Legear et la nuit

Quand ses muscles tiennent le coup, le Liégeois des Mauves prouve qu’il a de l’or dans les pieds… et toute l’Europe s’en rend compte.

A 23 ans, la carrière de Jonathan Legear serait-elle enfin lancée pour de bon ? Nul n’a jamais mis en doute les qualités de l’ailier liégeois. Les questions portaient plutôt sur son intégrité physique. Depuis son arrivée au Parc Astrid en 2003, il avait été très régulièrement freiné par des ennuis musculaires. Ceux-ci appartiendraient-ils définitivement au passé ? Alors que Jona a toujours éprouvé des difficultés à enchaîner les matches il a aligné trois prestations étincelantes face à Genk, l’AEK Athènes et le Club Bruges avant d’être laissé au repos contre Westerlo, en Coupe.

Jonathan Legear : Les médecins ont décelé les raisons de mes tracas musculaires. J’ai une jambe plus courte de 15 mm que l’autre. Il paraît que ce n’est pas anormal mais ne porte pas à conséquence tant qu’on ne fait pas de sport intensif. C’est pourquoi sans doute, je n’ai jamais eu de problèmes chez les jeunes. Depuis mon arrivée à Anderlecht, le topo a, évidemment changé radicalement. J’étais un cas comme l’ont été des gars comme Olivier Doll ou Oleg Iachtchouk, qui ont souffert aussi de nombreux maux durant leur carrière au Sporting. Le hasard a voulu que suite aux déboires de Nicolas Frutos, les examens médicaux sont devenus de plus en plus pointus. Et j’ai fait l’objet d’un nouveau screening. Mon ossature ainsi que ma musculature ont été passées au crible. Mes courses ont été filmées aussi à plusieurs reprises. Il est apparu que mon bassin était très légèrement désaxé et qu’après appui au sol, mes talons chassaient vers l’extérieur au lieu de rester dans le prolongement du corps. Pour compenser, je sollicitais, tout en fragilisant à la fois, certaines parties des muscles. Notamment les ischio-jambiers. D’où ces nombreux claquages…

Comment y avez-vous remédié ?

Jonathan Legear : Depuis la reprise, je porte une semelle de correction de 2 mm. Je dois arriver à 5 dans le courant de la saison mais tout doit se faire progressivement, sans brusquer. Au départ, je ne les mettais d’ailleurs qu’à l’entraînement et pas en match. Ce n’est qu’à partir du déplacement à Genk que je les utilise de manière constante. Avec succès, vu que je n’ai rien ressenti d’un match à l’autre, alors qu’il y a quelques semaines, j’avais dû quitter le jeu au Cercle Bruges après avoir joué avec les Diables Rouges contre l’Autriche, quatre jours plus tôt. Je prends soin aussi, d’utiliser une cuissarde de type cycliste lors des séances de préparation, histoire de maintenir au chaud mes adducteurs. Je me sens beaucoup mieux et j’espère que ma fragilité appartient au passé. Je sais bien qu’à cause de mon explosivité je ne serai jamais tout à fait à l’abri d’une élongation ou d’une déchirure. Je veux améliorer à tout prix mon temps de présence en équipe fanion. A mes débuts à Anderlecht, j’en étais à moins de 50 %. Depuis 2007, j’ai franchi cette barre pour tourner autour des 60-65. Maintenant, je tiens à atteindre les 80 %.

 » Je ne suis pas surpris de l’intérêt pour moi « 

Pourtant, vous avez la cote. Everton vous a visionné à 4 reprises, Newcastle est sur les rangs aussi, sans oublier Dortmund, Schalke, l’Olympiacos, le Panathinaïkos et d’autres. Surpris ?

Non, pas du tout. J’ai un profil intéressant, j’allie à la fois vitesse et maîtrise technique. Et la rapidité d’exécution est une qualité primordiale. Je n’y peux rien, mais je cours plus vite avec le ballon que mon adversaire sans. Tout le monde ne peut en dire autant et c’est ce qui fait ma force. Ceci dit, malgré l’intérêt, je ne suis pas pressé de quitter Anderlecht, sans quoi je n’y aurais pas signé en avril dernier un nouveau contrat jusqu’en 2014. Je suis très bien au Sporting et prêt à aller au bout de ce nouvel engagement si la direction le souhaite. J’ai une grosse envie, comme la plupart de mes partenaires d’ailleurs, de disputer encore au moins une fois la phase finale de la Ligue des Champions avec les Mauves. Si pas la saison prochaine, alors en mai 2012 puisque le vainqueur du championnat devrait être qualifié d’office pour les poules.

