Lemerre traque la pseudo-presse et Platini les trafiquants

Pour Roger Lemerre, entraîneur du Maroc, c’est le clash avec la presse locale ! Il a interdit de filmer les entraînements de la sélection nationale des… Cadets. Lemerre a déjà entraîné la Tunisie pendant presque six ans et ça n’empêche qu’il est encore confronté à certaines difficultés. Les mêmes que Georges Leekens et moi éprouvions lorsqu’on dirigeait l’Algérie. Au Maghreb, il y a énormément de mecs qui s’inventent journalistes. Ils n’ont même pas de carte de presse et constituent un défi permanent pour les coaches. C’est notamment pour ça que peu d’entraîneurs étrangers y réussissent.

Leekens n’a par exemple tenu que six mois. Le coach étranger a tendance à sélectionner beaucoup de joueurs français d’origine maghrébine ou qui ont émigré en Europe parce qu’en général, ils sont meilleurs. Et ça ne plaît pas à la pseudo-presse qui adore surprotéger les locaux et exerce un lobbying insupportable. A l’hôtel, tu trouves souvent des mecs dans la chambre des joueurs locaux ou encore des dirigeants qui bouffent avec eux. Quand un local n’est pas sur la feuille de match, ça fait scandale dans les journaux ! Comme si Luciano D’Onofrio ou Roger Vanden Stock mangeaient avec la sélection belge…

Lemerre barricade désormais les hôtels de sa sélection et c’est grâce à ce type de mesures qu’il est parvenu à gagner la CAN en 2004 avec la Tunisie. Avec Leekens, pour les conférences de presse, on donnait un ordre du jour et la presse ne pouvait s’en écarter. A chaque match, j’étais obligé de faire le flic pour éviter les dérapages. Ça ne marche évidemment que si tes dirigeants te soutiennent. Lemerre a eu de la chance d’être suivi par la fédé tunisienne. J’espère pour lui que ce sera pareil au Maroc, sinon ils vont l’avoir à l’usure. Georges et moi, on s’est fait massacrer dans la presse et on nous a traités de sales belges. En Afrique noire, ça se passe heureusement différemment…

Michel Platini, président de l’UEFA, a déclaré qu’il voulait interdire les transferts des joueurs de moins de 18 ans parce qu’il estime que c’est de la traite d’êtres humains. Le règlement FIFA prévoit déjà que tu ne peux transférer un mineur que si ses parents ou autres tuteurs légaux habitent dans le même pays. A Monaco, j’ai transféré un Nigérian de 16 ans et demi : Lukman Haruna. Mais on l’a laissé vivre au Nigéria et il ne venait que pendant les vacances scolaires. Il va bientôt avoir 18 ans et va enfin pouvoir rester en France. Plat’ veut aussi éviter le problème des faux tuteurs ou des pseudo-parents adoptifs. C’est vrai qu’il y a des gamins qui se retrouvent seuls et presque SDF en Europe à cause d’agents peu scrupuleux. Il y a aussi le problème des adresses fictives. Et Lille semble en être le spécialiste, bien que ce club agisse dans la légalité.

Si tu suis le raisonnement de Plat’, il serait contre des transferts tels que celui d’ Eden Hazard. Le LOSC l’a transféré quand il était mineur et ce, à la condition que ses parents vivent en France. Un nom sur une boîte aux lettres est vite écrit. Le papa d’Eden a sûrement un appart’ à Lille mais n’y vit pas et fait souvent le trajet en voiture. On ne peut quand même pas leur reprocher de faire ainsi ! Ils respectent le règlement. Et la formation qu’a reçue Eden est géniale. Mais un tel transfert pour Monaco est par exemple impossible. Les parents seraient vraiment obligés de s’y installer.

Les transferts frontaliers, ça ne fait pas non plus que des heureux ! Le Standard n’a cessé de se plaindre à l’UEFA et à la FIFA qu’on lui piquait ses pépites. Tous les gamins du Limbourg sont aussi transférés dans des clubs tels que le PSV. Et le Luxembourg, avec Guy Hellers en première ligne, se plaint que des Strasbourg ou Metz lui taxent ses jeunes talents. Le côté positif de ces transferts frontaliers est que les jeunes reçoivent une formation exemplaire. Est-ce que Platini est vraiment contre cela ? Prévoira-t-il des dérogations, au risque de discriminer ? La conséquence d’une interdiction absolue de transférer des mineurs est qu’ils resteront chez nous. Sommes-nous, dans l’état actuel des choses, vraiment capables d’exploiter pleinement leur talent ?

par stéphane pauwels – propos recueillis par tim baete

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