Légende carolo

Charly-la-Foudre a toujours été un fonceur.

« Au coup d’envoi de la Coupe du Monde, il y aura un drapeau de six mètres sur ma façade à Châtelineau. Et si les Diables gagnent, ma femme enfilera le maillot que Philippe Albert, un pote, nous a ramené de Newcastle, je me mettrai au volant de ma voiture et on ira aller klaxonner dans les rues. Je suis comme ça, et, encore, je me modère depuis que j’ai subi un quadruple pontage, il y a deux ans. Les Diables faut pas y toucher, je ne veux pas entendre parler de séparation Wallons-Flamands. Je n’ai été qu’une seule fois international, en Autriche, mais l’amitié entre les joueurs m’a marqué. Un Autrichien m’a proposé un échange de maillots, pas question, je l’ai gardé, et le training aussi. J’en suis fier ».

Charly, ouvrier communal à la signalisation des Travaux publics de Charleroi, est très gentil et baraqué comme un lutteur. Il a gardé de la foudre en lui, comme quand dans les années 60-70 il bousculait défenses et marquoirs. Il ne va plus au Sporting suite à une dispute avec Daniel Mathy, son ex-équipier qui entraînait son fils Mathieu, Cadet à l’époque. « Je me rends encore parfois au Mambourg, pour voir les Espoirs belges, par exemple; je mets ma casquette, et je vais dans le public ».

Né le jour de la fête nationale

Charly est né à Gilly, le jour de la Fête nationale en 48: « Le jour de mon anniversaire, je me lève, et me mets au garde-a-vous », dit-il en rigolant. « Comme la situation familiale était très difficile, j’ai été placé à l’orphelinat de Marchienne-Docherie, chez les soeurs. A la récré, je shootais dans tout ce qui traînait à terre, et un jour, un peintre en bâtiment qui venait rafraîchir les lieux, m’a conseillé de m’affilier à un club en précisant qu’il connaissait quelqu’un à l’Olympic. Le juge des enfants et la soeur supérieure ont marqué leur accord, et, à huit ans, j’ai été m’entraîner avec les Minimes de l’Olympic. On venait me chercher à 13 heures et à 17, je devais impérativement être de retour au foyer. Très vite, j’ai été coté comme un avant de pointe fonceur, spontané et frappeur, mais, l’entraîneur des Juniors ne tenait pas trop à ce que je passe en équipe Première: il voulait gagner le championnat, et a oublié de me remettre ma première convocation pour l’équipe 1. Lorsque je suis arrivé au match des Seniors, on m’a houspillé parce que je n’avais pas pris mon sac!

En UEFA, sous Antonneau, nous avons laminé le Beerschot, puis Anderlecht en finale, et Rik Geertsen m’a titularisé contre le Racing-White en D2. Je n’ai disputé qu’un match avec l’équipe Première, parce qu’un autre président nous est tombé dessus, Jacques Lamote, venu d’Anderlecht. Faut croire qu’il voulait recréer le Flaminpic des années 30, car il a immédiatement engagé plusieurs joueurs flamands, dont les frères Armand et AlphonsePeeters. On est venu me dire que je devais aller m’aguerrir deux ans en Promotion. Après dix saisons à l’Olympic, je débarquais à 18 ans à La Louvière. Nous sommes montés deux saisons de suite et un supporter m’a surnommé Charly-la-foudre parce que je m’étais imposé comme meilleur buteur. René Delchambre, joueur-entraîneur, menait intelligemment notre jeu, et il m’a bien aidé; je l’ai toujours considéré comme mon petit papy« .

Pour cinq millions au Sporting

Charly-la-foudre se souvient qu’en Promotion, La Louvière attirait 200 personnes, 3 à 4.000 en D3 et finalement 7 à 8.000 au Triffet, un stade en vase clos : « C’était notre antre, une arène sans pitié, demandez à ceux du Sporting Charleroi qui y ont loupé la montée en DI. C’était le dernier jour du championnat. Ils avaient besoin d’un point et ils ne l’ont pas eu (2-1). J’avais eu vaguement connaissance de l’intérêt du Sporting, mais c’était mal me connaître de croire que je pouvais mettre le frein contre mon éventuel futur employeur.

