Les 2 visages de Jacky M.

Le coach brugeois est souvent bourru devant les caméras mais toujours chaleureux en coulisses.  » Les gens me demandent parfois s’ils peuvent me dire quelque chose. Evidemment ! « 

J acky M. C’est ainsi qu’il signe ce que les supporters lui tendent : des t-shirts, un ballon, un papier. En quinze mois, il a modelé le Club Bruges. Une demi-douzaine de transferts la saison passée, quelques achats ciblés cet été. Hormis le gardien Stijn Stijnen, l’arrière gauche Michael Klukowski et le bon vieux Philippe Clement, c’est lui qui a formé l’équipe fanion avec laquelle il veut récolter quelque chose. Suite à l’absence de Laurent Ciman et de Jeroen Simaeys, le Club a reporté ses deux premiers matches de championnat mais il a trouvé son élan et a entamé sa course-poursuite.

Avant le derby brugeois, le Club semblait bien lancé et la qualification pour la phase en poules de la Coupe UEFA était dans la poche. Vous sembliez être un homme satisfait, non ?

Jacky Mathijssen : Il y avait vraiment peu de raisons de ne pas l’être, si je ne me trompe pas…

Avez-vous alors trouvé étranges les rumeurs faisant état d’une crise ?

Cela m’a interloqué, oui. Je pense être toujours très clair à propos de mon travail, dans le vestiaire comme en-dehors. S’il y avait eu des problèmes, vous l’auriez su. Y a-t-il un sujet qui aurait pu devenir gênant ? Je ne le pensais pas et donc j’ai trouvé ça bizarre. Je me demande aussi d’où viennent ces rumeurs. Aux Pays-Bas aussi, beaucoup d’équipes ont dû céder des joueurs à l’équipe olympique. Je pense à Heerenveen, à l’Ajax, à l’AZ, à Feyenoord… Et elles ont toutes raté leur départ… Que disent leurs entraîneurs ? Je n’ai pas pu travailler normalement.

La défense

Simaeys connaît la maison. Vous n’avez été privé que d’un nouveau gars, Ciman ?

On programme des matches amicaux des mois à l’avance mais l’absence de Jeroen et de Laurent nous a contraints à changer notre fusil d’épaule. Nous avons perdu 4-0 en Grèce. Je ne trouvais pas ça dramatique, mais il semble que d’autres aient eu un avis différent. Je l’admets, prendre un 4-0 n’est jamais marrant mais je savais que cela pouvait arriver et en voyant notre classement, je pense que nous n’avons pas raté notre départ. Nous avons cependant dû faire en sorte que les joueurs apprennent à se connaître pendant le championnat alors que la préparation est réservée à ce genre de choses…

Y a-t-il des parallèles avec la saison dernière où l’équipe s’est trouvée en automne également ?

J’étais nouveau, je tâtonnais. Pas cette année. Je connaissais Laurent, Joseph Akpala et Bernd Evens. Seuls Nabil Dirar et Ronald Vargas m’étaient inconnus. Cette année-ci a donc été plus facile, d’autant que les nouveaux ont été choisis en fonction d’un certain profil. Il a seulement fallu attendre qu’ils jouent et qu’ils atteignent leur forme.

Que décelez-vous en Evens, qui a presque 30 ans ?

Il a montré ses qualités et sa polyvalence. Au début, à juste titre, il a suscité des interrogations mais je savais ce qu’il allait m’apporter et il l’a confirmé. Il maintient les autres défenseurs sous pression. Il peut occuper trois des quatre postes en défense. Quand j’ai besoin de lui, je n’ai guère de remarques à formuler.

Et Ciman ? Un grand club ne doit-il pas posséder un joueur de flanc qui est également offensif ?

Cette position est doublée, voire triplée. A l’arrivée de Laurent, je l’ai dit : j’ai désormais un défenseur apte à affronter un adversaire qui aligne trois attaquants, qui peut tirer son plan dans des moments ou des déplacements difficiles. Si j’ai besoin d’un arrière plus offensif, je fais appel à Jorn Vermeulen ou à Gertjan Demets. C’est pour cela que pendant la préparation, Jorn a souvent joué à droite de l’entrejeu. Il a ainsi acquis de l’expérience et le sens du ballon, ce qui lui facilitera la vie s’il n’a pas de concurrent direct et n’est pris en charge que très haut. La blessure de Jorn est dommage pour lui et pour Laurent, qui progressera mieux s’il sent le souffle d’un rival.

L’entrejeu

L’entrejeu cherche ses marques, non ?

Expliquez-vous !

Leko a délivré trois assists et marqué deux buts avant le derby mais il est toujours mal démarqué. Le jeu est difficile avec lui et sans lui. Regardez Dender : premier match à domicile, premier nul.

Est-ce la faute de Leko ? Je ne pense pas. Ce match n’a pas été mauvais. Tout le monde s’est fixé dessus car c’était notre première joute sur notre terrain mais un entraîneur doit voir plus loin. Si nous avions concrétisé nos occasions, ce match se serait achevé sur le score de 4-1.

Avec Leko et des flancs offensifs, Bruges ne s’expose-t-il pas trop en perte de balle ?

Qui n’est pas fragile à ce moment ? Celui qui veut dominer joue haut, avec des éléments créatifs. Il a en effet un problème en transition défensive. C’est le cas du Real, de Barcelone et aussi du Club Bruges…

Malgré son rendement, Leko est sur la touche. Est-il difficile de lui expliquer pourquoi ?

