors, c’est un blagueur qui n’a pas son pareil pour mettre de l’ambiance. Sa spécialité, c’est l’imitation des cris des animaux : cheval, âne, éléphant, lion, tout y passe. A fortiori lorsqu’une caméra est dans les parages et que l’un de ses coéquipiers se fait interviewer à ce moment-là ( il rit). Il me fait irrémédiablement penser à un autre garçon qui singeait parfaitement les autres : Bertrand Crasson. Ses parodies d’ Aad de Mos ou de Raymond Goethals, pour ne mentionner que ces deux-là, étaient absolument extraordinaires. Un autre gars qui manie très facilement l’humour, c’est Bart Goor. Avec lui, on n’est jamais non plus à l’abri d’une surprise « .

Le plus distrait : Mémé Tchité

 » La frontière est parfois étroite entre la distraction, la négligence et la nonchalance. Mémé Tchité en est l’illustration parfaite chez nous. Tantôt il oublie un rendez-vous avec la presse, tantôt il se trompe d’heure d’entraînement, tantôt encore, il est bloqué dans une file sur le ring de Bruxelles. Dans le genre, j’ai vécu un phénomène similaire avec un autre joueur. Non pas Vincent Kompany, détrompez-vous, mais Christian Wilhelmsson. J’avais beau lui remettre chaque jour un programme avec les heures d’entraînement de la semaine, il ne se passait pas une journée sans qu’il m’appelle pour savoir à quel moment la séance était programmée. C’était plus fort que lui : chaque jour, il égarait son papier. Ou sa carte d’identité, ou son GSM, ou ses clés de voiture. Chippen cherchait tous les jours quelque chose. De temps à autre, il se demandait même ce qu’il cherchait ( il rit).

Le plus secret : Olivier Deschacht

 » Je suis le confident de pas mal de joueurs. Je ne suis d’ailleurs pas le seul dans le cas. Sur une table de massage, bon nombre d’entre eux s’épanchent aussi auprès des kinés de l’équipe, par exemple. Mais certains sont, malgré tout, plus secrets que d’autres. Et, dans cette catégorie, il convient de classer Olivier Deschacht. Oli est un très chouette gars, qui se double d’un tout bon capitaine, mais il ne se confie guère. Là où d’autres commentent leurs activités extra footballistiques, qu’il s’agisse de films, concerts ou sorties, il reste très peu prolixe. C’est par l’intermédiaire de la presse, par exemple, que j’ai appris qu’il était un ami de Xavier Malisse et qu’il avait été l’encourager à Roland Garros. Lui-même, dans l’intimité du vestiaire, n’en a jamais pipé mot « .

Le plus méticuleux : Daniel Zitka

 » Personne n’est aussi ordonné que Daniel Zitka. Son sac de sport n’est pas un fourre-tout, comme il en va chez certains, mais est toujours compartimenté avec soin. Chaque chose à sa place et une place pour chaque chose. Dan trouve toujours tout à la vitesse de l’éclair dans ses affaires, qu’il s’agisse de son ordinateur portable, de son GSM ou d’un bic. J’ai rarement vu, aussi, un joueur à ce point soigneux de son équipement. Ses boots et ses gants sont toujours nickels. Il n’y a pas que dans le domaine du football qu’il est maniaque. C’est également un grand amateur de vélo. Lors de ses temps libres, il lui arrive d’ailleurs de mouliner en compagnie d’ Eddy Merckx et de Paul Van Himst. Sa bécane est tout aussi soignée que son équipement de keeper, c’est tout dire « .

Le plus timide : Marcin Wasilewski

 » Autant il en impose sur le terrain, autant le défenseur polonais se fait tout petit dans le vestiaire, où l’on entend à peine le son de sa voix lorsqu’il échange quelques propos avec Daniel Zitka. Wasyl est le prototype du fort au c£ur tendre, qui ne s’extériorisera sans doute pleinement que le jour où il maîtrisera l’une de nos langues nationales. En compagnie de son épouse, il s’est mis depuis son arrivée à l’apprentissage du français et de l’anglais. Contrairement à Nicolas Frutos, qui était vraiment un élève surdoué en la matière, il éprouve des difficultés. Heureusement, sur le terrain, son entente est réellement parfaite avec les deux autres joueurs de l’Est qui le flanquent, Dan et Roland Juhasz. Ce dernier présentait d’ailleurs des similitudes avec lui, à son arrivée, entendu qu’il ne parlait que le hongrois. Mais il a fait d’énormes progrès en français entre-temps et, du même coup, son jeu s’est singulièrement bonifié aussi « .

