LES 50 JOURS DE YANNICK FERRERA

Un revival à Charleroi, des bannis qui reviennent, une première victoire, l’abandon de la dernière place, et quoi encore ?

« Je sais que je suis le bon coach pour le Standard, j’ai l’intime conviction de pouvoir mener ce club vers le succès.  » Yannick Ferrera l’a lâché récemment en interview, et quand il tapote sur son smartphone en attendant l’arrivée de Felice Mazzu pour le debriefing de Charleroi – Standard, le genre de match où on ne souhaite pas emmener ses enfants, sa joie de la première victoire avec les Rouches est toute contenue.

Il a eu besoin d’un mois et demi pour goûter enfin au succès et il sait que la route est encore longue. Les trois points ne sont pas volés sur l’ensemble du match, mais pour le même prix, sans un finish un peu miraculeux, le Standard rentrait à nouveau bredouille.

Yannick Ferrera a fait, le week-end dernier, ce qu’il fait depuis son arrivée à Liège : tester, essayer de nouvelles choses. Il avait fait des choix étonnants une semaine plus tôt contre Westerlo, il a lancé cette fois deux nouveaux joueurs : Guillaume Hubert et RéginalGoreux. Et sa préparation du déplacement à Charleroi ?

 » On l’a trouvé changé « , nous dit un Standardman.  » A Saint-Trond, il était fort proche de son groupe. Visiblement, il constate que cette approche ne fonctionne pas bien chez nous. Et donc, après la défaite contre Westerlo, il est devenu plus distant. Pendant une semaine, on n’a plus vu le même homme. Il a aussi fait son autocritique devant le noyau. Il a reconnu qu’il n’avait pas pris que des bonnes décisions.

Il semble aussi se rendre compte que certains joueurs ne comprennent pas toujours son discours, ne maîtrisent pas le système qu’il a en tête. Il comprend qu’il est parfois un peu trop théorique. Tout cela a changé entre Westerlo et Charleroi, il est devenu plus terre à terre dans ses explications.  »

Il a aussi modifié son travail sur le terrain. Pour la première fois depuis son arrivée, il a mis très fort l’accent sur le travail défensif. Il n’a pas procédé aux mises en place offensives habituelles. Et il a attendu le dernier moment pour composer l’équipe de départ.

JEU DANGEREUX ?

Le coach s’est déboutonné récemment dans Standard Magazine. Il disait notamment :  » Dans le passé, on m’a reproché d’être trop proche de mes gars mais, sincèrement, j’embête qui quand je me permets de rigoler avec l’un d’entre eux ?  » Et puis, il y l’autre Yannick Ferrera, celui qui peut leur rentrer dedans.  » Je suis un homme qui aime provoquer et choquer dans certaines circonstances car cela peut déboucher sur un électrochoc bénéfique.  »

Cette approche dure, il l’a aussi essayée. Son laïus sur les  » gamins de merde insolents  » et les  » fils de riches « , tenu après le match contre Louvain, résonne encore à Sclessin.  » Il a joué un jeu dangereux ce soir-là « , analyse Marc Degryse.  » Slavo Muslin avait déjà eu des mots durs vis-à-vis de certains joueurs, il avait taclé Geoffrey Mujangi-Bia et Anthony Knockaert par exemple, mais ça n’avait pas produit d’effets positifs. Ferrera a jugé qu’il devait aller encore plus loin, il a probablement pensé : -Maintenant, je vais dire les choses comme elles sont, les gens doivent savoir, les supporters doivent être courant de certaines mentalités.

Il estimait sans doute qu’il allait scorer auprès du public en parlant comme ça. Mais cette approche est délicate à partir du moment où il va être obligé de travailler avec les mêmes joueurs au moins jusqu’en janvier. Et on a vu, après Louvain, que son discours hard n’arrangeait pas les choses. Dans les deux matches qui ont suivi, à Genk et contre Westerlo, l’engagement n’a pas été meilleur.  »

UNE VISION ASSEZ ROMANTIQUE

Yannick Ferrera bosse comme un fou au Standard. Il passe jusqu’à quatre ou cinq nuits par semaine à l’Académie, qu’il n’avait pas encore découverte au moment où il a signé son contrat.  » Je suis resté bouche bée, je me suis dit que j’allais foutre le feu avec un tel outil.  » Il commence à utiliser, avec les Liégeois, le GPS pour footballeurs, un appareil qu’il maniait déjà à Saint-Trond. Tout est encodé puis analysé : nombre de sprints, déplacements sur le terrain, kilomètres parcourus, minutes passées dans le rouge,…

Objectif : avoir un groupe totalement prêt vers la mi-décembre.  » C’est à ce moment-là que j’analyserai le classement. C’est à ce moment-là qu’il faudra commencer à tout renverser. Ce qui se passe avant a de l’importance mais des faux pas sont encore tolérés.  »

 » Il a une vision assez romantique « , juge Marc Degryse.  » En débarquant au Standard, il s’est dit qu’il allait refaire une préparation sur cinq ou six semaines, avec pas mal d’essais. Mais cette équipe a très vite besoin de points. Je pense qu’il a sous-estimé la transition entre un club comme Saint-Trond, où c’est bien de gagner, et le Standard, où il faut gagner. Je comprends qu’il ait accepté le contrat qu’on lui offrait mais le timing était difficile.

Il a un avenir, c’est sûr, mais il a pris un risque parce que la réputation d’un entraîneur peut très vite basculer. Il était peut-être persuadé qu’un club comme le Standard avait d’office un noyau talentueux. Moi, j’ai vu dès le premier match, à Courtrai, que cette équipe n’aurait pas les moyens de viser le haut du classement. Elle vaut mieux que les dernières places mais il ne faut pas en attendre des miracles.  »

SAINT-TROND ENCORE SOLLICITÉ ?

Le club avoue déjà qu’il y aura des transferts entrants en janvier. C’est un constat d’échec à partir du moment où il y a déjà eu beaucoup d’arrivées, en deux vagues, depuis l’été. Le premier bilan est insuffisant. A part quelques éclairs de Knockaert et des prestations intéressantes de Mathieu Dossevi, c’est mièvre.

Ivan Santini est toujours dans le trou, Renaud Emond n’a pas encore trouvé sa place, Christian Brüls a disparu de la circulation. Le Standard est occupé à tester des renforts possibles à l’entraînement, ça fait mauvais genre.  » Nous tirerons un premier bilan juste avant la période des transferts « , dit Yannick Ferrera.

 » Nous chercherons des profils bien spécifiques et, pour le cas où l’un d’eux se trouverait à Saint-Trond, l’avantage serait ma connaissance de sa personnalité.  » Il est possible, aussi, que le staff soit étoffé prochainement. Avec des gens actuellement en poste au Stayen ?  » Je découvre des personnes intéressantes au Standard mais j’ai vécu tellement d’émotions à Saint-Trond qu’il est impossible de tout oublier « , dit encore Yannick Ferrera.

PAR PIERRE DANVOYE PHOTOS BELGAIMAGE

 » A Saint-Trond, Yannick Ferrera était fort proche de son groupe. Il constate que cette approche ne fonctionne pas chez nous.  »

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