Les 1.000 couleurs d’un diamant

Après une saison difficile, le flanc gauche liégeois de l’Excel retrouve son niveau. Une question de confiance, surtout.

Lorsqu’un joueur tout en finesse est appelé à travailler sous la direction d’un entraîneur à la poigne de fer, il y a deux solutions : ça passe ou ça casse. Pour l’instant, avec ChristopheGrégoire, cela a l’air de passer dans l’équipe de GeorgesLeekens.

Le flanc gauche liégeois, qui reste sur une saison très difficile avec LorenzoStaelens, retrouve la confiance et les gestes qui séduisent les puristes. L’image que l’on a toujours eue de lui est celle d’un footballeur techniquement au-dessus de la moyenne qui rechigne à mettre le pied. Au-delà de ces clichés, que faut-il en retenir ? Voici un portrait dressé au travers de quelques-uns des entraîneurs qu’il a côtoyés au fil de sa carrière.

Un diamant, selon Quaranta

RaphaëlQuaranta, désormais entraîneur au FC Wiltz au Grand-Duché de Luxembourg, l’a connu en Juniors au FC Liégeois, alors qu’il venait de débarquer de Seraing absorbé par le Standard :  » Il avait 17 ans et c’était l’un des joueurs les plus talentueux d’une très bonne génération comprenant AlexDiGregorio (Charleroi), HansLeenders (Genk), MichaëlWiggers (Virton) et FrédéricLebe (Visé), entre autres. Je les entraînais à la dure, quasiment comme des professionnels, à la demande de DanielBoccar. Je tentais de leur inculquer la rigueur, le travail et la mentalité. Ils étaient soumis à un entraînement de deux heures, quasiment tous les jours. Cela a porté ses fruits. Une petite anecdote : j’entretenais de très bonnes relations avec le manager FreddyLuyckx et, un jour, je lui ai soufflé à l’oreille : – Situveuxtefaireunpeud’argent, prendsChristopheGrégoire ! Il m’a regardé, l’air éberlué, en me rétorquant : – Maisiln’estmêmepastitulaireenéquipePremière ? Il m’a fait confiance, et je crois qu’il ne l’a pas regretté. Christophe Grégoire est un joueur qui possède un pied gauche extraordinaire et une intelligence de jeu au-dessus de la moyenne. Ses faiblesses, ce sont la puissance et la force de caractère. Il ne sera jamais un bûcheur. A Anderlecht, il prendrait encore un autre volume et serait titulaire. A St-Trond, par contre, il se retrouverait sur le banc. Vous comprenez ce que je veux dire ? Ce n’est pas un hasard si l’on a parlé de lui dans les travées du Parc Astrid. Il est taillé pour ce club. C’est un diamant brut, et lorsqu’on parvient à faire briller les mille couleurs d’un diamant, c’est une beauté. Christophe, c’est vraiment une beauté lorsqu’on le voit jouer. Je l’ai revu lors d’un match amical à Visé. J’ai l’habitude d’affirmer qu’au début, on s’impose en D1 grâce à son talent. Ensuite, lorsqu’on vous connaît, cela devient plus difficile, il faut se remettre en question. C’est par ce passage-là qu’il transite actuellement.

Le fait de travailler avec Georges Leekens devrait lui convenir, car cela l’incitera à durcir son jeu, mais je ne voudrais pas qu’on le dénature. Grégoire est d’abord un artiste. Parfois, si vous lui demandez pourquoi il a fait ceci ou cela, il est incapable de vous répondre. C’est inné. L’avenir est difficile à prédire. Lorsqu’on me questionne à ce sujet, je préfère reprendre une chanson de PatrickBruel : -Rendez-vous dans dix ans « .

