Les 10 clés du GP

Favoris, Lewis Hamilton et Felipe Massa devront compter avec de nombreux outsiders, notamment un champion du monde en quête de réhabilitation…

1re clé : le circuit le plus dur

Les dirigeants ardennais axent l’essentiel de leur communication sur la formule  » Spa-Francorchamps : le plus beau circuit du monde « . Difficile de leur donner tort quand on compare ce magnifique toboggan à certains sites pourtant jugés dignes d’accueillir le grand cirque… Ce n’est pas pour rien si les pilotes placent l’étape belge en tête de leur hit-parade personnel : le Raidillon de l’Eau Rouge, Blanchimont ou le double gauche constituent des défis plus excitants que les virages proposés à Budapest, Magny-Cours ou Valencia.

Affichant 7.004 km exactement ce qui en fait le circuit le plus long du calendrier, Spa-Francorchamps met en exergue les qualités des moteurs qui y tournent à pleine charge durant près des trois quarts de chaque tour, la pédale des gaz restant notamment enfoncée pendant 23 secondes entre l’épingle de la Source et les Combes.

Voilà qui ne va pas rassurer le clan Ferrari dont les V8 ont montré une inquiétante fragilité (deux bris de bielles) lors des derniers rendez-vous. Certains observateurs s’interrogent d’ailleurs sur le travail effectué par les motoristes italiens. On rappelle que pour limiter les budgets, le pouvoir sportif a imposé un gel technique des groupes propulseurs jusqu’en 2012, mais l’interprétation du mot gel peut varier…

Revenons au tracé spadois qui impose un compromis entre une bonne vitesse de pointe – plus de 320 km/h – et des appuis aérodynamiques permettant de négocier efficacement les longues courbes dont la majorité passe à plus de 150 km/h. Par ailleurs, Spa-Francorchamps offre plusieurs possibilités de dépassement : les Combes après la longue montée depuis le Raidillon, l’épingle de Bruxelles au début de la descente, le pif-paf, la chicane avant les stands voire la Source.

2e clé : les dangers de la drache

Outre son surnom de plus beau circuit du monde, Spa-Francorchamps porte celui de… pot de chambre de la Belgique, allusion aux averses souvent violentes qui s’abattent sur la cuvette de l’Eau Rouge. Cauchemar des prévisionnistes, ce microclimat terriblement capricieux inquiète aussi les spécialistes en pneumatiques car il n’est pas rare que le soleil brille devant les tribunes alors que la piste est détrempée au sommet de la colline des Combes.

Cette incertitude fait partie du jeu en Ardennes. En cas de pluie, la cote de Lewis Hamilton monterait encore tant le jeune Britannique se montre diabolique dans ces conditions. Le peloton compte d’autres équilibristes patentés, notamment Robert Kubica, Nico Rosberg et Adrian Sutil, auteur d’un festival à Monaco au volant de la modeste Force India avant de se faire harponner par Kimi Raikkonen.

Gare aussi au départ (dimanche 14h) s’il est donné sous une de ces fameuses draches belges ! Il y a dix ans, un énorme carambolage s’était produit à la sortie de l’épingle de la Source, éliminant d’emblée sept concurrents et en 2000, le peloton s’était envolé derrière la safety-car pour éviter que se répète pareil carnage.

3e clé : la puissance McLaren-Mercedes

Lauréat à Silverstone et Hockenheim, deux circuits très rapides, Hamilton fait figure d’homme à battre à la veille de l’étape belge. Respirant la confiance et ne doutant de rien, surtout pas de lui-même, l’Anglais dispose avec la McLaren-Mercedes MP4/23 de la monoplace exploitant le mieux les enveloppes proposées par Bridgestone, notamment en gomme plus tendre lors des qualifications. Pour tirer le meilleur parti de sa monture et de ses pneus, il a passé des heures dans le simulateur de conduite ultrasophistiqué installé à l’usine McLaren afin de rendre son pilotage plus coulé, moins agressif.

Mentalement, l’homme a également évolué dans le bon sens, il analyse mieux les événements :  » Etant un vrai battant, je veux toujours gagner mais j’ai compris qu’il est parfois plus judicieux de marquer de gros points que de tenter de s’imposer à tout prix. Mon objectif prioritaire demeure le titre mondial et je ne l’atteindrai pas si je termine dans le mur. Ma course à Valencia est un bel exemple de cette approche. « 

Autre atout dans le jeu du jeune métis, il est clairement le leader de la formation McLaren où Heikki Kovalainen, malgré sa victoire en Hongrie, se satisfait du statut de n°2.

Enfin, les Gris ont soif de revanche après une année 2007 difficile qui a vu leur fer de lance louper la couronne individuelle d’un rien tandis qu’ils payaient au prix fort leur implication dans la fameuse affaire d’espionnage. Tant Ron Dennis chez McLaren que Norbert Haugg le patron du département sportif de Mercedes veulent mettre un terme à une longue période de disette, leur dernier titre pilotes datant de 1999 avec Mika Hakkinen alors que celui des marques remonte à 1998.

