Les absences d’août

Eliminé de la Ligue des Champions, transparent en championnat mais enfin avec un noyau qui tient la route, le Standard peut débuter sa saison.

Le Standard débutera le championnat le samedi 13 septembre contre Ostende, avec un noyau complet consolidé par l’arrivée de dix transferts et après un stage de 15 jours pour renforcer la cohésion et les automatismes du groupe. Sauf que le 13 septembre constituera déjà la septième journée de championnat et que le club liégeois a déjà perdu 10 points en route et accuse un retard de six points sur Anderlecht ! En construisant son noyau pour septembre, les Rouches ont sacrifié le mois d’août et les échéances européennes, soit les matches les plus relevés (et peut-être les plus importants) de la saison.

Certes, on ne peut pas encore dire qu’ils ont hypothéqué leur saison, la concurrence – surtout Bruges – ayant également traîné en route. Et puis, il y a ce système des play-offs qui leur donne raison. C’est en avril qu’il convient d’être prêt, comme l’a démontré Anderlecht la saison passée. Sauf qu’en cinq éditions de play-offs, seuls le Standard en 2011 (qui échoua à la 2e place) et Anderlecht en 2014 ont renversé une situation compromise en saison régulière. Le Standard ne retient de sa défunte campagne que ses play-offs bâclés mais il oublie que s’il a pu jouer le titre jusqu’à la fin, c’est en raison de son début de saison époustouflant.

Et les jeunes dans tout cela ?

Le schéma prévu cette année est l’exact opposé de la saison 2013-2014. Un noyau mis en place très tard (il n’avait pratiquement pas bougé la saison dernière), un démarrage poussif (10 victoires d’affilée la saison dernière) en espérant une montée en puissance qui conduirait au titre. Mais le président y croit-il vraiment lui qui promet le…top-3, comme chaque année ? En attendant, la confiance s’effiloche au fil des points perdus et les supporters perdent patience. Depuis quatre matches, on les entend vitupérer contre leurs couleurs. Dimanche, au Daknam, des cris  » Anti-Duchâtelet « ,  » Dûchatelet démission  » et  » Luzon démission  » ont une nouvelle fois retenti. Et à l’issue du match, ils ont attendu les joueurs et les ont conspués, derrière un grillage proche du car. Il y a un an, Roland Duchâtelet, qui craint comme la peste les revendications des supporters, avait tout fait pour éviter leur colère en prolongeant les cadres. A-t-il cru, après une saison calme dans les travées de Sclessin et après avoir repris en main La Famille des Rouches, avoir tué toute velléité dans le chef des supporters ? C’était mal percevoir le mal-être latent des supporters qui n’adhèrent ni au projet de Duchâtelet, ni à la personnalité de Guy Luzon.

Si le noyau semble désormais tenir la route (on attend encore de voir plusieurs matches de Vinicius et d’Ejong Enoh notamment avant de juger la qualité du mercato), la gestion du mois d’août laisse pantois. Pourquoi ne pas avoir prévu plus tôt les remplaçants de William Vainqueur et de Michy Batshuayi dont les départs avaient été décidés dès leur prolongation de contrat en juillet 2013 et actés en juin dernier ? Pourquoi avoir laissé partir Yoni Buyens à Charlton alors que le Standard n’avait plus que Julien de Sart comme médian récupérateur ? Comble de malchance, de Sart va très vite se blesser, obligeant Luzon à bricoler. Pourquoi alors que le Standard a galéré en défense tout ce mois, ne pas avoir offert de contrat à Pierre-Yves Ngawa qui reste sur une très bonne saison à Ujpest ? Pourquoi avoir transféré dix joueurs étrangers alors que la direction martèle sa confiance dans les jeunes de l’Académie et se gargarise au début du mois, après avoir réussi un six sur six avec une majorité de jeunes ? De la même manière qu’on ne peut viser un titre de champion en alignant cinq ou six jeunes dans le onze de base, on ne peut tendre à une politique de jeunes si on ne leur fait confiance qu’au mois d’août.

Aujourd’hui, comme Luzon ne veut travailler qu’avec 20 joueurs de champs pour éviter que certains perdent leur temps sur la touche pendant les oppositions à dix contre dix, la majorité des jeunes (comme Ali Yasar, Samy Mmaee ou Denis Milosevic) retourneront en U21, les autres (comme Tortol Lumanza, François Marquet ou Yanis Mbombo) devant se contenter des miettes.

Toutes ces questions demeurent sans réponse. Car aujourd’hui, plus que jamais, le Standard apparaît comme le club d’un seul homme. Depuis le départ de Pierre François en juin 2012 et celui de Jean-François de Sart le 1er juillet dernier, il ne reste plus personne à qui s’adresser.  » Aucune personne de la direction n’était présente lors du voyage et du dîner de presse à Saint-Pétersbourg « , explique Marc Degryse.  » Je n’avais jamais vécu une situation aussi bizarre. A qui faut-il s’adresser ? Personne ne sait ce qui se passe dans ce club… sauf le président.  » Or, depuis la fronde des supporters en juin 2013, Duchâtelet ne communique plus.

Les incohérences de Luzon

Luzon a géré la crise du mois d’août avec une certaine incohérence. Certes, il ne se trouvait pas dans la position la plus confortable, devant gérer un noyau loin d’être complet, une infirmerie bien trop remplie pour un début de saison, et l’incorporation continuelle de nouveaux venus, ce qui l’obligeait à chambouler sans cesse son équipe. Pas évident dans ces conditions-là de trouver une stabilité même s’il peut difficilement se servir de ce dernier point comme excuse, lui qui prôna la rotation à tout-va durant toute la première partie de saison dernière. Cependant, dans ce chaos permanent, Luzon n’a pas vraiment ramené de la sérénité. Par son discours et ses choix discutables, il a contribué à laisser le club dans le brouillard.

Sa communication d’abord. Pourquoi affirmer que la Ligue des Champions prime sur le championnat, si ce n’est pour masquer les ratés à Mouscron ou contre Gand ? Car comment peut-on dire que l’on fait de la Ligue des Champions un objectif alors que, dès le départ, le système de cette compétition ne donne pas beaucoup de chances au deuxième du championnat belge qui doit se farcir deux adversaires plus coriaces que lui sur papier (dont celui du troisième tour préliminaire quasiment inabordable) et que, de surcroît, on aborde ce défi titanesque avec un effectif incomplet, miné par les blessures, et pas prêt ?  » Ce discours a des relents populistes « , nous explique un proche du Standard.  » Cela n’avait pour but que de plaire aux supporters, aux médias et au président qui lui avaient reproché de sacrifier la compétition européenne la saison passée.  »

Sauf que la saison passée, l’Europa League était abordable pour le Standard. Les Liégeois auraient pu y signer un parcours intéressant. De ceux qui forgent les réputations et qui peuplent les souvenirs. Luzon en avait décidé autrement et cela a certainement nui à son image.

On sait également que Roland Duchâtelets’était plaint du parcours du Standard en Europa League et n’avait que très peu goûté aux choix de Luzon dans cette compétition. Vous ajoutez une certaine obnubilation présidentielle pour le jackpot de la Ligue des Champions et on commence à mieux comprendre pourquoi Luzon a voulu montrer qu’il était concentré à 100 % sur l’objectif Champions League, même si cela n’avait pas de cohérence avec le niveau sportif de son équipe. Car, on peut également trouver paradoxal et incohérent de dire que la Ligue des Champions est un objectif prioritaire et dans le même temps affirmer que son équipe n’a que 10 % puis 5 % de chances de qualification face au Zénith ! Ce discours ressemblait à celui d’un entraîneur résigné et déjà battu d’avance. Comment surmotiver les joueurs avec un tel discours défaitiste ?

Si sa première sortie paraissait bizarre, que dire de sa deuxième bévue ? A peine l’élimination actée, il réitérait sa volonté de faire tourner en Europa League, privilégiant le championnat de Belgique… avant de faire marche arrière deux jours plus tard, sous la contrainte de Duchâtelet. Ce n’est pas la première fois, cet été, que Luzon se fait taper sur les doigts par le président et doit faire marche arrière dans ses propos. Duchâtelet n’a pas aimé que son entraîneur lui mette la pression sur les transferts et la qualité du noyau. Cela lui rappelait un peu trop l’ère Mircea Rednic, qui paya au prix d’un licenciement, ses propos séditieux.

Mais il n’y a pas que les mots de Luzon qui posent question. Ses actes aussi. Personne n’a compris pourquoi il mettait une équipe aussi jeune contre Mouscron.  » Il les a mis dans la merde « , lâche Degryse. Deux semaines plus tard, ces jeunes ont disparu de la circulation, servant trop facilement de bouc émissaire aux pauvres résultats du Standard. Or, à Mouscron, tactiquement, les choix de Luzon ne tenaient pas la route. Pourquoi avoir mis Astrit Ajdarevic sur le côté droit alors qu’il n’est pas réputé pour son travail défensif et qu’un simple scouting de Mouscron aurait permis de se rendre compte que la force et la vivacité de cette équipe reposaient beaucoup sur son flanc gauche tenu par Steeven Langil ? Pas étonnant qu’un joueur peu expérimenté comme Mmaee, livré à lui-même sur la droite, se soit fait balader par le Martiniquais. Pourquoi avoir mis Yannis Mbombo pur attaquant sur un côté ?

A Lokeren, pourquoi, après la carte rouge de Martin Milec, avoir retiré comme attaquant Tony Watt, plus frais puisqu’il n’avait que 13 minutes dans les jambes, et pas Igor De Camargo qui n’avait cessé de courir pendant une heure ?

En septembre, avec le retour des blessés et l’arrivée des transferts, Luzon n’aura plus d’excuse et devra mettre sur pied une équipe organisée (comme à Lokeren) mais aussi performante.?

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: BELGAIMAGE

Comment peut-on faire de la Ligue des Champions une priorité et affirmer dans le même temps qu’on n’a que 5 % de chances de gagner contre le Zénith ?

Plus que jamais, le Standard apparaît comme le club d’un seul homme.

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