Pas un leader naturel, selon Wégria

BernardWégria, entraîneur au Grand-Duché à Diekirch en Promotion d’Honneur (l’équivalent de notre D2), l’a connu en équipe Première au FC Liégeois :  » Christophe a eu l’opportunité de pouvoir s’aguerrir en D2 dans une équipe liégeoise très jeune, dont la moyenne d’âge tournait autour de 21 ans. Il a saisi sa chance sur le flanc gauche grâce à une technique au-dessus de la moyenne. Il devait encore travailler sa résistance dans les duels et sa faculté à tenir le rythme d’un match pendant 90 minutes. Le championnat de D2 est une bataille de tous les instants : un parfait écolage. A Mouscron, il a franchi un palier supplémentaire : il s’est retrouvé dans de bonnes mains et a pu poursuivre son écolage, à un niveau supérieur, dans un contexte favorable. Il est resté le joueur que j’ai connu, avec son style un peu chaloupé, mais a progressé en résistance et en endurance. Il a connu un petit passage à vide la saison dernière, mais pour bien le connaître, je n’en ai été qu’à moitié étonné. Chez lui, c’est une remise en question perpétuelle : ce n’est pas un leader naturel, et il a parfois des absences, que ce soit au cours d’un match ou dans une période de plusieurs matches, mais avec l’âge et l’expérience, il acquerra cette régularité « .

Il a bien mûri, selon Broos

HugoBroos, désormais entraîneur à Anderlecht, a guidé ses premiers pas en D1 à l’Excelsior Mouscron :  » A l’époque, grâce à la cellule scouting dirigée par EddyMestdagh, l’Excel prospectait régulièrement en D2. Parfois, on va visionner un match avec l’idée de suivre un joueur bien précis, et l’on est séduit par un autre. Lorsque je suis tombé sur Christophe Grégoire, j’ai directement été séduit et j’ai insisté pour que le club essaye de l’engager. C’était un joueur très talentueux, qui possédait une bonne technique et un bon centre, mais qui manquait de force défensive. Je savais qu’il n’était pas prêt pour la D1, mais ce n’était pas grave : TonciMartic donnait ample satisfaction sur le flanc gauche et nous pouvions patienter, le temps qu’il mûrisse. Au début, nous l’avons beaucoup fait jouer à l’arrière gauche, afin qu’il apprenne à mettre le pied et qu’il améliore son positionnement. Il a été un peu déconcerté, mais à la longue, je crois que cela lui a fait du bien. Lors de ma dernière saison à Mouscron (sa deuxième à l’Excel), il a réalisé une très belle campagne. C’est de façon tout à fait méritée qu’il avait été repris en équipe nationale Espoirs pour la phase finale en Suisse. J’ai été très surpris de constater qu’il n’ait pas poursuivi sur sa lancée l’an passé, avec Lorenzo Staelens. On dit que c’est un joueur qui joue bien lorsque l’équipe joue bien. Je ne suis pas entièrement d’accord. C’est sûr que, la saison dernière, on ne pouvait pas encore attendre de lui qu’il remette le train sur les rails. C’était plutôt le rôle de joueurs plus expérimentés, comme SteveDugardein ou Tonci Martic, de porter l’équipe. Mais, très bientôt, il devrait en être capable également. Il a le talent pour cela et il commence à avoir de l’expérience. Pas encore le caractère ? Cela viendra. Sous la houlette de Georges Leekens, un entraîneur qui a la réputation de serrer les jeunes de près, il remet le nez à la fenêtre. Il a besoin d’être réveillé de temps en temps. A-t-il été question de lui à Anderlecht ? Probablement, oui, comme de tous les bons joueurs qui percent en D1. Mais c’était avant que je ne débarque au Parc Astrid. J’étais arrivé sur le tard, à une période où la plupart des transferts avaient déjà été conclus, et MartinKolar a été engagé « .

