Les affaires sont les affaires

Le Directeur Général des Mauves trouve qu’avoir des amis, c’est bien, mais qu’il faut d’abord penser au club en termes économiques.

Si les travaux de rénovation actuels, au Parc Astrid, en appelleront bientôt d’autres, à Neerpede sous la forme d’un centre sportif new look, le noyau de Première, lui, n’aura finalement pas subi d’aménagements profonds depuis la reprise. En matière d’arrivées, du moins, puisque les responsables du RSCA renoncèrent en définitive à l’engagement du Tchèque Vaclav Kolousek.

« Le staff technique n’était pas convaincu du bien-fondéde cette acquisition », dit le Directeur Général, Alain Courtois. « Tant qu’à dépenser de l’argent, autant le faire pour un élément faisant vraiment l’unanimité. Même si, dans ce cas, le jeu en valait peut-être la chandelle puisque le prix du joueur avait baissé de trois millions à 750.000 euros ».

Alin Stoica, de son côté, était gratuit. Pourquoi l’avoir snobé?

La décision était du ressort des mêmes personnes. Elles sont davantage habilitées que moi à se prononcer en la matière. Même si je reste convaincu qu’un élément de sa trempe ne détonerait nullement au Sporting. Quoi qu’il en soit, je lui souhaite bon vent à Bruges. Je ne doute d’ailleurs pas qu’il y rebondira car le garçon est incontestablement animé d’un sentiment de revanche.

Pour conserver un même attrait auprès du public malgré la non-participation du club à la Ligue des Champions, vous aviez personnellement à coeur d’engager une vedette à l’intersaison. Il n’en a rien été.

Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. Nous sommes allés aux nouvelles tant en Espagne qu’en Italie ou en France. Mais les exigences salariales auront toujours constitué un obstacle insurmontable. A défaut d’avoir pu nous payer un nom, nous avons toutefois obtenu davantage qu’une belle compensation avec l’arrivée d’Hugo Broos. Nos inconditionnels ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisque, par rapport à la saison passée, nous ne dénombrons qu’un bon millier de fidèles de moins. Les trois quarts d’entre eux avaient un abonnement en places debout. Celles-là, justement, ont trouvé preneurs comme jamais. En matière de recettes, la différence n’est donc pas énorme. »On ne veut pas devenir la Juventus belge »

Le Sporting devra cependant composer cette saison avec la Coupe de l’UEFA en lieu et place de la lucrative Ligue des Champions. Quelle en sera l’incidence financière?

En cas d’accession aux quarts de finale, il n’y aurait plus aucune différence sensible d’une campagne à l’autre car la Ligue des Champions assure automatiquement aux participants un bas de laine de quatre millions d’euros, grosso modo. Mais nous devons aussi plancher sur des alternatives afin de diversifier tant et plus nos ressources. Il reste encore pas mal de terrain à défricher. Si Genk réussit à écouler 40.000 maillots au nom de son nouveau transfuge japonais, Takayuki Suzuki, je ne vois pas pourquoi nous ne parviendrions pas à un impact similaire avec Ki-Yeon Seol. Les Coréens représentent aujourd’hui quelque 60% de la fréquentation du site internet du RSCA. C’est une manne nouvelle que nous pouvons peut-être accroître tant et plus en commercialisant, par exemple, via le web, une cassette relatant les meilleurs moments du joueur sous le maillot anderlechtois, de la Supercoupe de Belgique l’an passé à ses exploits futurs chez nous.

N’est-il pas curieux qu’Anderlecht interpelle pas mal de monde, sauf les habitants de la commune et les Bruxellois. Car 4% à peine des abonnés sont des citoyens de la capitale?

C’est la preuve qu’il existe encore un potentiel énorme à ce niveau et que nous devons chercher les moyens d’attirer et de fidéliser ces gens-là. Nous ne voulons pas devenir comme la Juventus, qui attire peu de monde à Turin…A l’analyse de notre clientèle, je suis frappé de constater que le Sporting n’a guère la cote dans les communes les plus huppées, comme Uccle, Auderghem ou Watermael-Boitsfort. Leurs habitants privilégieraient-ils d’autres types de spectacle? Une enquête est à l’étude à ce sujet. Un autre facteur d’étonnement est la faible représentativité des allochtones. Si les Turcs ou les Marocains se mobilisent comme nul autre pour leur équipe nationale, pourquoi n’ont-ils pas le réflexe d’aller au Parc Astrid? C’est d’autant plus incompréhensible que nos équipes d’âge font la part belle aux jeunes issus de ces communautés. »On rejouera en mauve »

A propos de spectacle, le RSCA ne se borne manifestement plus au seul football. Depuis le début de la saison, il y a des animations avant la rencontre et même des prix à gagner: un voyage lors du match contre Malines, quatre business-seats face à La Gantoise.

