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LES 30 GLORIEUSES

Recasée au Lierse après avoir obtenu un rôle majeur dans l’obscur feuilleton du White Star l’an dernier, la carrière de l’attaquant luxembourgeois ressemble à un film de seconde zone fait d’acteurs impayés et de scénarios douteux. À tout juste 30 ans, Aurélien Joachim veut pourtant encore croire à sa bonne étoile.

L’histoire est belle. Dix ans après avoir enterré ses rêves d’un jour devenir footballeur professionnel, AurélienJoachim est devenu, à 30 ans, le buteur vedette du Lierse d’EricVanMeir qui recevra ce soir Gand en seizième de finale de la Coupe de Belgique. En l’espace d’une décennie, le garçon a aussi pris le temps de devenir le meilleur buteur de l’histoire de la sélection luxembourgeoise. Pas mal pour celui qui était jusqu’à ses 25 ans un professeur de natation épanoui aux thermes de Strassen dans son Luxembourg natal.

Entre-temps, Aurélien Joachim a travaillé avec JimmyFloyd Hasselbaink en Angleterre, fait la découverte de l’Eredivisie, parcouru l’Europe avec le CSKA Sofia et connu l’expérience de ce qu’il qualifie lui-même de  » joueur bénévole  » dans le White Star de John Bico. Une dernière expérimentation dont il se serait bien passé.  » Grâce au White Star, je réapprends à mesurer le bonheur simple d’avoir sa paye qui tombe chaque premier du mois au Lierse et d’ainsi pouvoir payer mes factures sans se prendre la tête. J’ai connu le folklore du foot amateur, mais au White Star, je suis carrément rentré dans une autre dimension.  »

JOUEUR BÉNÉVOLE À SOFIA PUIS BRUXELLES

Franche réussite sur le plan sportif, son court passage dans le club étoilé (10 matchs, 9 buts entre janvier et mai 2016) a laissé un souvenir amer à celui que beaucoup de supporters du club molenbeekois continuent de considérer comme l’homme du titre. Quatre mois après les faits, le sourire de circonstance d’Aurélien Joachim cache visiblement un agacement certain. Il ne faut pas l’écouter bien longtemps nous conter sa fin de saison mouvementée pour comprendre que l’international luxembourgeois est reparti de Bruxelles avec le sentiment de s’être fait flouer.

 » Et pourtant, beaucoup de gens m’avaient dit de faire attention quand j’ai signé au White Star en janvier. Avec le recul, je suis obligé d’avouer qu’ils avaient raison. J’ai fait l’erreur de faire confiance à John Bico. Sportivement, ça m’a permis de me montrer, mais pour le reste ce n’était pas évident à vivre. Bico disait toujours qu’on allait être payé, mais rien n’est jamais venu. J’ai eu mon salaire de mars et puis plus rien.  »

Cela n’a pas empêché le groupe des joueurs de continuer à tout donner pour finir par cette apothéose en forme d’ascenseur émotionnel devant près de 4000 personnes au Stade Edmond Machtens contre le Patro Maasmechelen le 30 avril dernier. Un succès et un titre de Proximus League fêté comme il se doit malgré les violentes tensions qui agitaient déjà la vie du club étoilé depuis plusieurs semaines.

 » Je pense qu’on ne peut rien reprocher à l’équipe parce qu’on s’est donné à fond jusqu’au bout malgré le fait que l’ambiance était pourrie en interne. Je ne vais pas rentrer dans les détails, parce que je ne veux pas que ça se sache, mais moi, et contrairement à d’autres, j’ai toujours été réglo. Là encore, je suis en justice pour récupérer mes sous. On verra bien ce que ça va donner, mais je ne comprends pas l’Union belge qui continue de laisser vivre un club qui n’a pas payé ses joueurs l’an dernier…  »

Frustration légitime pour un garçon qui avait déjà fait les frais du fragile équilibre qui semble parfois dicter les finances de certains clubs. C’était lors de son passage au CSKA Sofia (2014-2015). De Bulgarie, Joachim est rentré avec 4 mois de salaire impayés et un dossier en justice porté devant la FIFA.  » Et quatre mois de salaire au CSKA, ça représente beaucoup plus qu’au White Star, soyez en sûr. Mais bon, il faut croire que j’ai une bonne tête de footballeur bénévole.  »

LES ÉTUDES AU LIEU DE LA SÉLECTION

Longtemps resté dans l’ombre du football amateur, Aurélien Joachim ne s’attendait sans doute pas à une découverte si brutale du monde pro. Il est pourtant encore amateur lorsqu’il doit une première fois déchanter. Octobre 2008, GuyHellers, alors à la tête de la sélection luxembourgeoise, met l’un de ses joueurs vedettes face à un choix cornélien :

 » Sous prétexte qu’on avait deux stages internationaux par an, il m’avait obligé à faire un choix entre l’équipe nationale et mes études en éducation physique lorsque j’ai entamé celles-ci à la rentrée scolaire.  » Vu les maigres résultats de la sélection luxembourgeoise, Aurélien n’hésite pas un instant et se distancie de sa sélection pendant deux ans. Le temps pour Hellers d’enchaîner les désillusions (4 matchs nuls et 10 défaites en 14 rencontres) et de s’en aller ; pour Joachim d’aller chercher un peu de confiance du côté de Differdange en BGL ligue, le championnat de D1 luxembourgeoise.