Un nouveau Thans, selon Saint-Jean

PhilippeSaintJean, désormais entraîneur à Tubize, l’a connu à la fois à Mouscron et en équipe nationale Espoirs, qu’il a retrouvée pour la phase finale du Championnat d’Europe 2002 en Suisse après avoir été oublié des sélections en Scolaires et Juniors. :  » Un jour, Hugo Broos m’avait demandé d’aller suivre le match Roulers-Liège. Avec le maillot liégeois sur les épaules, Christophe Grégoire m’a fait penser à BenoîtThans. Il était encore fluet à l’époque, et j’avais conscience que pour passer l’étape de Mouscron il allait devoir s’étoffer physiquement, mais sa touche de balle était exceptionnelle. Ce fut une très bonne chose de l’avoir aligné à l’arrière gauche en Réserves à Mouscron. De là, avec quelqu’un devant lui, il a pu voir comment le jeu se déroulait et comment il fallait se positionner. Lorsqu’il a retrouvé sa place de demi gauche, il a pensé à adapter son comportement en fonction de l’expérience qu’il avait vécue derrière. En équipe nationale, il avait affaire à forte concurrence, avec KoenDaerden notamment, ce qui explique qu’il n’ait pas été sélectionné très souvent. Je n’ai pas suffisamment travaillé avec lui pour savoir s’il a besoin, ou non, d’avoir un entraîneur qui le serre de près, mais pour l’avoir côtoyé en Suisse, je peux certifier qu’il s’agit d’un garçon raisonnable qui sait se prendre en charge et qui est capable d’analyser son jeu. Il a déjà progressé depuis qu’il joue en D1, mais pas encore assez selon moi, car il a l’étoffe d’un tout grand. Il aurait sans doute besoin d’un entraînement plus individualisé : il devrait, par exemple, effectuer plus de travail défensif et de musculation que la plupart des autres joueurs, tout en perfectionnant ses points forts qui sont ses centres et ses passes. Mais ce n’est pas la coutume en Belgique où l’on fait toujours tout en groupe. A terme, je le verrais très bien se reconvertir en véritable meneur de jeu, comme l’a fait Benoît Thans. Il en a les capacités, car sa vision du jeu est excellente « .

Faussement nonchalant, selon Leekens

Georges Leekens :  » Christophe est un joueur talentueux, mais pour s’imposer en D1, le talent seul ne suffit pas. Il possède encore une belle marge de progression, que j’estimerai à 30 %. Il peut corriger ses défauts, qui se situent surtout au niveau défensif et dans le travail sans ballon, mais il peut aussi encore améliorer ses qualités, essentiellement offensives. Il doit, par exemple, encore accentuer ses changements de rythme et devenir plus percutant. Je suis là pour le guider. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, j’apprécie énormément les joueurs techniques. S’il commet une erreur, je le réprimande, mais avec l’unique intention d’éviter qu’il la reproduise. C’est un garçon correct avec lequel il est très agréable de travailler. Un peu lymphatique, certes, mais très réceptif. Sa nonchalance est une façade. J’ai l’habitude de me montrer sévère avec les jeunes, mais je ne dois pas l’être outre mesure avec lui. Lorsqu’on a plus de classe que les autres, ce qui est son cas, il faut parfois se faire violence pour aller au charbon, mais il le comprend très bien. Dans l’ensemble, je suis content de lui. Mentalement, quoi qu’on en dise, il est costaud. Athlétiquement, il n’est pas mal. Pas encore à 100 %, mais il est capable de passer un homme. Il avait l’habitude de connaître des hauts et des bas, ce qui est normal à son âge. Il commence toutefois à devenir plus régulier. Il a franchi une première étape dans sa carrière en devenant un joueur de D1 à part entière. Aujourd’hui, il doit placer la barre plus haut. Son ambition doit devenir l’équipe nationale. La balle est dans son camp. S’il veut s’en donner les moyens et fournir les efforts nécessaires, je suis certain qu’il peut y parvenir « .

 » A Anderlecht, il serait titulaire. A St-Trond, il serait sur le banc  » (Raphaël Quaranta)

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