Et nous espérons même offrir une voiture prochainement. Notre volonté est à la fois d’innover, tout en restaurant également certaines traditions. Comme la remise du fanion du club avant la rencontre. Le retour au passé est perceptible également au niveau des maillots. Ces deux dernières années, le jaune et le bleu avaient été à l’honneur pour le besoin de certains matches, en Ligue des Champions notamment. Désolé, mais les couleurs d’Anderlecht sont le mauve et le blanc. Nous y sommes revenus et puisque le présent est l’émanation du passé, je puis d’ores et déjà annoncer qu’en 2003-2004, les joueurs arboreront une vareuse mythique du club.

Il n’y a pas plus traditionnel que le nom d’un club. Et celui-là, justement, vous désirez à tout prix le changer: pour vous, le RSCA doit devenir le Royal Sporting Club Anderlecht Brussels.

Ce n’est pas un changement mais un ajout qui me semble quand même autrement plus acceptable que les appellations de FC Manneken-Pis, Astrid Dolphins ou autre RSCA Red Hot Neerpede Giants mises en exergue par deux anciens du club, Jan Mulder et Georges Heylens. Cette démarche vise, ni plus ni moins, à mieux situer le club à l’échelon international car Bruxelles a une notoriété qu’Anderlecht ne possède pas. C’est une manière de marquer notre territoire. L’adjonction du mot Brussels est d’autant moins une révolution, à mes yeux, qu’il apparaît déjà dans certains chants de nos supporters.

Le changement de dénomination en RSCA Brussels vous permettrait également de vous assurer du soutien de la Région Bruxelloise et de bénéficier de subsides de l’ordre de 750.000 euros.

Cet aspect reste à débattre. Mais la Région Bruxelloise devrait effectivement financer, en partie, la construction de notre nouveau centre sportif à Neerpede où se retrouveront une multitude de jeunes de la capitale.

Brussels, c’est une appellation qui était plutôt réservée aux Molenbeekois qu’aux Anderlechtois jusqu’à présent, comme en témoigne le noyau dur du RWDM, connu sous le nom de Brussels’ Boys. A ce propos, que vous inspire la descente aux enfers du RWDM?

Ce n’est pas parce que le Sporting est, aujourd’hui, le seul grand club de la capitale de l’Europe que le sort des autres ne nous préoccupe pas. Ces derniers temps, des jeunes Molenbeekois sont venus frapper à notre porte afin de savoir s’il y avait un avenir sportif pour eux chez nous. Nous ne sommes bien sûr pas en mesure d’accéder à toutes les demandes. Mais Anderlecht va contribuer à ce que ces 450 jeunes ne se retrouvent pas à la rue. Nous disposons déjà d’un Center Brussels sur le plateau du Heysel. Avec la collaboration de la Région Bruxelloise, pourquoi ne pas étudier les modalités d’une variante à d’autres endroits de la capitale comme Schaerbeek ou Woluwé, pour ne citer que ces deux noms. Nous devons nous insérer davantage dans le contexte urbain avec le blé en herbe. Car celui-ci représente l’avenir. La France, ses municipalités et ses clubs l’ont bien compris. Il faut que nous nous inspirions de cet exemple. Et Verschueren? « RVDS va trancher »

Si la Région Bruxelloise est associée au Sporting, celui-ci pourrait-il être amené à utiliser un jour le stade Roi Baudouin, comme il l’avait déjà fait au début des années ’80, lors de la modernisation du Sporting?

C’est exclu. Pour que le Heysel offre les mêmes facilités que notre enceinte actuelle, en matière de services à notre clientèle, il faudrait consentir un débours supérieur à celui qui fut nécessaire pour la rénovation du Parc Astrid. Le bourgmestre Jacques Simonet peut donc dormir sur ses deux oreilles: il n’est pas question de quitter sa commune. Le club y a été érigé en 1908. Il y fêtera son centenaire également.

Vous serez toujours là à ce moment?

Tel est mon souhait en tout cas. Les bruits les plus divers ont circulé à mon sujet, dans un passé récent. Comme une possible récupération par le monde politique, notamment. Je n’y songe pas. Je veux aller au bout de ma mission ici.

Et quels en sont les contours?

