Les 2 ne font pas la paire

Bien que de profil différent, les deux attaquants zébrés n’arrivent toujours pas à se trouver. Pourquoi ?

Ces deux dernières saisons, que ce soit en D2 ou en D1, Charleroi avait toujours connu des buteurs providentiels. En D2, Moussa Gueye, qui n’avait jamais rien montré jusque-là, avait flambé lors de la première partie de saison avant de s’éteindre lors du deuxième tour. Pas de problème, Bison Gnohéré avait pris le relais, claquant but sur but. La saison dernière, Giuseppe Rossini, arrivé le dernier jour du mercato estival, avait alors repris le costume de buteur patenté en se montrant productif particulièrement dans les rencontres-clés (seul but du match Lierse-Charleroi et Charleroi-Lierse, but contre Anderlecht, égalisation contre Malines).

Soit six buts, dont cinq avant la trêve.  » On oublie vite l’importance de Rossini dans le sauvetage « , le défend Luka Peruzovic.  » Il a mis des buts décisifs ! « . David Pollet prenait le relais en 2013. Arrivé de Lens, le nordiste allait mettre deux rencontres à s’adapter à la compétition belge avant de trouver son rythme de croisière et de planter sept buts (cinq en phase régulière, deux lors des play-offs 2).

Jamais donc, depuis deux ans, les Carolos n’ont été en panne de buteur, chacun endossant à tour de rôle le costume. Pourtant, force est de constater que depuis l’arrivée de Pollet, Rossini s’est quelque peu éteint (un seul but en 2013) et que depuis neuf mois, tout le monde met en doute la complémentarité entre les deux hommes. Les chiffres l’attestent. La saison passée, sur les 16 matches du deuxième tour, les deux attaquants n’ont été titularisés ensemble qu’à sept reprises. Bilan : trois défaites, deux partages et deux victoires. Jamais ils n’ont trouvé le chemin des filets lors du même match !

Certes, il restait des circonstances atténuantes. Les blessures et suspensions de Rossini l’ont empêché d’enchaîner les rencontres aux côtés de Pollet. Cela pouvait expliquer le manque d’automatismes entre les deux hommes. Mais le début de l’actuelle campagne a relancé le débat. La deuxième mi-temps de feu du Sporting réalisée à Mons suite aux changements opérés par Felice Mazzu (Rossini remplacé par Jamal Thiaré) semblait avoir donné raison aux détracteurs du duo mais la pauvre rencontre de la paire Thiaré-Pollet face à Courtrai a remis les choses en perspective.

Deux joueurs au profil assez différent

Pour appuyer un manque de complémentarité entre Pollet et Rossini, on s’est surtout basé sur la taille et le gabarit des deux joueurs. Ils sont tous les deux grands et de là à en faire deux pivots, il y a un pas qui a été vite franchi.  » On se base sur un cliché « , explique l’ancien entraîneur des Zèbres, Luka Peruzovic.  » Si Pollet avait 10 centimètres en moins, on ne se poserait même pas la question tant ils sont différents.  »

D’un côté, Rossini, pivot à l’ancienne. De l’autre Pollet, chercheur de profondeur.  » Pollet aime recevoir le ballon en profondeur et se retrouver face au but « , résume Mazzu.  » Il aime aller vers l’avant et mettre de la course. Rossini n’a pas le même volume de course. C’est un pivot classique, capable de remiser et très bon de la tête.  »

Le premier à les avoir eus ensemble sous ses ordres, Yannick Ferrera ne dit pas autre chose.  » D’un côté, on a un point d’appui ; de l’autre un joueur plus mobile, qui a un sens du but plus développé.  »

Bref, à les entendre, Charleroi possède deux joueurs complètement différents.  » Pollet n’est pas un pivot « , achève Mazzu.  » Quand on regarde ses courses, ce ne sont pas celles d’un pivot. Il part souvent dans le couloir. Un pivot comme Rossini reste axial, ne va pas dans la profondeur et est surtout bon de la tête. Vous avez déjà vu Pollet mettre un but de la tête ?  »

Ils se marchent sur les pieds

 » Je suis donc certain comme la mort qu’ils sont complémentaires « , conclut Mazzu à la lecture de leurs différences. Peruzovic abonde dans le même sens.  » Il n’y a aucun doute : ils peuvent et doivent jouer ensemble. Cette polémique n’a aucune raison d’exister. Dans une équipe, on ne peut pas isoler un couple pour expliquer tel ou tel problème.  »

Pourtant, Ferrera amène un bémol.  » Quand Pollet est arrivé, j’étais persuadé qu’il pouvait jouer avec Rossini. Jamais, je ne me suis dit qu’on avait transféré un clone de Pino. Puis, au fil des matches, j’ai commencé à avoir des doutes. Finalement, je suis parti avant d’avoir pu répondre à la question. Car, même s’ils sont différents, ils aiment tous les deux occuper le rôle de point d’appui, d’attaquant central. J’ai remarqué que quand l’un est dans le zig, l’autre est dans le zag.  »

Et de tirer la conclusion : ils ont beau être différents, au final, ils se marchent quand même souvent sur les pieds. Et surtout, l’alchimie entre les deux ne semble pas fonctionner. L’un ne donne jamais d’assist à l’autre.  » Mais est-ce leur rôle ? Rossini est un pivot qui remise sur l’entrejeu et crée des brèches. Quant à Pollet, ce n’est pas un centreur « , explique Peruzovic.

C’est dans la tête, docteur

Mazzu admet aujourd’hui qu’à force de remettre le problème sur la table, il commence à peser dans les têtes.  » C’est vrai qu’ils ne se trouvent pas assez. Pourquoi ? C’est le grand mystère. Aujourd’hui, on peut se demander s’ils ont toujours envie de faire les courses pour l’autre. Ont-ils envie de libérer l’espace pour que l’autre le remplisse ? Toutes ces questions m’ont traversé l’esprit. Je les leur ai posées et ils m’ont répondu qu’ils étaient toujours prêts à évoluer ensemble. Je pense que cela se situe dans la tête. Cela fait six mois qu’on leur dit qu’ils ne savent pas jouer ensemble. A force, ils en sortent fragilisés. Surtout Rossini. Il est fortement irrité quand on évoque le sujet.  »

Et s’il était là le problème ? Tout au long de sa carrière, Rossini a flambé lors de sa première saison avant de connaître un passage à vide et de fléchir face à la concurrence.  » Peut-être devrait-il être plus fort mentalement « , reconnaît Mazzu.  » Il faudra voir sa réaction quand il sera sur le banc et qu’il devra rentrer en cours de match.  »

Ferrera sait qu’il faut couver l’attaquant hennuyer.  » C’est quelqu’un avec qui il faut beaucoup parler. Mais il ne faut pas encore enterrer Pino. Il n’y a pas de problème Rossini. Quand il est en confiance, il est très, très fort. Pour ses qualités dos au but, il a sa place dans un club du top-6. J’en suis persuadé. « 

PAR STÉPHANE VANDE VELDE- PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Si Pollet avait 10 centimètres de moins, on ne se poserait pas la question tant ils sont différents.  » Luka Peruzovic

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