Le plus polyglotte : Pär Zetterberg

 » Daniel Zitka manie plusieurs langues, slaves ou non, comme le russe, le slovaque, le néerlandais et l’anglais. Mais le plus polyglotte que j’ai connu, c’est Pär Zetterberg qui parle tous les idiomes du Nord de l’Europe, plus l’anglais, l’allemand, le néerlandais et le français. Gilles De Bilde avait le don des langues aussi. Avec lui, les joueurs originaires de Croatie ou de Serbie, comme Ivica Mornar ou Nenad Jestrovic n’osaient pas blaguer dans leur langue, car le ket comprenait absolument tout. Idem, d’ailleurs, pour ce qui concerne l’albanais, pourtant beaucoup plus difficile. Je me souviens que Besnik Hasi n’en revenait pas. Dans la même catégorie, je m’en voudrais de ne pas citer aussi Hannu Tihinen. Le Finlandais avait même la particularité de pouvoir converser en coréen avec Ki-Hyeon Seol « .

Le plus coquet : Jonathan Legear

 » Rares sont les joueurs qui n’aiment pas les belles fringues. En matière d’habillement, j’ai connu peu de je-m’en-foutiste au Sporting. Reste que certains accordent davantage d’importance aux vêtements que d’autres. Les Africains sont très souvent tirés à quatre épingles. Stephen Keshi, par exemple, avait toujours à c£ur d’être mignon ( il rit). Au sein de la génération actuelle, un joueur est tout particulièrement branché sur la mode : Jonathan Legear. Coiffures et tenues vestimentaires très diverses, c’est son dada. On aime ou on n’aime pas, mais Jo ne laisse pas indifférent. Christian Wilhelmsson était du même acabit. De plus, il avait la taille mannequin et tout ce qu’il achetait lui allait comme un gant. Plus loin dans le temps, Enzo Scifo était plus classique. Sapé comme un prince, il ne lui serait jamais venu à l’idée non plus de se présenter sur le terrain avec des lacets dénoués ou des bas non remontés. Pour lui, il fallait toujours être en adéquation avec le standing du club « .

Le plus râleur : Jacky Munaron

 » Tout professionnel a horreur de la défaite. De Daniel Zitka à Nicolas Frutos, en passant par Max Von Schlebrügge, personne n’aime à s’avouer vaincu au Sporting. Mais chez certains, l’exaspération est peut-être plus marquée. Dans la corporation des gardiens, notamment. Jacky Munaron, par exemple, n’était pas à prendre avec des pincettes en cas de revers. Il avait le masque et il ne fallait surtout pas l’enquiquiner. Aujourd’hui encore, dans le même cas de figure, on a l’image avec lui, mais pas le son ( il rit). Dans un même registre, je citerai Filip De Wilde. Sous des dehors placides, il bouillonnait toujours intérieurement. Parfois, on en arrivait à l’éruption. Je me souviens d’un match au Racing Genk, que nous avions gagné 2-5. En principe, tout le monde aurait dû être content. Mais Flup pestait car en fin de partie, l’un ou l’autre s’était déconcentré en défense et avait pris un but évitable. Ce jour-là, les murs ont tremblé dans le vestiaire limbourgeois « .

Le plus gourmand : Anthony Vanden Borre

 » Il y a quelques bonnes fourchettes au Sporting : Anthony Vanden Borre notamment, dont le péché mignon est le dessert, et Mémé Tchité qui passe et repasse au buffet, sans prendre le moindre gramme de graisse pour autant. A côté des quantitatifs, il y a les fins gourmets. Au rang de ceux-là, je citerai Enzo Scifo, Georges Grün, Arie Haan ou encore Marc Degryse. Tous se régalaient autant d’un titre que de la perspective d’aller le célébrer au restaurant de Pierre Wijnants, le Comme Chez Soi. Le fameux marché aux poissons était également très couru à une certaine époque. Chacun avait ses petites préférences. Pour l’un, c’était François, pour l’autre l’ Huîtrière. Voire le Rugbyman. Ce qui peut paraître paradoxal pour des footballeurs ( il rit) « .

Le plus connaisseur : Glen De Boeck

 » A part Georges Grün, qui ne cultivait pas un intérêt démesuré pour tout ce qui ne touchait pas à son Sporting, à l’époque où il était joueur tout au moins, la plupart des autres ont toujours été fort branchés sur le sujet. Pär Zetterberg était et est toujours un connaisseur. Il a une énorme culture footballistique. Dans le groupe actuel, il convient de mentionner Frankie Vercauteren et surtout son adjoint, Glen De Boeck. Il sait parfaitement de quoi il retourne, non seulement en Belgique mais également dans les principaux championnats européens. Aussi bien Zet que lui ont aussi cette faculté de pouvoir très rapidement se faire un jugement sur un joueur. C’est une qualité précieuse dans le chef du Suédois, qui fait office de scout pour nous actuellement. Mais elle sera tout aussi importante pour Boeckie dans son futur rôle d’entraîneur au Cercle Bruges « .