Vous êtes le seul, face à Belgrade, dont le pied n’avait pas tremblé lors de la séance des tirs au but.

Normal, c’était le penalty le plus facile de ma vie. Matias Suarez et Lucas Biglia venaient de louper le leur. Je ne pouvais donc pas faire pire qu’eux. Et faire mieux que ces deux-là, ça veut quand même dire quelque chose à Anderlecht, hein ? Pas mal de gens ne comprennent pas non plus que pour ma première titularisation avec les Diables, j’aie joué un match-canon. Mais comment aurait-il pu en aller autrement, dans la mesure où je n’avais strictement rien à perdre ? Depuis des années, personne n’est parvenu à faire son trou à cette place. Si je me plantais, ce n’était donc pas bien grave. C’est donc sans la moindre arrière-pensée que j’ai entamé ce match. Et ça m’a plutôt bien réussi.

La semaine passée, Herman Van Holsbeeck nous disait qu’il y a trois types de joueurs à Anderlecht : ceux qui se mettent la pression (style Pablo Chavarria), ceux qui jouent sans pression (Biglia) et ceux qui veulent en mettre plein la vue… comme vous. Exact ?

Je ne tremble jamais. Un petit match d’entraînement ou une rencontre très importante en coupe d’Europe, c’est pareil. J’aborde ça avec le même état d’esprit, sans me poser trop de questions. Et c’est peut-être l’une de mes qualités.

Hormis votre rapidité, quelles sont les autres ?

J’ai un bon centre et un sens du but relativement correct. La saison passée, j’en étais à 6 buts et 3 assists en Europa League. Cette année, avant Gand, j’en suis à 3 buts et 3 passes alors qu’on en est à peine à la moitié du premier volet du championnat. Ces chiffres sont encore largement perfectibles et j’espère bien arriver à un total de 15 à 18 en fin de campagne. Avec une proportion d’un tiers pour les buts et de deux tiers pour les assists.

 » Vandereycken avait un problème avec les Anderlechtois « 

On observe généralement beaucoup de déchets sur les centres. Comment expliquez-vous votre qualité dans ce registre ?

Comme j’ai toujours été davantage un distributeur qu’un finisseur, je me suis appliqué très tôt. J’ai eu la chance également de pouvoir compter sur de bons instructeurs : Frankie Vercauteren d’abord, et à présent Besnik Hasi. Le premier m’a enseigné les fameux centres bananes et le second, j’ai peaufiné les centres-tirs pour ne pas laisser aux gardiens le temps d’intervenir. Ces derniers temps, nous travaillons à nouveau beaucoup les centres bananes, sur lesquels les défenseurs adverses éprouvent souvent des difficultés. Quand Guillaume Gillet me crie Chiquita, je sais ce qu’il me reste à faire ( il rit).

Avec votre compère liégeois, vous formez un tandem sur l’aile droite au RSCA. Le propos, c’est de l’étendre aux Diables Rouges ?

C’est notre v£u le plus cher. Mais ce ne sera pas évident. Pour moi, la concurrence est sévère avec Eden Hazard, Kevin Mirallas, voire Mehdi Carcela s’il choisit la Belgique. Je pourrais éventuellement jouer à gauche mais la concurrence y est tout aussi forte avec Moussa Dembélé. C’est une possibilité, car j’ai déjà évolué à cette place aussi au Sporting. Mbark Boussoufa, Suarez et moi pouvons aussi bien nous débrouiller à gauche qu’à droite. Pour Guillaume, ce n’est pas gagné non plus puisqu’il a comme rivaux Toby Alderweireld ou Sepp De Roover. Sans compter qu’Anthony Vanden Borre va revenir. A chaque poste, le sélectionneur a l’embarras du choix. Devant, ce n’est pas la qualité qui manque. Et derrière, ce n’est pas triste non plus. Ça va pas être facile de se faire une petite place au soleil dans ces conditions. Mais on va tout faire pour.

Comment expliquer que vous ayez dû attendre la prise de pouvoir de Georges Leekens pour recevoir enfin une chance en équipe nationale ?

