» LEBRON JAMES PEUT DEVENIR IMMORTEL « 

La saison de NBA débute mardi prochain. Rik Samaey et Tomas Van Den Spiegel, qui suivent la compétition pour la chaîne flamande Sporting Telenet, l’évoquent avec nous en quatre thèmes.

1. Le retour de LeBron James à Cleveland

L’affaire a fait grand bruit à l’intersaison : après quatre ans à Miami, avec qui il a conquis deux fois le titre, LeBron James revient à Cleveland. Avez-vous été surpris ?

Rik Samaey : Non. Lorsque Miami a été battu (4-1, ndlr) par San Antonio en finale, je me suis douté qu’il partirait. Si le Heat avait été champion, il serait sans doute resté – à condition que le club se renforce sous l’anneau – mais avec ces défaites, quelque chose s’est cassé. James savait aussi que DwyaneWadene pouvait plus tenir toute une saison. Et comme il était très attaché à son club d’origine, le choix a été vite fait.

Tomas Van Den Spiegel : Certains pensaient que James irait à LA, Chicago ou New York mais son impact mondial et sa valeur commerciale (elle est estimée à 29 millions d’euros, soit plus que TigerWoods ou RogerFederer, ndlr) ne dépendent pas tellement du marché. De plus, Cleveland est une ville pauvre. S’il lui apporte le titre, James peut devenir immortel.

Car contrairement à ce qui s’était produit lors de son premier passage, les Cavaliers sont cette fois armés pour lutter pour le titre. Ils peuvent compter sur Kyrie Irving, MVP du dernier championnat du monde avec les Etats-Unis, ainsi que sur Kevin Love, venu de Minnesota.

Samaey : Je suis sûr que James avait obtenu ces garanties avant de s’engager. C’est un trio fantastique, même si je me demande qui sera le n°2 et qui sera le n°3.

Van Den Spiegel : Je suppose qu’il faudra un peu de temps pour distribuer les rôles. On a connu la même chose lors de la première saison à Miami avec James, Wade et ChrisBosch. Tout dépendra de la façon dont Irving – qui est plus un passeur qu’un shooteur – s’adaptera à James et à Lovecar ces deux derniers se complètent parfaitement.

Samaey : Love est un grand gaillard qui aime recevoir le ballon sous l’anneau mais se repose davantage sur son shot à trois points. Comme l’adversaire sera focalisé sur James, il aura des espaces.

Le problème, dit-on, c’est qu’Irving et Love ne savent pas défendre et n’ont pas l’expérience des play-offs.

Samaey : L’homogénéité de l’équipe est plus importante que l’expérience en play-offs et pas mal d’eau aura coulé sous les ponts d’ici le mois d’avril. Avec un leader comme LeBron, cela ne devrait pas poser de problème.

Van Den Spiegel : Pour moi, le jeu défensif est davantage une question de volonté que de capacités. En play-offs, quand il faudra se battre pour chaque point, Love et Irving défendront. A Cleveland et à Minnesota, où ils étaient les seules stars de l’équipe, on leur demandait surtout de marquer. Et pour pouvoir faire les deux, il faut être un monstre physiquement, comme James.

Cet été, il a perdu 10 kg : il n’en pèse plus que 110 pour 2,03 m.

Van Den Spiegel : Il a compris qu’avec un corps pareil, il ne tiendrait jamais jusqu’à 36 ans (il en a 30, ndlr). Avec dix kilos de moins, il souffre moins et récupère plus vite.

Samaey : Il ne peut de toute façon pas tenir 40 minutes, surtout pas pendant la phase classique. DavidBlatt, le coach, devra y être attentif.

Celui-ci a tout gagné en Russie et avec le Maccabi Tel Aviv mais il en est à ses débuts en NBA.

Van Den Spiegel : J’ai joué mille fois contre Blatt en Russie. C’est un génie tactique, il communique très bien et c’est un Américain : il s’adaptera donc très facilement. Il devra surtout veiller à bien s’entendre avec LeBron et le reste suivra. Il est assez malin pour savoir que ce dernier peut lui rapporter directement un trophée.

James pense qu’il est trop tôt pour parler de cela.

Van Den Spiegel : Peut-être mais la Conférence Est est faible et les Cavaliers doivent au moins aller en finale. Après, il leur faudra battre Chicago, leur seul rival. Et ça, c’est une autre histoire.

Samaey : Les Bulls avaient des difficultés à marquer la saison dernière mais ils ont résolu le problème en transférant PauGasol,NikolaMiroticetDougMcDermott. D’autant que DerrickRose(MVP en 2011, ndlr) est de retour après deux ans d’absence pour cause de blessure. Ajoutez cela à une défense très solide, avec notamment JoakimNoah et TajGibson, et un grand coach comme TomThibodeau et cela vous donne un candidat au titre.