À l’été 2011, et tout juste diplômé avec distinction de la Haute École Robert Schuman de Virton, le joueur s’apprête enfin à changer de dimension. Le jour de sa proclamation, Aurélien plante d’ailleurs le but de la victoire contre l’Albanie dans un stade Josy Barthel qui apprend tout doucement à se faire au goût d’un succès en match officiel.

C’est le début de la seconde vie d’Aurélien Joachim. Celle-ci prend définitivement forme douze mois plus tard. Qualifié pour les tours préliminaires de la Ligue des Champions avec son nouveau club de Dudelange, ce qui ne devait être qu’une confrontation aller-retour dans l’anonymat d’un début de mois de juillet captivé par l’Euro en Pologne et en Ukraine se transforme en saga estivale.

Joachim est dans la forme de sa vie et élimine successivement Tre Penne (Saint-Marin), et le Red Bull Salzbourg avant de s’incliner contre Maribor. Bilan : 7 buts en 6 matchs et un contrat pro signé dans la foulée à Willem 2 en Eredivisie. Une success-story à l’américaine comme n’en avait pas encore connu le football luxembourgeois.

 » Cet été-là était formidable, je jouais sans pression. J’avais fait une croix sur mes ambitions depuis un petit temps, je me contentais de prendre du plaisir. Et puis, j’avais mon petit mi-temps à la piscine et pas mal de temps pour m’entraîner, c’était bien en fait, j’étais heureux.  »

UN DOUBLÉ CONTRE LA BULGARIE EN QUALIFS

Du jour au lendemain, son rythme de vie va pourtant sensiblement s’accélérer. En même temps que son empreinte écologique jusque-là partagée entre la Belgique, l’Allemagne et le Luxembourg. En trois ans, Joachim découvre Tilburg, Waalwijk, mais aussi Sofia et Burton upon Trent en Angleterre.  » Quand on a fait des études, on est parfois surpris du foot professionnel où ça ne vole pas toujours très haut « , dit-il.

 » Mais le foot m’a malgré tout ouvert plein de portes. Notamment au niveau culturel. Aujourd’hui, je parle 5 langues (luxembourgeois, français, néerlandais, allemand, anglais) et je peux situer Chisinau (la capitale de la Moldavie, NDLR) sur une carte. Sans le foot, ça n’aurait sans doute jamais été possible (rire).  »

Footballistiquement, ses différents exodes ne seront pas toujours couronnés de succès. Entre une blessure au ménisque et des mois de salaires impayés, la Bulgarie reste comme un épisode particulièrement folklorique de la carrière du principal intéressé. Et le récent déplacement du Luxembourg dans la capitale bulgare n’a pas participé à chasser les mauvais esprits.

Après avoir mené 2-1 grâce à un doublé de Joachim, le Luxembourg s’est finalement incliné 4-3 par la faute d’un but concédé dans les ultimes secondes.  » C’est le premier match où j’ai vraiment été dégoûté. Autant quand je marque le 2-1 et que je vois qu’il reste 25 minutes au chrono, je ne me faisais pas de fausses illusions, autant au moment de l’égalisation à 3-3 dans les arrêts de jeu, j’y ai réellement cru.  »

Sur la dernière possession bulgare, le Luxembourg prendra pourtant un dernier but fatidique. Malgré cet énième épisode douloureux dans la vie d’un pays trop souvent habitué à finir à la dernière place de ses différents groupes qualificatifs, Aurélien Joachim (63 sélections, 10 buts) s’efforce de voir le positif :  » Il y a 5 ans, j’aurais cru à une blague si on m’avait dit qu’on inscrirait 3 buts en Bulgarie. Mais c’est fini l’époque où on se prenait 8 buts par match. Le progrès du football luxembourgeois est réel, même si cela prend du temps.  »

Tellement de temps que le meilleur buteur de l’histoire de la sélection luxembourgeoise pourrait bien être arrivé trop tôt que pour récolter les fruits d’une sélection en plein boom. La preuve ? En 2018, le Luxembourg inaugurera son tout nouveau stade national. Un stade qui devrait alors avoir coûté quelque 60 millions d’euros et qui rêve d’héberger une sélection ambitieuse.

OBJECTIF COUPE DU MONDE : 5 POINTS

 » Pour cette campagne pour le Mondial 2018 et en sachant qu’on est dans un groupe avec la France et les Pays-Bas (en plus de la Biélorussie, la Suède et la Bulgarie, NDLR), l’objectif est de prendre 5 points. Ce serait déjà très bien. Pour la suite, on verra bien, mais il y a une bonne génération qui arrive.  »

Impossible de ne pas citer Vincent Thill, jeune talent de 16 ans, buteur pour sa première sélection internationale et passé pro au FC Metz cette saison après avoir refusé une offre du Bayern Munich.  » Il a un peu le même style que Lionel Messi, mais physiquement il est encore un peu court. Il faut le laisser grandir à son aise. Dans 5 ans, cette équipe aura fière allure. J’espère juste pour eux qu’ils auront d’ici là trouvé un autre attaquant (rire).  » Parole de trentenaire.

PAR MARTIN GRIMBERGHS – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Je ne comprends pas que l’Union belge continue de laisser vivre un club, le White Star, qui n’a pas payé ses joueurs l’an dernier.  » AURÉLIEN JOACHIM

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