Les 100 JOURS

Après un début laborieux, l’entraîneur écossais a imposé sa méthode.

La victoire contre le Standard a ensoleillé la semaine carolo. Partout où il passe, on félicite John Collins. Un peu plus de cent jours après sa prise de fonction, l’heure du premier bilan a sonné pour l’entraîneur écossais. Après les balbutiements des premiers jours, le puzzle prend forme. Une équipe combative et organisée s’est mise en place.

Quel bilan tirez-vous de vos premiers mois à Charleroi ?

John Collins : Je suis très satisfait de la progression de mes joueurs. J’ai dit en arrivant que je n’avais pas de baguette magique mais une méthode de travail. J’ai placé l’accent sur le collectif et tout s’est mis en place, petit à petit. Quand nous sommes arrivés, mon adjoint Tommy Craig et moi, nous avons dû composer avec des blessés, des joueurs qui n’avaient pas de jambes, et un effectif étriqué. Le retour d’Oulmers et les transferts du mercato nous ont fait du bien. On a changé notre système. Après la défaite contre Gand, je me suis rendu compte que je ne possédais pas l’effectif pour un 4-3-3. J’ai donc opté pour un 4-4-2. Il a fallu que les joueurs assimilent leurs rôles défensif et offensif car j’estime que, dans le football, le moment le plus dangereux est la transition entre l’attaque et la défense. On a beaucoup travaillé ce point : -Que doit-on faire quand on perd le ballon ? C’est la question que doivent se poser tous les joueurs instantanément.

D’où l’importance d’un pressing constant ?

Oui, mais le pressing doit être collectif. Le pressing peut être dangereux si un attaquant décide de le faire seul. Il va perdre de l’énergie et sera éliminé sur une combinaison à deux. Par contre, un pressing à dix sera très efficace. On devient alors une équipe contre laquelle l’adversaire ne sait pas développer son jeu.

Vous avez déconstruit toute l’équipe pour la reconstruire pièce par pièce. Pourquoi ?

C’était obligé après les claques contre Roulers et Gand.

Avec le recul, auriez-vous fait les mêmes choix ?

Au début, je devais jouer avec les cartes que j’avais en mains. Cependant, j’aurais pu commencer d’emblée avec le 4-4-2 mais le 4-3-3 est mon système préféré car il permet d’écarter le jeu plus facilement et d’évoluer plus haut. Evidemment dans le 4-3-3, tu dois disposer de trois médians qui ont des jambes, des moteurs. Bref des éléments physiquement très forts. Tu dois aussi avoir un attaquant central capable d’évoluer face à deux stoppeurs.

Vous n’aviez pas cela dans votre noyau ?

Non. On l’a réalisé. Il fallait arrêter de prendre trop de buts. On a réfléchi. On a regardé le match de Gand plusieurs fois et on a reconstruit.

Le 4-4-2 va-t-il laisser sa place à un 4-3-3 ?

Oui, peut-être. Il faut être flexible. Mais pour le moment, notre 4-4-2 pose des problèmes à l’adversaire. Pour un entraîneur, le plus facile consiste à mettre sur pied une équipe défensive. Par contre, c’est beaucoup plus difficile d’être solide derrière et créatif en même temps.

Vous vouliez des backs offensifs mais vous leur avez demandé quelques semaines plus tard de moins monter, non ?

Il faut travailler avec les qualités présentes dans l’équipe. Frank Defays a 35 ans : tu ne peux pas lui demander de faire débordement sur débordement. Quant à Chakouri, non seulement c’est un stoppeur mais en plus, il est droitier. Cela ne sert à rien qu’il déborde pour se retrouver sur son mauvais pied…

 » Bia doit comprendre que le football, ce n’est pas toujours éliminer deux ou trois joueurs « 

Depuis cinq matches, Charleroi est invaincu et on remarque que le salut est d’abord venu de la défense qui n’encaisse plus depuis trois rencontres…

Il fallait d’abord arrêter de prendre autant de buts. J’ai réalisé qu’on ne pouvait pas gagner de matches si on encaissait deux ou cinq buts.

Pourtant, la défense ne fut pas vraiment modifiée…

Si, Torben Joneleit est arrivé. C’est un garçon très calme, qui ne panique pas et rassure Badou Kere. Avant, on n’avait pas de bon équilibre dans l’axe. Il y avait deux droitiers.

David Vandenbroeck avait effectué un très bon premier tour mais vous l’avez retiré…

Oui, c’est vrai qu’il était solide derrière mais il évoluait sur son mauvais pied. En défense, c’est très important d’avoir un gaucher à gauche.

Vous auriez pu tout aussi bien enlever Kere de l’équipe ?

C’était une décision difficile à prendre. Entre les deux, c’était 50-50. On a choisi Badou probablement pour son expérience. Ceci dit David répond bien à l’entraînement. Tommy Craig et moi l’apprécions beaucoup mais il doit attendre.

Comment expliquez-vous que vous ne prenez plus de buts ?

Parce qu’il y a un très bon travail défensif des deux attaquants ! Ils mettent les défenses adverses sous pression et les forcent à jouer vite.

Parlons justement du duo Habibou-Mboyo. Comment les avez-vous forcés à penser à l’équipe avant de penser à eux ?

