Le Yassine Show

Rencontre avec l’une des sensations de notre compétition.

Quatre décembre dernier, la Gantoise mène confortablement à Malines (2-4). Il ne reste que cinq petites minutes à jouer, le temps pour Yassine El Ghanassy, monté au jeu quelques instants plus tôt, de nous sortir le tour de passe-passe de 2009. Coincé sur son aile gauche par Koen Persoons puis par Kenneth Van Goethem, le jeune Gantois glisse la balle entre les guibolles de ce dernier après avoir multiplié les râteaux et cède en retrait le cuir à Tim Smolders, qui fusille Olivier Renard pour la dernière fois de la soirée.

L’action fait le tour des émissions foot du royaume. Pour la première fois de la saison, le jeune El Ghanassy (19 ans) se montre véritablement décisif ; le gri-gri se transformant en but. Lors de la 21e et dernière journée de championnat, rebelote : le Yassine Show dure cette fois 90 minutes lors d’une journée portes ouvertes au Schiervelde de Roulers (0-4). Seul hic, le dribbleur gantois, certes auteur de deux assists, passe plusieurs fois en revue toute la défense visitée mais se loupe lors de ses face-à-face avec Jurgen Sierens.

El Ghanassy :  » J’ai eu depuis le début de saison au moins 15 belles possibilités de but. Sans résultat. Je ne sais pas comment l’expliquer. Chez les jeunes, j’arrivais pourtant facilement à les mettre au fond. « 

Ce manque de réalisme ne l’empêche toutefois pas de dormir. La confiance, on la lit directement sur son visage. Certains le décrivent parfois arrogant, lui, préfère parler d’un jeu fait de provocation. Car le dribble, c’est sa marque de fabrique.

Quel autre joueur de D1 a cette facilité dans l’art du contre-pied ? MilanJovanovic, peut-être ? Pour le reste, notre Jupiler League est plutôt pauvre en la matière. MichelPreud’homme, qui l’a introduit dans le noyau A l’an dernier sur les conseils de Manu Ferrera, dont le regard est régulièrement tourné vers la Réserve, sait que son joueur peut faire office d’ouvre-boîte hors-pair. Il sait aussi qu’il lui arrive parfois de se perdre dans ses dribbles :  » Après la défaite à domicile face au Germinal Beerschot, on m’a remis sur le banc pendant quelques semaines. Je ne sais pas ce qu’il m’arrivait. Je n’étais plus capable de reproduire les mêmes gestes qu’au début de saison. J’avais même peur de ne plus savoir dribbler.  »

Ça rigole avec MPH

Si Yassine a retrouvé une place de titulaire après son exploit à Malines, il a dû déchanter une nouvelle fois lors de la venue d’Anderlecht :  » J’étais très déçu de ne pas participer à cette rencontre. Les Mauves, tu rêves évidemment de les jouer. Mais je respecte la décision du coach. Qui suis-je pour la contester ? S’il m’a mis de côté c’est qu’il avait ses raisons. « 

Yassine ne cache d’ailleurs pas son admiration pour Preud’homme :  » J’ai comme entraîneur, l’ex-meilleur gardien du monde ! C’est la classe, non ? Sa notoriété est encore énorme. Quand on était à Rome pour la coupe d’Europe, des gens à l’aéroport m’ont demandé d’aller le chercher pour qu’il pose pour une photo. Les Italiens étaient fiers d’être avec lui ! Et puis, humainement c’est quelqu’un de bien. Vous, les journalistes, vous le prenez pour un fou car vous ne le voyez qu’en match. Moi, je peux vous dire qu’il est tout autre au quotidien. Aux entraînements, ça rigole même si ça reste sérieux. Il m’arrive régulièrement de passer à côté de lui et de lui mettre un petit pont, en retour il me met une claque derrière l’oreille. Il m’arrive même de le charrier sur ses fringues… « 

Une chose est sûre, El Ghanassy et MPH n’ont pas le même styliste. Le Belgo-Marocain adopte aujourd’hui le parfait look du footballeur moderne : Gucci, Armani, Dolce & Gabana, etc. Depuis son arrivée dans le noyau A des Buffalos et sa récente prolongation de contrat jusqu’en juin 2014, les affaires tournent plutôt bien, ce qui n’a pas toujours été le cas.