Non. Ivan réfléchit aussi au jeu. Il sait qu’il peut être utile dans un autre rôle. Comme à Roulers, j’aurai encore besoin d’un médian fort avec ballon, capable de distribuer le jeu. Pour le moment, j’estime qu’avec Karel Geraerts et Philippe en combinaison avec les quatre hommes devant, nous avons la meilleure combinaison, la plus stable et la plus dangereuse.

Etes-vous satisfait des flancs, Vargas et Dirar ?

Nous tentons de les diriger en fonction de l’adversaire et de ses capacités. Ronald ne connaît pas notre championnat et Nabil n’y a sans doute jamais réfléchi. Normalement, nous aurions dû les piloter pendant la préparation mais ils n’étaient pas en condition. Nous le faisons donc en championnat. Nabil est déjà rentable, même si ses statistiques ne l’illustrent peut-être pas. Si on le juge sur ses seuls assists, son bulletin est mauvais.

Pouvons-nous le faire ? Steven Defour suscite également cette discussion…

Vous devez le faire car c’est de ça qu’il s’agit en football mais d’autres doivent mieux aider Nabil. Ronald est un cas différent : il n’est pas encore en état de disputer un match entier. Si on lui demande d’être constamment présent, offensivement, défensivement, en réalisant des actions, il ne peut jouer qu’une heure maximum.

Donc, vous dosez ses efforts.

Voilà !

L’attaque

Les deux attaquants s’entendent bien, non ?

Je ne suis pas vite content mais le choix d’Akpala me satisfait beaucoup. Nous ne pouvions nous permettre d’enrôler un joueur qui nous coûterait trois mois de travail avant d’être rentable. Joseph est un joueur en or, il est ambitieux, empreint d’assurance et de volonté de réussir. Il y parviendra et heureusement, ce sera avec le Club. Il veut devenir le meilleur buteur sans en faire une obsession. Je ne puis imaginer qu’il pense en termes égoïstes. Il sait que son succès dépend de l’équipe. Il n’est pas de ceux qui rechignent à courir par peur de ne plus être frais au moment de s’élancer seul à 40 mètres du gardien.

Pourquoi avoir aligné Wesley Sonck seul en pointe de l’attaque à Malines quand Akpala était suspendu ? Ce fut un échec.

Wesley garde bien le ballon. Je m’attendais à un match viril, dans le bon sens du terme. Soit on se lançait dans la bataille mais alors, nous n’aurions peut-être pas eu assez de forces, compte tenu de la succession des matches, soit nous résolvions le problème positivement en misant sur une circulation rapide. Je pensais les footballeurs alignés capables de développer ce jeu mais cela n’a pas réussi.

A vingt minutes du terme, j’étais sûr que nous allions gagner. Je sentais que l’équipe locale ne tenait pas le coup mais au moment où j’ai aligné mon second avant, les cartes ont commencé à pleuvoir. Deux de mes joueurs ont été exclus. Il fallait survivre. Peu importait que Wesley soit à gauche, à droite ou au milieu. C’était un mauvais jour et pas seulement pour lui. Donc, une tactique qui ne se voulait pas défensive l’est devenue, puisque l’exécution était un échec. Il ne faut pas chercher plus loin.

Comment vont vos deux autres transferts, Koen Daerden et Elrio Van Heerden ?

Je ne pense pas qu’ils soient loin du groupe. Le pire serait de demander à Koen de monter demain sur le terrain et d’être le joueur performant qu’il était il y a deux ans. Quant à Rio, vous savez qu’il peut apporter quelque chose mais qu’il n’a jamais été un meneur.

Beaucoup de suiveurs trouvent que votre jeu est calculateur et qu’il ne correspond pas au football offensif que doit développer un grand club.

J’ai cessé de commenter les avis des autres la saison dernière. Une fois c’était celui de Franky Dury, l’autre fois celui de Johan Boskamp. A chacun son opinion.

Tendez-vous vers un jeu dominant et offensif ?

L’entraîneur du Club ne peut se permettre de ne pas le faire. En fait, ces matches européens constituent une pause pour moi. Là, je peux jouer intelligemment alors qu’en championnat il faut être naïf. C’est ce qu’on attend ici… Alors, j’emballe les matches belges et je continue sous peine d’être tué et mon équipe avec. Au début, j’ai sous-estimé un aspect : il faut receler énormément de qualités pour être offensif à tout va. Car moins on joue intelligemment, meilleur il faut être. Charleroi ou Saint-Trond ont le droit de jouer leurs matches en les contrôlant à mort. Pas à Bruges, Gand, Genk, le Standard et Anderlecht. En Coupe d’Europe, heureusement, c’est différent.

C’est devenu votre équipe. Est-elle prête pour le succès ?

Mon équipe… Il fallait manifestement changer les choses, quel que soit l’entraîneur. Mon rôle est de dire oui ou non quand on cite des noms. Tout le monde voit quand même que nous sommes au début de quelque chose qui sera très beau à moyen terme. Je ne me projette pas cinq ans en avant mais plus loin que cette saison. Le Standard a eu besoin de temps aussi. Si j’avais dû abandonner ce projet, cela m’aurait fait mal car je suis animé d’un excellent sentiment. Nous avons à nouveau une équipe.

par peter t’kint – photos: reporters

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire