Les 6 raisons du DIVORCE

Voici pourquoi les relations entre le coach et le président se sont détériorées.

Il reste un match à jouer à l’Excelsior Mouscron : les résultats ont dépassé toutes les espérances, mais le club ne sera pas européen. Il le doit à un trop grand nombre de partages concédés en déplacement, mais aussi à un facteur extérieur : l’élimination d’Anderlecht en demi-finales de la Coupe de Belgique, contre Beveren. Si, comme tout le monde l’attendait, l’apothéose du 23 mai au stade Roi Baudouin avait opposé le Sporting au Club Brugeois, la quatrième place aurait été qualificative pour la Coupe de l’UEFA.

On attend, désormais, de savoir comment se présentera la saison prochaine. A ce niveau, la situation est à la fois simple et compliquée. Le nouvel entraîneur a été choisi : l’Excel a fait de PhilippeSaintJean son premier choix, et vice-versa. Le choix cadre parfaitement avec la nouvelle orientation que veut prendre le club : Saint-Jean rêve d’entraîner enfin en D1, c’est un formateur et il ne voit aucune objection à travailler avec des jeunes. La piste menant à MarcGrosjean semble temporairement abandonnée : elle ne serait réactivée que si Saint-Jean n’était plus libre lorsque tous les documents devront être paraphés.  » Car on ne peut évidemment pas lui demander d’attendre indéfiniment « , reconnaît RolandLouf, directeur général de Mouscron depuis le 1er avril.  » On ne pourra pas l’empêcher de signer ailleurs si les choses traînent de notre côté « .

Le point d’achoppement est la situation de GeorgesLeekens. Il est toujours lié sous contrat jusqu’en juin 2006, mais les ambitions du club ne correspondent plus aux siennes. D’autres clubs (Genk et Lokeren, surtout) auraient aimé l’attirer, mais ont renoncé les uns après les autres, car Mouscron exigeait le paiement d’une indemnité de rupture.  » C’est logique « , estime Louf.  » Lorsqu’un club décide de rompre le contrat d’un joueur ou d’un entraîneur, il doit payer un dédommagement. Pourquoi, dans le cas contraire, l’entraîneur pourrait-il partir gratuitement ? ». Il ne reste plus que Gand ou… l’étranger comme porte de sortie dans l’immédiat.

 » Cette indemnité de rupture, je ne vais pas la payer moi-même « , rétorque Leekens. Pourrait-il rester au Canonnier ? A priori, oui, puisqu’il est toujours sous contrat pour deux ans, mais les relations entre JeanPierreDetremmerie et lui se sont à ce point détériorées qu’une cohabitation prolongée deviendrait presque invivable.  » Nous espérons qu’une solution à l’amiable interviendra pour le 15 mai « , affirme Louf.

Comment les relations entre les deux hommes ont-elles pu se détériorer à ce point alors qu’il y a quelques mois encore, Detremmerie considérait Leekens comme l’entraîneur fétiche de l’Excelsior et que, de son côté, LongCouteau considère le bourgmestre de la cité des Hurlus comme un ami ?

1. Les renforts défensifs tardent

En juin 2003, LorenzoStaelens est toujours l’entraîneur de l’Excel. Mais, lors d’un stage effectué par l’équipe nationale algérienne au Futurosport, Leekens discute avec Detremmerie. Au fil de la conversation, l’idée d’un retour de LongCouteau au Canonnier germe dans les esprits. Elle se concrétise lorsque le président de la fédération algérienne, M. MohamedRaouraoua, accepte de libérer Leekens de ses obligations. Ce retour au bercail de l’entraîneur prodigue des Hurlus provoque déjà des grincements de dents. Le budget de l’Excel ne permet pas au club d’entretenir quatre entraîneurs (avec l’adjoint GilVandenbrouck et l’entraîneur des gardiens DidierVandenabeele) pour son équipe Première, et Staelens est prié de reprendre ses fonctions de coordinateur du Futurosport, ce qu’il accepte difficilement. Quelques mois plus tard, c’est EddyMestdagh, également actif au Futurosport et chargé du scouting, qui s’en va : il est aujourd’hui l’entraîneur de Deinze, qu’il a failli amener au tour final de D2.