Il fallait qu’ils réalisent qu’à chaque fois qu’ils perdaient le ballon, ils devenaient les premiers défenseurs. Ils avaient le choix de travailler et défendre à 50 % comme beaucoup d’attaquants ou à 100 %. Avec moi, si tu ne travailles qu’à 50 %, tu ne restes pas dans l’équipe ! Je mets l’accent sur le pressing tout en sachant que c’est dur pour les attaquants car ce ne sont pas eux qui récupèrent le ballon mais le mec derrière. Quand ils ne font pas leur boulot, on le remarque lors des séances vidéo. Or, depuis trois semaines, après la vidéo, on n’a plus que des compliments à émettre.

Vous demandez une débauche importante d’énergie…

Je demande du travail mais du travail intelligent. Je veux une symbiose entre jambes, cerveau et c£ur. On croit qu’on travaille plus, mais quand tu analyses les matches, tu vois qu’on fournit moins d’efforts. On ne court plus sur la longueur du terrain, plutôt sur la largeur. J’insiste pour qu’on récupère le ballon dans la moitié de terrain de l’adversaire car si cela se passe dans notre surface, on a encore 80 mètres à effectuer pour remonter le ballon. Je veux que chaque équipe arrive chez nous en ayant peur, en n’ayant aucune seconde de répit.

En attaque, vous avez beaucoup essayé avant de trouver le duo idéal (Habibou-Mboyo)…

Oui, c’est vrai. Ce ne sont pas des buteurs mais ils travaillent beaucoup. Par exemple, Geoff Mujangi Bia doit encore apprendre que le football ne se déroule pas qu’avec ballon. Il y a les appels, les interceptions, les courses sans ballon. Techniquement, il est très fort mais il perd trop de ballons facilement, sans réactions sur le terrain, sans pressing. Maintenant, il travaille pour l’équipe et il réalise que quelquefois, il doit jouer simple en une ou deux touches. Le football, ce n’est pas toujours éliminer deux ou trois joueurs. Dernièrement, en Réserves, il a fait tout ce que je lui avais demandé. C’est bien… Quant à Cyril Théréau, il a perdu de la confiance et de la force. Il est en train de revenir. Pour le moment, ce sont toutefois Habibou et Mboyo qui sont les meilleurs.

Vous ne parlez pas d’Orlando ?

Pour moi, ce n’est pas un attaquant mais un ailier. Et pour le moment, je suis satisfait de Christophe Grégoire.

 » Physiquement, Guédioura est le meilleur du championnat belge « 

Vous avez demandé des renforts, jugeant le noyau trop étriqué. Etes-vous satisfait de leur apport ?

Oui. Tous font du bon boulot. Il suffit de voir les résultats depuis qu’ils sont rentrés dans l’équipe.

Les anciens sont également revenus à leur meilleur niveau…

Le retour d’Oulmers nous fait du bien. Il est très complémentaire avec Guédioura. On m’a dit qu’il avait évolué sur les côtés et même au poste d’arrière gauche mais pour moi, son meilleur poste se situe dans l’axe. Defays est également bien revenu. Il est intelligent et professionnel. Je lui avais dit que je ne voulais pas changer ma formation alors qu’il avait été suspendu. Comme un vrai pro, il a accepté. Puis, il est rentré dans l’équipe. Il est solide, correct et toujours prêt. C’est hyper important pour un entraîneur d’avoir un capitaine comme lui. Je lui demande toujours comment il se sent, comment il perçoit le groupe. C’est quelqu’un d’honnête, qui sert d’exemple pour tous les jeunes. Comme Sébastien Chabaud : il ne joue pas mais ne se plaint pas et bosse tous les jours.

Pourquoi lui avoir préféré Guédioura ?

Adlène a plus de jambes. Physiquement, il est le meilleur du championnat belge. C’est un moteur. C’est une super signature pour le club. Il était gratuit en plus.

Reste le problème du back gauche où Moia, Sbai, Miceli et Chakouri se sont succédé…

Mais je trouve que Momo Chakouri se débrouille bien. Il a retrouvé le rythme…

… depuis que vous lui avez demandé de perdre cinq kilos ?

Oui, c’est vrai. Pour moi, c’était évident qu’il devait perdre du poids. Maintenant, il est bien. Même si ce n’est pas un gaucher.

Grégoire et Camus reviennent aussi en forme…

Concernant Grégoire, au départ, je n’étais pas sûr qu’il puisse évoluer dans notre contexte. Surtout sur le plan défensif : je pensais qu’il ne pourrait pas faire le boulot qu’on lui demanderait. Mais il nous a prouvé qu’il pouvait apporter autant sur le plan offensif, par ses passes, que sur le plan défensif. Il a un super pied gauche et cherche toujours la dernière passe tranchante. Quant à Camus, il joue des deux pieds et a un moteur. Ce n’est pas non plus un garçon qui aime défendre mais il réalise qu’on a besoin de lui dans ce domaine-là aussi.

Sur le plan du jeu, on remarque une progression mais si on compare votre bilan chiffré à celui de vos prédécesseurs, il n’est pas meilleur…

Il n’y a pas que les résultats. Je suis un coach qui analyse les prestations. Beaucoup de matches se sont terminés par un partage alors qu’on devait les remporter. Voilà mon analyse.

Comment jugez-vous le championnat belge ?

Meilleur que je ne le pensais.

Par rapport au championnat écossais ?

Largement meilleur. Ici, tu as une dizaine de joueurs qui pourraient évoluer en Angleterre. Ce que tu n’as pas en Ecosse.

Qui ?

Defour, Witsel, Mbokani, Boussoufa, Gillet, De Sutter, Ruiz.

par stéphane vande velde – photos: reporters

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