Van Den Spiegel : A une condition : que Rose atteigne 90 % de son niveau car dans les play-offs, dans le money time, il est le seul à pouvoir dire : Give me the ball.

2. San Antonio : le champion

L’an dernier, San Antonio a dominé le championnat mais Gregg Popovich, le coach, craint la décompression.

Van Den Spiegel : Il ne faut jamais croire ce que Popovich raconte aux journalistes. TonyParker,ManuGinobili et TimDuncan sont tellement orgueilleux que, si on ne les avait pas secoués, ils n’auraient pu se remotiver pour une nouvelle saison. N’oubliez pas que les deux derniers cités ont respectivement 36 et 38 ans. Ils feront peut-être un jour la saison de trop mais ça fait cinq ans qu’on dit ça.

Samaey : Le club a conservé tout son effectif. Je pensais cependant que Popovich se renforcerait et, maintenant, il laisse une chance aux autres de combler le trou. Parker et Ginobili ont pris la sage décision de renoncer au championnat du monde en août et ont donc pu se reposer. Mais sera-ce suffisant ? C’est pourquoi KawhiLeonard, MVP des finales, va jouer un rôle important. Il peut presque tout faire : défendre, passer, prendre des rebonds. Il va juste devoir progresser offensivement.

Van Den Spiegel : Je crains que ce ne soit pas le cas. Leonard convient parfaitement au système de Popovich et il a travaillé son jeu offensif mais ce n’est pas un marqueur-né. La saison dernière, c’est Parker – le moteur des Spurs – et Ginobili qui ont pris tous les shots importants.

Pouvez-vous expliquer le concept de Popovich aux profanes ?

Van Den Spiegel : Les Spurs présentent le pourcentage de shots réussis le plus élevés parce que chaque shot est le résultat d’une attaque soigneusement construite visant à libérer un joueur, qui qu’il soit. Ce n’est pas un hasard si, la saison dernière, la moyenne de leur meilleur marqueur, Parker, n’était que de 16,7 points.

Samaey : Popovich utilise les qualités spécifiques de ses joueurs. Ceux-ci ne doivent pas être tous des super-athlètes, au contraire : les Spurs présentent sans doute l’équipe la moins athlétique de NBA. Vous avez déjà bien regardé Duncan ? Ou BorisDiaw ? Ils ne sont pas très musclés.

Van Den Spiegel : Mais, et c’est bien plus important, aucune équipe n’est aussi forte tactiquement que San Antonio, qui compte beaucoup de joueurs européens ou formés en Europe. Popovich sélectionne ses joueurs sur base de leur intelligence de jeu.

A-t-il fait pareil avec son nouvel assistant coach, Ettore Messina, que vous avez eu comme coach au CSKA Moscou et qui est l’un des coaches les plus performants que l’Europe ait connus ?

Van Den Spiegel : Messina était un véritable professeur mais aussi un chouette gars qui vous incitait à réfléchir. Il disait toujours que l’aspect le plus important de son travail n’était pas le coaching mais le recrutement car il voulait être certain que ses joueurs comprendraient ce qu’il souhaitait. Ce n’est donc pas par hasard qu’il est devenu l’adjoint de Popovich. Il n’aurait d’ailleurs probablement jamais accepté d’être l’assistant d’un autre coach.

3. Kevin Durant en a trop fait

MVP la saison dernière, Kevin Durant avait déjà déclaré forfait pour le championnat du monde et est à présent out pour six à huit semaines suite à une fracture de fatigue au pied. Un signe qu’il doit lever le pied ?

Van Den Spiegel : Probablement, oui. C’est même assez incroyable qu’avec une constitution aussi frêle, il n’ait loupé que seize matches au cours des huit dernières saisons. Personne n’a joué davantage que lui et il le paye cash. De plus, une fracture de fatigue, c’est quelque chose de complexe – j’en sais quelque chose puisque ça m’a obligé à mettre fin à ma carrière. Il est très important de ne pas reprendre trop vite.

Samaey : ScottBrooks, le coach d’Oklahoma, voulait diminuer le temps de jeu de Durant (38,5 minutes de moyenne la saison dernière, ndlr) mais il aurait dû le faire depuis longtemps. Il a beaucoup trop misé sur Durant, RussellWestbrook et (un peu) SergeIbaka et n’a pas suffisamment utilisé les autres joueurs.

C’est tout l’inverse de ce qui s’est passé à San Antonio, où aucun joueur n’a joué plus de 30 minutes en moyenne.