Leekens parle directement de  » rééquilibrer  » son équipe : les jeunes, c’est bien, mais point trop n’en faut. Il exige des renforts, surtout dans le secteur arrière, qui s’était révélé particulièrement friable. Il fixe son choix sur SamirBeloufa et StephenLaybutt. Problème : le club n’a pas d’argent pour engager des renforts supplémentaires, même si ce sont de  » bonnes affaires « . La concrétisation traîne, les deux joueurs ne seront pas qualifiés à temps pour le premier match contre le Standard, mais Leekens obtiendra tout de même ce qu’il a demandé. Et, sportivement, il avait vu juste. Le premier tour des Hurlus fut très bon.

2. Le niet aux Bosniaques

A la trêve hivernale, Georges Leekens veut anticiper sur une possible baisse de régime et exige de nouveaux renforts. D’autant que MboMpenza est annoncé sur le départ. Trois joueurs bosniaques, proposés par GordanVidovic, passent un test prolongé au Canonnier mais ne sont finalement pas engagés. L’ancien Diable Rouge le prend mal. Leekens, qui lui avait demandé de prospecter, également. Mais il obtient tout de même l’engagement de GrégoryLorenzi, qui se révélera une autre réussite sur le plan sportif.

3. L’affaire Mbo Mpenza

La situation s’envenime réellement lors du transfert avorté de Mbo. Bruges, qui semblait longtemps le mieux placé pour s’approprier les services de l’attaquant international, renonce devant le prix à payer. Mais Detremmerie voit une dernière opportunité de renflouer les caisses du club, grâce à une offre de dernière minute du Standard. Là encore, la transaction échoue et le président de l’Excel soupçonne son entraîneur d’avoir agi en coulisses pour conserver son joueur. Or, c’est Mbo tout seul qui a décidé de ne pas partir à Sclessin.

4. Le cas Christophe Grégoire

Un mois plus tard, le Standard re-pointe le bout du nez, cette fois pour s’enquérir de la situation de ChristopheGrégoire. Leekens apprend de la bouche du joueur que celui-ci peut partir pour 400.000 euros, alors qu’en début de saison, son prix avait été fixé à 1,5 million. Les cheveux de LongCouteau se hérissent. Comme dans le cas de Mbo, c’est le joueur qui refuse de se lier au Standard, mais quelque chose s’est cassé entre Leekens et son président.

5. L’arrivée de Roland Louf

L’entraîneur ressent ensuite l’engagement de RolandLouf comme une nouvelle provocation à son égard. Il n’ignore pas que, depuis le départ de GinoGylain pour le FC Brussels, l’Excelsior a besoin d’un nouveau directeur général, mais il n’est pas dupe : si le choix s’est porté sur Louf, c’est sur base du travail qu’il a accompli à La Louvière, où il s’est évertué à réduire le budget d’année en année en se séparant des gros contrats et en réalisant des résultats avec des joueurs inconnus. Leekens y voit une nouvelle atteinte aux pleins pouvoirs qu’il exige en matière sportive.

 » Si Roland Louf déniche de nouveaux sponsors, d’accord. Mais le domaine sportif, c’est ma propriété « , lance LongCouteau. Or, depuis qu’ Hugo Broos a filé à Anderlecht en détenant quasiment toutes les clefs de la maison hurlue, Detremmerie refuse d’encore laisser un entraîneur décider de tout.

 » Si j’ai bien compris, Leekens voudrait que je vende des loges ? », s’interroge Louf.  » Je vais m’y efforcer, mais il y a déjà un directeur commercial à l’Excel : c’est FrançoisVanAssche. Et puis, savez-vous ce que coûte une loge au Canonnier ? 20.000 euros. Il en reste quatre inoccupées. Avec 80.000 euros, combien de salaires de joueurs pourrait-on payer ? Il y a donc d’autres priorités « .

