Les aides publiques

L’article 87 du Traité de l’Union européenne vise les « aides » accordées par les Etats ou au moyen de ressources publiques, sous quelque forme que ce soit, à des entreprises. Dans le silence du texte légal, la Cour de Justice des Communautés européennes et la Commission européenne ont défini la notion d’aide : il s’agit des allocations financières (subventions), des allégements de charges (par exemple fiscales) et des aides publiques sous forme de garantie (de remboursement d’emprunt par exemple).

Le Traité européen juge ces aides incompatibles avec le marché commun dans la mesure où, soit elles affectent les échanges entre Etats membres, soit elles faussent la concurrence en favorisant certaines entreprises. Il suffit à cet égard de démontrer l’existence d’une menace potentielle. Cette incompatibilité de principe des aides d’Etat est assortie d’une série d’exceptions : sont compatibles, sous le strict contrôle de la Commission européenne, les aides à caractère social aux consommateurs; les aides destinées à remédier à des dommages résultant de calamités naturelles ou d’événements extraordinaires, etc.

Le contrôle de la Commission européenne est très strict. L’on se souviendra notamment, en Belgique, de l’ordre de restitution intimé à la Région Wallonne par la Commission européenne quant aux aides publiques décidées en faveur des forges de Clabecq.

En matière sportive, l’appréciation de la compatibilité des aides d’Etats suppose une distinction radicale :

-S’agissant des sports de masse, le principe des aides publiques paraît difficilement contestable vu l’objectif social qui les sous-tend.

-S’agissant des sports pour « élites », c’est-à-dire des sports pratiqués par des (semi-) professionnels, le raisonnement inverse doit prévaloir. Là, les aides publiques sont susceptibles en effet de fausser la concurrence, en permettant aux clubs bénéficiaires de recruter plus aisément les joueurs bien cotés et donc de participer avec de meilleures chances de succès à la compétition. La solution est de bon sens.

Récemment, l’Etat français a notifié à la Commission européenne son intention d’accorder des subventions publiques aux clubs sportifs professionnels de football, de basket, de rugby et de volley. Ces mesures de soutien, selon le gouvernement français, seront consacrées à la scolarité et la formation des jeunes joueurs.

Il s’agit là d’une aide publique incompatible avec le droit de la concurrence européen. Le souci de formation et d’insertion sociale des jeunes par la pratique d’un sport peut a priori remplir un objectif d’intérêt collectif majeur, mais il n’aboutit nullement à la nécessité d’une aide étatique en ce sens.

Après l’arrêt BOSMAN, qui a interdit le mécanisme des indemnités de transferts pour les joueurs libres de tout contrat, d’aucuns avaient prédit et annoncé la mort des centres de formation. Près de six ans après, la réalité a démenti ces noirs augures. En effet, la qualité et la quantité des « produits » de nos centres de formation n’ont en rien diminué, que du contraire. En réalité, les aides envisagées par l’Etat français vont contribuer à augmenter artificiellement la compétitivité des clubs professionnels de l’Hexagone sur la scène européenne, entraînant donc une distorsion flagrante de concurrence.

Néanmoins, par un communiqué de presse du 25 avril 2001, la Commission européenne a accordé son blanc-seing au projet de la France. Grandeur et décadence…

Luc Misson

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