Faire en sorte que le Sporting vive en adéquation avec son temps tout en respectant les valeurs qui lui ont valu de se positionner à la place enviable où il se situe aujourd’hui. C’est pourquoi, si j’ai plaidé dès mon arrivée en faveur de la création d’un centre sportif, véritable fenêtre ouverte sur l’avenir, je suis tout aussi partisan de la création d’un musée. Et ce projet prend forme également. Je vais peut-être vous surprendre mais savez-vous quel est l’endroit que je préfère au Parc Astrid? Détrompez-vous, ce ne sont pas les loges et autres business-seats mais tout simplement le couloir menant au bureau présidentiel avec les bustes de ces grands hommes qui ont contribué à la gloire du club: Théo Verbeeck, Albert Roosens et Constant Vanden Stock.

Ils représentent, avec leur bras droit respectif, Albert Roosens d’abord, puis Eugène Steppé et enfin Michel Verschueren le passage de l’amateurisme au professionnalisme, en transitant par le semi-professionnalisme. Qu’en sera-t-il du duo Roger Vanden Stock-Alain Courtois à présent?

L’heure est au modernisme. Il faut être conscient que le football est une entreprise de spectacle et qu’elle doit être gérée en tant que telle. Par là même, elle nécessite des hommes de valeur, non seulement sur le terrain mais également dans les bureaux. L’époque est révolue où une seule hirondelle faisait le printemps. Un collectif bien huilé sera toujours plus performant qu’une seule personne, aussi compétente soit-elle.

Michel Verschueren doit donc apprendre à déléguer?

Qui trop embrasse, mal étreint, c’est bien connu. Le club aurait vraiment tout à gagner si, à la tête de chaque cellule, il disposait d’un spécialiste. Michel Verschueren a largement prouvé ses preuves en matière de gestion sportive. En ce qui me concerne, je pense avoir montré mon savoir-faire au plan des chiffres tant à l’Union Belge qu’à l’EURO 2000. La répartition des tâches me paraît, dès lors, couler de source. Je m’étais d’ailleurs prononcé en ce sens dès mon arrivée, il y a huit mois. Jusqu’à présent, elle ne s’était guère vérifiée. Mais quoi de plus normal, dans la mesure où j’étais moi-même en phase d’apprentissage. A présent que je cerne mieux les diverses composantes, une plus grande spécificité s’impose. Roger Vanden Stock l’a parfaitement compris et tout porte à croire qu’il mettra les points sur les i afin que tout soit clair pour tout le monde, une fois pour toutes. »44 contrats professionnels, c’est trop »

Entre Michel Verschueren et vous, c’est la querelle des anciens et des modernes?

Un partage ne se fait jamais sans grincements de dents. Mais il y va de l’avenir du club. Le Sporting est à la croisée des chemins. Il a besoin de compétences en phase avec les exigences de son temps. Pourquoi Manchester United est-il le club le plus puissant du monde? Parce qu’il est solide non seulement sur le terrain mais aussi en coulisses, avec pas moins de huit banquiers dans son conseil d’administration et des spécialistes dans chacun de ses départements. Je suis frappé de constater à quel point ces gens-là n’en finissent pas d’avoir l’imagination féconde pour remplir leurs caisses. L’une de leurs dernières trouvailles est de mettre le ballon du match aux enchères, sur internet. Ils sont les seuls à le faire mais il fallait y penser. Anderlecht doit aussi faire preuve d’imagination car dans certains domaines, il ne fait plus figure de précurseur en Belgique. Au plan commercial, Genk est plus à la page que nous. Or, si nous voulons rester au sommet, l’argent est indispensable et c’est la reconnaissance de votre valeur. Pour y parvenir, il y a lieu de trouver de nouveaux créneaux. Ou rogner, évidemment, sur les dépenses. Actuellement, nous avons 44 contrats professionnels et 12 de stagiaires. C’est beaucoup trop.

C’est pour cette raison que vous tenez à ce que le Sporting assure lui-même sa régie publicitaire?

Simone Defloor Media – SDM – s’en occupe depuis bon nombre d’années. Si nous prenons la relève, c’est sûr que nous ferons une économie appréciable.

Au même titre que Fortis ou Adidas, SDM fait partie des meubles au Parc Astrid.

Avoir des amis, c’est bien. Très bien même. Mais il ne faut pas perdre de vue que le football est une entreprise commerciale.

Par le passé, une offre mirobolante de l’équipementier américain Nike avait été refusée au RSCA parce qu’Adidas y était en place depuis plus de 20 ans. Avec vous, cette attitude ne serait plus de mise?

Il faut des appels d’offres et privilégier, dans ce cas, le meilleur deal. Même si cela peut entraîner des grincements de dents.

Bruno Govers

« …même si cela peut entraîner des grincements de dents »

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