Le plus imperturbable : Roland Juhasz

 » Le défenseur hongrois respire la sérénité en toutes circonstances. Il parvient à faire la part des choses, comme nul autre. Chez nous, il a marqué les esprits, récemment, suite au décès inopiné de son papa à Budapest. En raison de ces circonstances tragiques, le staff technique était d’avis de le laisser au repos afin qu’il ait l’opportunité de faire son deuil. Mais il n’a rien voulu entendre, sous prétexte que son paternel aurait de toute façon voulu qu’il joue. Nous avons tous été sidérés par la manière dont il a surmonté cette dure épreuve. Aux dires de son manager, Georges Bala, il avait trouvé le temps, malgré tout, de s’entraîner dans son ancien club, le MTK. C’est un tout bon joueur mais aussi un tout grand monsieur « .

Le plus imprévisible : Ahmed Hassan

 » En près d’un quart de siècle au RSCA, il tombe sous le sens que j’ai vu défiler pas mal d’artistes. Le plus grand, malheureusement, je l’ai loupé de peu comme délégué : c’est Robby Rensenbrink. Mais je me rattrape, à présent, avec un autre joueur étranger de toute grande classe et tout aussi déroutant : Ahmed Hassan. En tant que Mauve et Blanc dans l’âme, je ne cache pas que j’ai toujours eu un faible pour Paul Van Himst. Aussi, quand je vois l’Egyptien servir ses équipiers de l’extérieur du pied droit, comme le faisait Popol jadis, j’ai l’impression de retourner trente ans en arrière. Notre Pharaon n’a beau être parmi nous que depuis quelques mois à peine, il a manifestement sa place parmi les meilleurs Sportingmen de tous les temps. J’ose espérer qu’il sera encore des nôtres la saison prochaine. Le RSCA aura 100 ans en 2008. Ce serait dommage qu’il ne soit pas de la fête « .

Le plus pressé : Walter Baseggio

 » Avant son départ à Trévise, WalterBaseggio était déjà l’homme pressé. Et, depuis son retour, rien n’a changé de ce point de vue. Sitôt l’entraînement terminé, Walt est toujours le premier parti, suivi de près par Olivier Deschacht. Ce n’est pas qu’ils n’ont pas la fibre, loin s’en faut, mais ils ont toujours 36.000 choses à faire et les journées sont si courtes ( il rit). Aux antipodes de ces deux-là, il y avait Ludo Coeck qui faisait le désespoir des journalistes car il mettait toujours un temps invraisemblable avant de sortir du bain. Vincent Kompany ne se hâtait jamais non plus. Avec lui, avant ou après les matches, c’était kif-kif : il était toujours en retard « .

Le plus casanier : Lucas Biglia

 » Contrairement aux deux Nicolas, Frutos et Pareja, ainsi qu’à un troisième Argentin, Cristian Leiva, qui ont toujours multiplié les visites aux quatre coins de notre pays, Lucas Biglia, lui, est beaucoup plus pantouflard. Il n’aime rien tant que de rentrer chez lui, auprès de sa copine, pour regarder la télé ou se reposer. Les sorties, c’est vraiment très peu pour lui. Je peux me tromper mais je ne pense pas qu’on le pincera un jour, aux petites heures, à la sortie d’un dancing. On ne peut pas en dire autant de certains autres joueurs mais, dans l’absolu, tous font la part des choses entre le travail et l’amusement. Le seul fait divers malheureux, durant toutes ces années, aura été le grave accident dont fut victime Elos Ekakia à la sortie du Carré. C’était la malheureuse exception confirmant la règle « .

Le plus érudit : Mark De Man

 » J’aurais pu le citer déjà parmi les polyglottes car lui aussi se tire remarquablement d’affaire dans plusieurs langues. Mais Mark De Man, c’est davantage que ça. Garçon très intelligent, fils d’un pilote d’avion, il aurait aisément pu entreprendre des études universitaires s’il n’avait pas choisi le football comme cadre d’expression. Frankie Vercauteren et Marc Degryse étaient de la même trempe. S’ils n’étaient pas devenus footballeurs, ils auraient rebondi eux aussi dans un autre secteur « .

par bruno govers – photos: reporters/gouverneur

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