 » A la maison, on n’était pas riche. Mon père, Hadjaj, était venu en Belgique, notamment pour jouer au football. Il avait été international marocain au poste d’arrière droit et devait normalement signer à Waregem. Malheureusement, une blessure l’a contraint à mettre un terme à sa carrière. Après, il a multiplié les petits boulots, il a travaillé pour une pizzeria entre autres. Il devait nourrir cinq bouches, moi et mes quatre s£urs aînées, et bossait donc beaucoup. Cependant, on n’a jamais été malheureux, loin de là.  »

Le nouveau Scifo

A Manage (près de La Louvière) où il grandit, Yassine fait très vite sensation balle au pied :  » A 6 ans, je dribblais tout le monde. Cette faculté à éliminer, je la dois à mon père qui jouait partout avec moi, même dans le salon. Je n’avais que le foot en tête.  » Après quelques mois dans un petit club du village, Yassine rejoint La Louvière qui le repère très vite.

 » Dans la presse régionale, on me désignait comme le nouveau Scifo. J’ai très vite compris que mon futur passerait par une carrière de joueur pro. A l’école, je n’étais pas méchant mais assez turbulent. À 16 ans, j’ai arrêté les frais. Mon père a dit ma mère :- L’école, ce n’est pas pour lui. Ma mère était quand même inquiète que j’arrête si tôt.  »

Plus d’école pour l’ado, mais un premier test à l’étranger. Le club de Birmingham l’accueille et est même prêt à le garder :  » J’avais inscrit deux buts et délivré un assist lors d’un match avec la Réserve. Dans la presse, on disait même que j’avais signé. Malheureusement, mes managers de l’époque ont voulu se faire de l’argent sur mon dos et ont fait capoter la transaction. « 

A son retour des Iles, le jeune Loup retrouve l’équipe première de la Louvière et vit les dernières heures du club :  » La dernière saison (2007-2008) fut difficile. Je voyais mon club s’éteindre alors que j’avais tout connu avec. Même ramasseur de balle au moment où La RAAL marchait fort… « 

Dès le mois de décembre 2007, El Ghanassy ne touche plus un kopeck :  » J’avais un fixe de 800 euros et faisais partie des biens lotis mais je n’ai rien vu de cet argent. Le plus dur, ce fut pour les joueurs qui sont arrivés en hiver. Je les appelais les joueurs gratuits ( il rit).  »

Le miracle Thijs

A Gand, El Ghanassy est très éloigné de pareils tracas. Le club respire la forme et grandit année après année. Le 22 sur 24 réalisé avant la trêve prouve qu’il faudra compter dès cette saison sur la bande à Preud’homme :  » On a vraiment une très grosse équipe. Il suffit de jeter un £il sur notre banc pour s’en rendre compte et de voir qu’on y retrouve des ChristopheGrondin, KennyThompson, StijnDe Smet. Avant eux, il y avait ElimaneCoulibaly et RandallAzofeifa. Adekanmi Olufadé prend même place en tribune. Et l’équipe est parfaitement balancée. On a de la puissance avec Coulibaly devant, de la vitesse avec MbayeLeye, Custo a un sens du but incroyable et MarkoSuler est pour moi le meilleur défenseur du championnat. Il va tellement vite. Et puis, on ne peut pas éviter la présence de Bernd Thijs. C’est depuis qu’il est de retour qu’on prend autant de points. Comment l’expliquer ? Je ne sais pas. Mais son expérience sur le terrain, c’est un truc de fou !  »

De son côté, le chouchou du public gantois (un titre qu’il partage avec le gardien Bojan Jorgacevic) sait qu’il est loin d’être arrivé :  » Je dois encore apprendre beaucoup. Il faut que j’arrive à donner mon ballon au bon moment, sans perdre mon dribble pour autant car c’est pour ça que le public m’apprécie. Et mon jeu de tête est catastrophique. Je crois que je ne suis pas fait pour ça…  »

« Mon entraîneur est l’ex-meilleur gardien du monde ! C’est la classe, non ? »

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