Louf, qui découvre l’univers des Hurlus, un club très calme et très bien organisé vu de l’extérieur, doit déjà se demander où il est tombé.  » Vous savez, j’en ai vu d’autres « , relativise-t-il.  » Lorsque j’ai débarqué à La Louvière, il y a aussi eu des grincements de dents. D’abord la rupture avec DanielLeclercq, puis les départs de BenoîtThans, ManuKaragiannis, NicolasOuédec, ClaudeArnaudRivenet et JeanJacquesMisséMissé. Moi, à la place des supporters, si l’on me parlait d’assainir le club, je prendrais cela comme une bonne nouvelle. Des joueurs sont convoités ? Cela aussi, c’est une bonne nouvelle. Combien de clubs ne souhaitent-ils pas vendre des joueurs sans trouver de candidats acheteurs ? D’aucuns reprochent à Mouscron un manque d’ambition. Le tout est de voir ce que l’on entend par ambition. Pour moi, assurer la pérennité du club en D1 pendant de longues années, c’est aussi une belle ambition « .

Car, davantage qu’une place dans le Top 3 ou le Top 5, tel est l’objectif majeur de Detremmerie.  » Que veulent les supporters ? », se demande encore Louf.  » Voir un papillon s’envoler et exploser dans le ciel, sous un grand Ooooh !, parce que c’était la dernière fois ? »

6. Les finances de l’Excel

Lorsqu’on voit encore les déboires du Lierse récemment, on comprend mieux qu’un budget équilibré soit la priorité. Où en est l’Excel sur le plan financier ? Le sujet est tabou, et par la voie officielle, on n’obtient que des réponses de Normand.  » Les salaires sont assurés jusqu’en fin de saison « , rétorque Louf.  » Je connais beaucoup de clubs où les mois d’avril, mai et juin sont difficiles « .

On peut se demander pourquoi, là où tout semblait possible il y a quelques années encore, lorsque Detremmerie envisageait un budget de 25 millions d’euros, il faut aujourd’hui se serrer la ceinture ? L’Excel a-t-il vécu au-dessus de ses moyens ? Probablement. Broos, lorsqu’il avait les pleins pouvoirs, a fait signer des gros contrats de longue durée aux joueurs qu’il estimait importants. Il voulait ainsi se prémunir contre une nouvelle fuite àl’anglaise, comme celle des frères Mpenza vers le Standard en 1997. Les résultats ont suivi. Mais, par voie de conséquence, il a fallu payer de nombreuses primes de victoires alors que, parallèlement, les rentrées financières (que ce soit au niveau public ou au niveau sponsoring) ont stagné, voire régressé. Aujourd’hui encore, malgré la présence de joueurs attractifs comme Mbo Mpenza et LuigiPieroni, le Canonnier fait rarement le plein. Et La Poste, généreux sponsor principal pendant trois ans, a coupé son apport sans être remplacé : les MeublesToff, qui ont pris sa place sur les maillots, étaient déjà présents. Le club n’a pas accueilli de nouveaux partenaires depuis un certain temps.

Bref, Louf semble chargé d’appliquer à Mouscron la politique qu’il avait menée avec succès à La Louvière.  » Cette politique ne plaît pas à Leekens ? Jusqu’à preuve du contraire, qui décide de l’orientation à donner ? Le président ou l’entraîneur ? »

Le problème que risque de rencontrer Roland Louf, c’est que contrairement aux Loups qui n’avaient jamais vécu sur un grand pied précédemment, les Hurlus ont été gâtés ces dernières années. Les supporters, habitués aux places d’honneur et à qui l’on propose aujourd’hui des abonnements de… cinq ans, se posent des questions. Et de solides grincements de dents sont déjà perceptibles dans la bouche de certains joueurs également.

Daniel Devos

 » Assurer la pérennité du club en D1, c’est aussi UNE BELLE AMBITION  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire