Leekens a transformé Bruges en pétaudière

En fustigeant le comportement des joueurs du Club Bruges voici dix jours, juste après le derby, Vincent Mannaert a remis en cause l’autorité de Georges Leekens. L’entraîneur était présent à ses côtés en conférence de presse et il a tout entendu. Cela n’aurait pas été imaginable par le passé car Leekens n’a jamais supporté qu’on marche sur ses plates-bandes. Le rapport de force a manifestement changé.

Comme ses joueurs, Georges Leekens a été rappelé à l’ordre par son directeur général. Il s’est contorsionné dans tous les sens pour échapper à cela, et mercredi dernier, après le match de Coupe face à Woluwe Zaventem, il a déclaré que, pour lui, l’affaire était classée. En visant les médias, il a ajouté que d’autres n’étaient certainement pas de son avis. Leekens a parfois ce genre de réactions et c’est étrange car, lorsqu’il était joueur, il n’hésitait jamais à faire son autocritique.

Au début de sa carrière d’entraîneur, Leekens dirigeait tout. Il prêchait la discipline et ne tolérait pas le compromis mais sa ligne de conduite était claire et il maîtrisait toutes les facettes du métier. Ses idées étaient intéressantes et ses méthodes, parfois surprenantes. Ce n’est pas un hasard si des joueurs aussi intelligents que Franky Van der Elst et Lorenzo Staelens affirment qu’il a été un de leurs meilleurs entraîneurs.

Aujourd’hui, dans le vestiaire brugeois, c’est la grogne (voir pp 32-35) et il est difficile de lire une interview dans laquelle un joueur souligne les compétences de Leekens. Ce n’est peut-être pas un baromètre infaillible mais cela veut tout de même dire quelque chose. L’homme semble mois intransigeant que par le passé. Les joueurs ne respectent pas toujours ses consignes et, avant le match à Bordeaux, Bart Buysse a montré de façon ostentatoire qu’il en avait assez de ne pas être repris. Et on ne parle même pas des caprices de Mémé Tchité, qui ne respecte aucune règle en dehors du terrain. Mais tout semble permis.

On dirait qu’à 63 ans, Leekens a des difficultés à contrôler la jeune génération. Il est issu d’une culture où les joueurs se corrigeaient entre eux et est aujourd’hui confronté à des égocentriques royalement payés et entourés de personnages qui leur montent la tête. On avait déjà eu la même impression lorsqu’il dirigeait l’équipe nationale et ce n’est pas un hasard si Marc Wilmots a déclaré voici peu qu’un jeune entraîneur prenait mieux la température du groupe.

Pourtant, Leekens semble toujours traverser la vie avec l’insouciance d’un étudiant, il tape sur l’épaule de tout le monde et n’a pas peur de faire son numéro. Plus il vieillit, plus il est théâtral et cela énerve car sa carrière a surtout été marquée du sceau de l’opportunisme. Ce qui n’a pas empêché les dirigeants du Club d’aller le chercher à la Fédération. Les supporters, par contre, ne l’ont pas encore ovationné une seule fois.

Lorsqu’il a pris le pouvoir à Bruges, Bart Verhaeghe a fait la révolution. Son intention était bonne, il visait à professionnaliser le club à tous les niveaux. Mais depuis, le calme n’est pas encore revenu. Les entraîneurs vont et viennent, les changements de cap sont nombreux, on introduit des entraîneurs spécifiques puis on les retire… Les choix semblent déterminés par les opportunités du moment. Verhaeghe est un homme d’affaires qui a construit un bel empire mais qui, sur le plan footballistique, se laisse encore beaucoup trop guider par ses émotions.

Les résultats ne peuvent pas masquer la réalité : le Club gagne mais la grogne s’y est installée. Dimanche, à Gand, les joueurs ont fait preuve d’une belle force mentale et ils ont très bien joué par moments. Cela prouve que l’âme du club n’a pas tout à fait disparu mais il est temps que le calme et la sérénité reviennent car c’est sur ces piliers que Bruges a construit la plus belle partie de son histoire. Et cela, personne n’est mieux placé que Georges Leekens pour le savoir.

PAR JACQUES SYS

Le Club Brugeois a un urgent besoin de calme et de sérénité.

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