Parce qu’il était peut-être le seul à voir clair. Ou parce que René Vandereycken avait une autre conception du jeu. Je trouve quand même bizarre qu’il n’ait jamais songé à convoquer Olivier Deschacht et moi alors qu’il a tout de même fait appel à plus de 50 joueurs. Il avait un problème avec les Anderlechtois. A la fin, c’était risible. Oli avait beau jouer de bons matches, il était ignoré. Et plus il s’en étonnait, moins il entrait dans les plans du coach. Idem avec moi. Je pouvais me distinguer autant que je le voulais, il s’en fichait. Certains m’ont dit que je n’avais sans doute pas arrangé mon cas en affirmant un jour que si ses décisions étaient toujours judicieuses, il entraînerait le Real Madrid et non les Diables. Mais ce n’était pas méchant. Si moi-même je réussissais dans toutes mes entreprises sur le terrain, je jouerais à Bernabeu aussi.

Tout le monde n’apprécie pas toujours votre franc-parler. Après la défaite à Split, vous aviez déclaré que le 1-0 vous pendait au nez, vu que le Sporting avait joué avec 8 défenseurs. Après coup, vous avez été rappelé à l’ordre par Van Holsbeeck et Jacobs !

Ah bon ? Je ne me rappelle pas qu’on m’ait tapé sur les doigts. Mes paroles étaient idiotes, je l’admets. J’ai dit ça sous le coup de la déception. On était dans une mauvaise passe et ce résultat n’avait bien sûr rien arrangé. Avec le recul, je me dis que l’entraîneur avait eu raison d’opter pour cette tactique. On l’avait utilisée au Dinamo Zagreb la saison passée et ça avait marché. Cette fois, nous n’avons pas eu de chance. Si ce match avait eu lieu plus tard, dans un autre contexte, comme à Athènes, on aurait joué de façon plus libérée et on aurait ramené un point.

Le nul à l’AEK ne vous laisse-t-il pas un goût de trop peu ? Avec des éléments aussi véloces que Romelu Lukaku, Boussoufa, Suarez et vous, les contre-attaques ne devraient-elles pas être plus rapidement menées ?

Peut-être mais ce n’est pas le style d’Anderlecht. Il faut s’en faire une raison.

 » Le championnat hollandais n’est pas très excitant « 

Un journaliste hollandais présent à Belgique-Autriche soutenait que vous feriez un tabac aux Pays-Bas.

C’est sympa de sa part mais le championnat néerlandais n’est pas très excitant. Je ne vois pas quelle satisfaction on peut retirer, en tant que joueur du PSV, après une victoire par 10-0 contre Feyenoord. Pour qu’un match soit plaisant, il faut qu’il soit un peu accroché, aussi bien pour les spectateurs que pour les joueurs. Je ne vois en Hollande qu’un seul point vraiment positif : la volonté de jouer de manière ouverte partout. Ici, c’est différent. En Belgique, il y a 12 équipes qui n’ont qu’un objectif : encaisser le moins possible. Si certains pouvaient reculer derrière leur but, ils le feraient. Dans ces conditions, il est difficile de s’exprimer. Ce n’est pas un hasard si je livre toujours mes meilleures prestations face à des adversaires qui jouent le jeu. Comme l’Ajax ou Hambourg la saison passée. Ou contre le Club Bruges et Genk cette saison.

Vous jouez avec le 13, refusé par bon nombre de joueurs par superstition.

Il fait référence à ma date de naissance, le 13 avril. J’ai toujours joué avec le 7 chez les jeunes. Il était disponible chez nous avant que Jan Lecjaks ne débarque. Mais comme je suis habitué au 13, je l’ai gardé.

Guy et Odette Rosiers, ça vous dit quelque chose ?

Ce sont les propriétaires de la maison dont j’ai embouti la façade l’année passée après une sortie au Carré. Je me suis représenté à leur domicile le lendemain pour présenter mes excuses. Ils ne m’en voulaient pas trop et ont même demandé d’être pris en photo avec moi.

Dans son livre, Jacobs dit que vous lui avez proposé de rejoindre le Carré pour célébrer le 30e titre avec les joueurs.

Je lui ai même indiqué un raccourci pour y arriver mais il ne s’est jamais joint à nous. Ou bien, il n’avait pas envie ou bien mon raccourci n’était peut-être pas bon ( ilrit).

PAR BRUNO GOVERS

 » Je n’y peux rien mais je cours plus vite avec ballon que les autres sans. « 

 » Face au Partizan Belgrade, j’ai tiré le penalty le plus facile de ma vie. « 

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