Leader cherche investisseurs

Les Dogues ont mis leur beau football en vitrine. Sera-ce suffisant pour attirer de nouveaux fonds nécessaires à leur survie ?

S’il n’y avait pas l’argent, l’Olympic serait un petit paradis perdu au pays carolo. Car depuis le début de la saison, le vénérable club du Pays Noir vit sur un petit nuage. La traumatisante descente en D3, n’a pas laissé de traces sportives. Pourtant, au mois de juin, les voisins de la patinoire semblaient voués à une lente descente aux enfers. Mais voilà que le président et mécène Aziz Alibhaï prit une bonne décision, lui qui ne savait plus à quel saint se vouer. Il se tourna vers le cousin et rival ancestral Sportingman et débaucha Dante Brogno, sur une voie de garage après deux ans de bon coaching auprès des Espoirs zébrés. Trois mois plus tard, l’Olympic trône en tête avec la première tranche en poche ; le public revient et les vieux drapeaux à tête de Dogues volent de nouveau fièrement au vent. Oui mais voilà, il y a l’argent. Chaque saison, Alibhaï allonge 80.000 euros pour combler le trou et il commence tout doucement à en avoir marre.

 » A ce niveau-là, la descente a fait beaucoup de mal. De nombreux sponsors sont partis. D’autres sont toujours là mais ne mettent plus les 15.000 à 20.000 euros qu’ils avaient l’habitude de mettre « , explique un proche du club.

 » Cela fait quatre ans et demi que le président est là « , ajoute le capitaine Frédéric Stilmant,  » Il avait cru à son projet et s’aperçoit que c’est difficile. Il pensait qu’il allait pouvoir lancer plusieurs joueurs ivoiriens. Or, les extra-communautaires coûtent trop chers pour la D3. Aujourd’hui, il se rend compte de la galère dans laquelle il nage. Les sponsors se font rares. Ou alors, ils viennent picoler dans les business seats et promettent monts et merveilles après quelques bières.  »

 » J’espérais, en arrivant, que les Carolos viendraient nombreux me soutenir « , reconnaît un président attachant, passionné et humble.  » Mais nous avons commis des erreurs. Nous n’avons pas su fédérer et avons raté notre communication. On pensait qu’en leur proposant un football offensif, les gens allaient venir vers nous d’eux-mêmes. Il nous a manqué de l’humilité. Il aurait fallu frapper aux portes des maisons et faire un travail de terrain pour séduire les gens. « 

 » Je me sens seul  » (Aziz Alibhaï)

La dernière montée en D2 aura laissé des traces. Aujourd’hui, la gestion de Julie Taddeï, dont la personnalité solaire a quelque peu aveuglé l’entourage olympien, est remise en question par des proches du club. Elle qui a quitté précipitamment le club la saison dernière, ne l’a pas redressé. Que du contraire.  » Mes trois premières années ont été marquées par trois ans de déficit d’exploitation et cela nous poursuit encore « , se borne à déclarer Alibhaï qui, chaque année, a comblé les trous. En quatre ans, il a sorti plus de deux millions d’euros de sa poche.

Vendredi dernier, il a lancé un ultime appel aux investisseurs locaux et régionaux. Il réclame de l’aide au risque de devoir jeter le gant.  » La ville a arrêté ses subsides sur lesquels on comptait « , explique la nouvelle directrice générale, Véronique Genna, collaboratrice fidèle du président, arrivée de France le 10 septembre. A cela s’ajoutent les nombreuses primes de victoires et de tranche générées par la bonne campagne sportive. Mais également le retrait de certains sponsors. La société sidérurgique Carsid, affaiblie par la crise économique, a ainsi décidé de revoir à la baisse son investissement (mais en continuant son sponsoring). Par mois, le club enregistre un déficit de 20.000 à 50.000 euros. Pour fin décembre, il faudra trouver 200.000 euros pour boucler le dossier de la licence. Impossible sans une intervention extérieure.

 » C’est trop lourd pour monsieur Alibhaï « , continue Genna,  » La famille en a également ras-le-bol qu’il dilapide un patrimoine qui n’est pas celui de la famille d’ Aga Khan ni de celle d’Arcelor. Il a l’impression que ce qu’il fait ne sert à rien. Cela fait quatre ans qu’il est là et les gens ne le connaissent toujours pas. On le considère comme un anonyme.  »

 » Je me sens seul. Seul dans le stade car il n’y a pas beaucoup de supporters. Seul dans l’actionnariat, seul dans le conseil d’administration où il n’y a pas beaucoup de personnes actives « , corrobore Aziz Alibhaï.  » C’est un peu le revers de la médaille de la mentalité carolo « , continue Stilmant,  » C’est parfois mieux vu de venir six mois et de vider les caisses que de s’investir sur le long terme comme le fait monsieur Alibhaï. « 

Pour continuer à faire vivre le ROCCM, les dirigeants ont donc fait appel à la solidarité régionale. Ils sont prêts à ouvrir le capital, voire même à vendre le club.  » On pourrait même imaginer que les supporters prennent des parts dans l’actionnariat. On cherche également à mettre sur pied une synergie avec un club de D1, belge ou étranger, pour lequel l’Olympic constituerait un club satellite. J’ai encore le courage et la foi pour faire vivre ce club. J’ai lancé ce cri qui signifie – venez nombreux. On est là. On vous recevra.  »

 » C’est un peu une façon de dire – Si vous ne faites rien, il va arriver un moment où il sera obligé d’arrêter « , dit Véronique Genna,  » Monsieur Alibhaï ne partira jamais en laissant des casseroles derrière lui. C’est quelqu’un de foncièrement honnête. Il tire donc la sonnette d’alarme maintenant car contrairement à tous les autres, il partira avant d’avoir des casseroles. Si au 30 novembre, on voit que rien ne bouge, on pourrait arrêter l’hémorragie. A contre c£ur pour monsieur Alibhaï car il aime sincèrement ce club. On a dit qu’il s’était engagé à l’Olympic pour son fils qui y jouait, puis pour développer son Académie mais son fils a arrêté, l’Académie est mise en sommeil et lui est toujours là !  »

 » On s’est rendu compte qu’il y avait de la qualité dans la région « 

A défaut d’argent, les Dogues ont retrouvé une âme.

 » A l’époque, l’Olympic était un club d’ouvrier et le Sporting un club de bourgeois. Aujourd’hui, cette différenciation n’existe plus mais il y a une chose qu’on n’enlèvera jamais à l’Olympic, c’est son côté familial « , ajoute Stilmant.

Alors que les jeunes vont plus naturellement au Sporting, les générations plus anciennes, qui ne prenaient plus la route du stade, retournent en rangs dispersés, par sympathie, à la Neuville. Si un nouveau vent de fraîcheur souffle à l’Olympic, c’est grâce à l’accumulation des bons résultats.

 » L’arrivée de Brogno a fait bouger des choses « , explique le capitaine,  » A la reprise, pendant un mois et demi, on a travaillé trois heures par jour. On était au stade à 9 h du matin. Brogno a serré la vis et apporté de la discipline. Mais il a eu de la chance que les points suivent car sans cela, je ne suis pas sûr qu’il aurait réussi à changer les mentalités. Car il a dérangé beaucoup d’habitudes. Il a menacé plusieurs fois d’arrêter si on ne le suivait pas. Il a poussé les gens de la ville à s’occuper du terrain. Aujourd’hui, on dispose de deux terrains parfaits. « 

 » Dante Brogno m’a cassé les pieds en faisant valoir ses exigences pour son équipe « , sourit Véronique Genna  » mais c’est en insistant qu’il a obtenu ce qu’il désirait. Il a toutes les qualités : discipline, rigueur et envie. Cette équipe a aujourd’hui une mentalité du tonnerre et donne envie de se bouger pour elle et de continuer à faire vivre le club. « 

L’icône des Zèbres a donc trouvé chaussure à son pied à la Neuville.  » Parce que je représentais le Sporting, j’ai été accueilli froidement « , avance Dante Brogno.  » Mais cela est vite passé au tiède, puis au chaud. J’ai également reçu beaucoup de messages d’encouragement de supporters des Zèbres. Aujourd’hui, la rivalité entre les deux clubs s’est quelque peu amenuisée. « 

Pourtant, l’Olympic n’en demeure pas moins un club de tradition.  » C’est un club avec une forte identité. On sent qu’il y a eu quelque chose mais cela sommeillait quelque peu. Je les ai un peu bousculés. Je voulais que les joueurs soient dans des conditions dignes d’un club de D1. C’était l’intérêt de tous de se professionnaliser tout en restant une formation familiale. « 

Tout a fonctionné et pourtant, Brogno reste prudent comme un Sioux. Pas question d’évoquer la D2. Ne boudons pas notre plaisir et profitons du gain de la première tranche. Mais sans pression. Telle serait sa devise.  » On voulait arrêter l’hémorragie et se maintenir en D3. La D2 n’est pas vraiment un objectif car pour monter en D2, il faut viser de suite la D1 car la D2 ne rapporte rien. Aujourd’hui, on veut juste profiter de notre parcours. Je m’attendais à prendre du plaisir mais pas autant. On a la meilleure attaque de la série. On joue au foot. Vers l’avant. J’ai du sang de compétiteur et mon groupe le ressent. J’ai essayé de lui transmettre ce caractère de gagneur. « 

Pourtant, la descente avait généré une coupe dans le budget.  » La masse salariale avait été réduite de 50 % « , analyse Stilmant,  » et cela a obligé le club à se tourner vers des joueurs régionaux. Après quelques mois, on se rend compte qu’il y a de la qualité dans la région. On a retrouvé une ambiance dans le groupe. Quand Nicolas Flammini a déménagé, il s’est fait aider par 15 joueurs. On a fait une soirée Ligue des Champions, il y avait 23 joueurs sur 25 présents.  »

Autour des quelques cadres (Stilmant, Flammini, Manory Delferrière, Samba Diawara), Brogno a convaincu certains jeunes du Sporting de le suivre ( Damien Miceli, Baptiste Ulens ou Nicolas Digiugno). Résultat : l’Olympic est l’équipe la plus jeune de la série.  » C’était un club traumatisé mais on a lancé un nouveau cycle « , conclut Brogno.  » Comme les joueurs, j’ai tourné une page et comme eux, je suis libéré.  »

par stéphane vande velde – photos: reporters/ walschaerts

« Les sponsors promettent monts et merveilles après quelques bières.

(Frédéric Stilmant) »

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