4e clé : le dilemme Ferrari

Stefano Domenicali, le directeur de la prestigieuse formation italienne, doit gérer une situation que son prédécesseur Jean Todt a rarement affrontée. Le Français jouait sur le velours tant la suprématie de Michael Schumacher au sein de l’écurie apparaissait indiscutable, même si certains seconds – Eddie Irvine et Rubens Barrichello – ont à un moment prétendu au statut de co-leader.

Cette année, l’état-major de Maranello est mal pris entre un Raikkonen au creux de la vague mais capable d’une réaction surprenante, et un Felipe Massa au sommet de sa forme même s’il peut connaître de terribles jours sans comme ce fut le cas à Silverstone.

Le verdict enregistré en Ardennes sera capital pour la fin de saison chez les Rouges : soit le champion du monde revient au top niveau et Ferrari peut jouer sur deux tableaux – l’écurie en a largement les moyens -, soit il concède encore du terrain et le petit Brésilien devient l’atout n°1 de l’équipe qui met alors le paquet sur lui. Une hypothèse que Domenicali refuse d’envisager, lui qui affirme sa totale confiance en son Scandinave :  » Quand les choses vont bien, des tas de gens vous tapent dans le dos en vous félicitant et en multipliant les louanges. Mais dès que les choses tournent moins bien, les mêmes sont les premiers à vous éviter et prétendre que vous êtes fini ! C’est la situation que connaît Kimi actuellement. Je rappelle toutefois qu’il est le champion en titre et Ferrari reste à 110 % derrière lui car c’est dans les moments difficiles qu’une équipe montre sa cohésion. Pour ma part, je n’ai aucun doute sur son retour au premier plan.  »

Malgré ce discours teinté de positivisme, les signes indiquant une prise de pouvoir progressive de Massa se multiplient. Son caractère latin est apprécié par l’ensemble de la Scuderia où son entente avec les mécanos est exemplaire. Auteur de quatre pole-positions, il serait en tête de la compétition sans la malheureuse casse-moteur en vue de l’arrivée à Budapest. Managé par Nicolas Todt– ce qui demeure un atout dans la maison – Massa bénéficie aussi du parrainage de Schumacher : lorsqu’il est présent sur un GP, le septuple champion du monde accorde une attention toute particulière à son ancien ailier. Bref, ce dernier se retrouve dans le contexte idéal pour décrocher enfin le Graal et il n’héritera pas d’une seconde chance aussi sérieuse de conquérir le titre.

5e clé : le mystère Raikkonen

Depuis sa dernière victoire à Barcelone au printemps, le champion du monde a inscrit 28 points, soit nettement moins que ses trois rivaux directs : 50 pour Hamilton, 46 pour Massa et 36 au compteur de Kubica. Le placide Finlandais éprouve de réelles difficultés à exploiter pleinement les pneus 2008, d’où des qualifications délicates qui se paient cash dans une compétition aussi serrée. Mathématiquement, son retard sur le leader n’a pourtant rien de rédhibitoire, 13 unités alors qu’il en reste 60 à distribuer :  » Au même stade la saison dernière, je comptais 17 longueurs de retard sur Lewis, ce qui ne m’a pas empêché de décrocher le titre « , rappelle-t-il.

Cependant, il se dit qu’ Iceman songe de plus en plus à la retraite. Même s’il n’a que 28 ans, il est fatigué de vivre au sein d’un monde dont il déteste les us et coutumes, et il a récolté assez d’argent pour couler des jours heureux. Et puis, comment pourrait-il être sourd à la rumeur qui fait de Fernando Alonso un tout prochain pilote Ferrari ? Cela dit, le champion du monde reste sur trois victoires consécutives à Spa-Francorchamps, un tracé qui lui convient à merveille et où il peut se relancer. Si tel est le cas, le management de Maranello sera confronté au dilemme évoqué plus haut…

6e clé : l’arbitre Kubica

Jusqu’à la fin du printemps et ce GP du Canada qui restera dans son histoire (victoire de Kubica devant son équipier Nick Heidfeld), le team BMW-Sauber s’est montré aussi constant aux avant-postes que Ferrari et McLaren-Mercedes, occupant même la première place du classement des constructeurs.

L’éclipse qui a suivi le retour sur le Vieux Continent n’en fut que plus spectaculaire : à Silverstone, les deux monoplaces blanches n’étaient nulle part et la suite – Allemagne puis Hongrie – fut du même tonneau, à tel point que son leader se permit quelques sorties musclées dans les médias.