Van Den Spiegel : C’est aussi la raison pour laquelle les Spurs, plus frais, ont écarté relativement facilement Oklahoma en play-offs (4-2, ndlr). Durant avait laissé trop d’énergie en phase classique et quand vos huitième, neuvième et dixième joueurs n’apportent rien – puisque Brooks ne les utilisait pas – ça pose problème.

La blessure de Durant permettra peut-être à des garçons comme Jeremy Lamb ou Perry Jones de saisir leur chance.

Samaey : Peut-être mais c’est surtout Westbrook qui voudra se montrer. Et ce n’est pas bon pour le Thunder car ce n’est pas un shooteur mais un shooting guard.

La saison dernière, il a joué pendant 41 minutes sans Durant et il a marqué 35 points mais il lui a fallu 46 shots pour en arriver là.

Samaey : Voilà, tout est dit.

Van Den Spiegel : Maintenant, on va voir clairement qui sont les numéros un et deux. L’année dernière, Durant a bien joué sans Westbrook mais l’inverse me semble plus difficile.

Samaey : Et quand Durant reviendra, il se sera déjà passé beaucoup de choses en Conférence Ouest.

Qui peut prendre les devants, à votre avis ?

Van Den Spiegel : Outre les Spurs, je vois bien les Clippers, avec ChrisPaulet BlakeGriffin.

Samaey : Tout à fait mais j’attends également beaucoup de Dallas. DirkNowitzkisera associé à MontaEllisen plus de transferts comme TysonChandler,ChandlerParsons et JameerNelson ainsi qu’un coach intelligent comme RickCarlisle. Cette équipe est très solide et expérimentée.

4. La chasse aux records de Kobe Bryant

Kobe Bryant a 36 ans et il s’est déchiré le tendon d’Achille après s’être gravement blessé au genou. Peut-il encore approcher son niveau d’antan ?

Samaey : Physiquement, il sera sans doute diminué de X pour cent mais il a tellement de classe et il est si doué techniquement qu’il marquera encore 20 points par match et brillera encore de temps en temps.

Van Den Spiegel : Exact mais il ne tirera plus les Lakers vers le haut car l’équipe est trop mauvaise. JeremyLin a été acquis dans le seul but de vendre des maillots aux Chinois, SteveNash est trop vieux, CarlosBoozer est trop moyen. Il y a bien quelques jeunes talents comme NickYoungetJuliusRandle ainsi qu’un nouveau coach, ByronScott mais, selon moi, ça ne suffira pas à aller aux play-offs, à moins de faire quelques trades en cours de saison.

Samaey : Kobe veut encore battre quelques records et remonter au classement des meilleurs marqueurs de tous les temps. Il ne lui manque plus que 592 points pour prendre la troisième place de MichaelJordan. Sachant combien celui-ci le fascine, c’est certainement son objectif. Et avec ses cinq titres, il entrera dans la légende.  »

Van Den Spiegel : Bryant n’a rien de sympathique mais respect pour la façon dont il s’est soigné pour revenir. C’est un vrai professionnel, sur le terrain comme en dehors. A peine assis dans l’avion, il analyse son match alors que d’autres joueurs en profitent pour se relaxer.

Pour vous, que vaut-il par rapport à LeBron James ?

Van Den Spiegel : Je suis davantage fan de Kobe qui a plus de talent pur et dont le style de jeu se rapproche de celui de Michael Jordan mais James fait davantage jouer l’équipe car il est plus collectif. Kobe veut souvent faire la différence à lui tout seul et prend parfois de mauvais shots.

Samaey : Il a cinq titres et LeBron n’en a que deux mais ce dernier a encore le temps. A 33 ans, Jordan ne comptait encore que trois titres également. Je pense que James y arrivera car il est très fort mais une chose est certaine : Jordan restera le meilleur de tous les temps.

Van Den Spiegel : Tout à fait d’accord car on oublie souvent que Jordan marquait 30 points et plus à une époque où les centres pouvaient encore stationner sous l’anneau parce que la règle des trois secondes n’existait pas encore. De plus, à l’époque, les défenses étaient beaucoup plus agressives car aujourd’hui, les arbitres sifflent plus rapidement afin de favoriser le spectacle. Si Jordan jouait encore aujourd’hui, on ne se poserait même pas la question de savoir qui de LeBron ou de Kobe est le meilleur.

PAR JONAS CRETEUR- PHOTOS: BELGAIMAGE

 » Les Spurs ont sans doute l’équipe la moins athlétique de NBA mais ça ne les a pas empêchés d’être champions.  » Rik Samaey

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