La Louvière m’a cédé pour cinq millions au Sporting. Lors du premier entraînement, Bertoncello m’a lâché: -Tiens, voilà le traître qui nous a eus au Triffet. La première saison a été dure. Je ne me sentais pas très bien ni sur la pelouse, ni en ville, mais au cours de la deuxième, j’ai retrouvé la poudre. Un soir du printemps 79, on s’est offert le scalp d’Anderlecht (4-1). Juste avant le match, j’ai croisé Goethals dans l’escalier; -Hé! Charly, tu vas te calmer, hein! Je lui ai répondu: -Je t’en mets deux! Ce que j’ai fait d’entrée d’entrée. Chris Dekker a pris le troisième à son compte et j’ai servi le quatrième à Czernia. Sur un coup, mon arcade s’est ouverte, et Piccinin m’a dit de sortir. Pas question, je faisais partie du spectacle. Ce soir-là, lors de la réception, j’ai approché le bourgmestre pour solliciter un emploi à la ville, et je l’ai obtenu. J’y suis maintenant depuis 25 ans ».

La finale perdue de la Coupe 78 (0-2 face à Beveren), après avoir éliminé Anderlecht en quarts et Bruges en demi-finales, constitue un grand regret pour Charly Jacobs: « Avant de recevoir Anderlecht, je me remettais d’une déchirure musculaire à la cuisse et j’étais sur le banc. Anderlecht menait 2-3 dans les prolongations, quand on m’a lancé dans la bagarre, et j’ai égalisé sur une passe en retrait de Cosimo Schena. A Bruxelles, 2-2 après de nouvelles prolongations, et, aux tirs au but, Mathy stoppe un penalty de Coeck. Bruges, champion en titre, non plus n’a pa su nous arrêter. Si la finale contre Beveren me laisse un goût amer, c’est parce qu’à une minute du repos, ReinerGebauer s’est retrouvé seul face à Pfaff et qu’il a raté l’immanquable. Je me demande encore comment ».

Six points de suture: le souvenir de Pezzey

En mai 79, Guy Thys l’appelle en équipe nationale contre l’Autriche, à Vienne dans le cadre de l’EURO 80 : « Je me suis heurté à Bruno Pezzey, un stoppeur de classe mondiale qui ne m’a pas épargné et m’a mis un crampon dans le mollet. J’ai quitté Vienne avec six points de suture. O-0 au marquoir et, moi, j’étais très fier d’avoir côtoyé les Van Moer, Meeuws, Preud’homme… J’avais 30 ans et j’ai compris qu’il n’était pas question de me rappeler pour le match suivant. Peu importe, j’ai été international ».

Il quitta le Sporting, alors en D2, à 35 ans, pour Jodoigne en Provinciale, avec le tout jeune Marc Wilmots comme partenaire: « Je l’ai signalé à Charleroi mais ils ont traîné. St-Trond a été plus vite sur la balle. Après un an, j’ai quitté pour les Francs-Borains, alors Elouges, et comme on n’est pas monté, le président Zarzecki m’a libéré en fin de saison. J’ai rejoint Berto, entraîneur à Châtelineau en 2e Provinciale. Après un match à Ath, l’arbitre m’accusait de l’avoir attendu derrière la porte du vestiaire et de l’avoir cogné à la figure! J’ai pu établir devant le comité provincial à Mons, puis en appel, à Bruxelles, que son parcours dans le couloir vers son vestiaire ne coïncidait pas avec celui qu’il décrivait. N’empêche, j’ai écopé de six mois de suspension. J’ai jeté mon sac dans la cave, en pleurant comme un gamin, c’était la fin de ma carrière. Berto a pris un an pour jet de cailloux, et Jean-Jacques Collard, un an plus deux mois en appel, pour coups sur un linesman. Plus tard, alors que j’arrivais, comme spectateur, au stade de Châtelineau, je remarque, à ma descente de voiture au parking, que deux policiers ont l’air de me suivre. Ils me tiennent à l’oeil pendant le match, et ressortent avec moi. Ils étaient, évidemment, là parce que « notre » arbitre sifflait le match. On craignait, sans doute, une vengeance de ma part. Disons que le bonhomme a été bien conspué par les spectateurs ».

Un beau jour, Guy Thys appela une seconde fois Charly au téléphone, et lui demanda de collaborer, pour l’Union Belge, à la prospection des jeunes; il avait 48 heures pour se décider.

« Je n’ai pas attendu et, pendant cinq ans, j’ai tenté de dénicher les meilleurs éléments Juniors et Scolaires de la région. Mais, je ressentais des problèmes de santé et, en mars 2000, j’ai dû passer sur le billard. J’ai toujours beaucoup fumé. C’était plus fort que moi, et je l’ai bien regretté ».

Henry Guldemont, ,

« Toujours à fond la caisse! »

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