Et puis à Valencia, miracle, Kubica retrouve le groupe de tête à la régulière. Alors, coup de chance ou véritable retour aux affaires ? Difficile de se prononcer. Rayon motivation, notre homme est en tout cas remonté comme un coucou :  » Bien sûr que je vais faire le maximum pour conserver la 4e place ! Cela dit, je suis réaliste : le verdict enregistré à Valencia reflète les forces en présence avec BMW derrière Ferrari et McLaren. « 

Le Polonais apparaît désormais comme l’incontestable leader chez BMW tant Heidfeld semble largué, surtout en qualifications. L’Allemand a intérêt à donner un sérieux coup de rein s’il veut conserver un volant dont rêvent de nombreux jeunes.

7e clé : la lutte Toyota-Renault

Derrière les trois grands, les places sont chères. Au contraire de Honda qui ne parvient pas à retrouver l’avant-scène malgré l’expérience de Jenson Button et Barrichello et l’arrivée de Ross Brawn, Toyota suit une spirale positive. Les 32 unités inscrites par Jarno Trulli et Timo Glock sur les six derniers rounds laissent penser que les investissements colossaux consentis par la firme japonaise deviennent rentables. La manche belge pourrait confirmer cette tendance, notamment parce que Trulli se sent comme un poisson dans l’eau à Spa-Francorchamps où il a signé plusieurs excellentes qualifications (avec la pole en 2004).

La 4e place au championnat constitue un enjeu d’autant plus important pour Toyota que Renault, autre grand constructeur, la brigue également. Au lendemain d’un week-end catastrophique à Valencia, la formation française doit réagir. Mais en a-t-elle les moyens ? Pas sûr… La bande à Flavio Briatore souffle un peu le chaud et beaucoup le froid cette année, se révélant incapable de fournir à Alonso une monture à la mesure de son talent. La Renault RS28 n’est pas vraiment une mauvaise auto mais elle n’est pas non plus une franche réussite. Et son moteur ne compte pas parmi les plus puissants.

Ce constat ne doit guère réjouir les pilotes Red Bull dont les monoplaces utilisent le V8 français. Grâce à Mark Webber plus performant que le futur retraité David Coulthard, le team a occupé le 4e fauteuil jusque Magny-Cours avant d’entamer une dégringolade symbolisée par un zéro pointé lors des quatre derniers GP.

8e clé : le phénomène Sebastian Vettel

Coïncidence curieuse : au moment où Red Bull marque le pas, sa formation satellite Toro Rosso est en plein boum grâce surtout à Sebastian Vettel en qui les fans d’Outre-Rhin voient le successeur de Schumi.

Le jeune Allemand s’est acclimaté bien plus vite que son équipier français Sébastien Bourdais à la voiture 2008, la STR3, et il grimpe quatre à quatre les marches vers la gloire. Très impressionnant en essais qualificatifs où il lutte sans complexe avec les ténors, Vettel fait montre d’une audace étonnante sous la pluie, une qualité à épingler en Ardennes où la puissance du moteur Ferrari jouera un rôle important. Ce futur grand garde toutefois les pieds sur terre :  » Tout ce qui se rapproche du Top 10 reste exceptionnel. Tel sera encore l’objectif à Francorchamps, une piste rapide qui convient bien à l’auto.  »

9e clé : la dure vie d’indépendant

Que ce soit Williams ou Force India, les petites formations éprouvent chaque jour plus de difficultés à tenir leur rang face à des rivaux s’appuyant sur une puissante infrastructure financière et industrielle. Dieu sait pourtant si l’écurie de SirFrank Williams est compétente et peut se targuer d’une expérience phénoménale. Elle dispose également avec Rosberg et dans une moindre mesure Kenjiro Nakajima de deux jeunes fort prometteurs, le premier nommé figurant d’ailleurs sur les tablettes de plusieurs team-managers huppés. La première partie de la saison avait permis aux Williams-Toyota de se mêler régulièrement à la lutte pour les places d’honneur mais elles sont désormais rentrées dans le rang. On peut faire confiance cependant au jeune Nico pour défendre crânement ses chances. Véritable graine de champion du monde, le fils de Keke est très adroit sous la pluie. Il suivra donc de près l’évolution de la météo ardennaise, tout comme Giancarlo Fisichella et surtout Sutil les sociétaires de l’équipe Force India pour lesquels engranger ne fut-ce qu’un petit point constituerait une superbe récompense.

10e clé : et les Belges ?

Il n’y a toujours pas de pilote belge en F1. Pourtant, le pavillon noir-jaune-rouge sera présent en piste ce week-end via David Saelens engagé en Porsche Supercup et surtout Jérôme D’Ambrosio qui a eu l’excellente idée de signer son meilleur résultat en GP2 lors du dernier rendez-vous à Valencia. Le champion de Belgique arrive donc à Spa-Francorchamps avec un moral au zénith, prêt à en découdre avec des clients comme Romain Grosjean (futur pilote Renault F1 ?), Bruno Senna, Sébastien Buemi (cités chez Toro Rosso) et autres Giorgio Pantano.

par éric faure – photos: reuters

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