Le vécu a fait la différence

Connaisseur des deux clubs, il analyse Anderlecht et le Standard après le choc du week-end.

Anderlecht a eu un sursaut d’orgueil. Une bête blessée est une bête dangereuse. Et les Mauves l’ont prouvé vendredi soir en sortant vainqueurs du match au sommet les opposant au Standard. Le couac de La Louvière avait masqué le retour au premier plan de l’Anderlecht version Vercauteren. Ce point perdu au Tivoli avait érigé le Standard en favori mais les Liégeois ont montré leurs limites au Parc Astrid.

Pourtant, à une minute près, les Standardmen accrochaient les champions en titre. Mais une reprise de la tête du Finlandais Hannu Tihinen a finalement offert les trois points au Sporting. A l’issue de la rencontre, Franky Vercauteren se montrait soulagé et heureux d’avoir atteint l’objectif qui lui était assigné : sauver la deuxième place synonyme de participation à la Ligue des Champions. Reste maintenant une part de rêve qui pousse les Mauves à croire encore au titre de champion que Bruges n’a pas encore accroché.

Pour le Standard, le point perdu à l’ultime instant de la rencontre aura bien plus de conséquences qu’une fin de série annoncée. Après 15 rencontres sans défaites, les Liégeois sont retombés les pieds sur terre. Désormais, il faudra se concentrer sur la meute des poursuivants (Genk et Charleroi) pour décrocher une place européenne.

Tous les ingrédients étaient réunis pour faire de ce classique du championnat une rencontre passionnante. Rarement un tel match avait focalisé autant d’enjeu. Et ce d’autant plus qu’il opposait deux formations au sommet de leur art depuis quelques mois.

Pour analyser le match et le jeu déployé tout au long de l’année par les deux formations, nous avons fait appel à Johan Walem, 33 ans, qui évolua tant à Anderlecht (1991-1997) qu’au Standard (2001-2003).

Le système de jeu

 » Si le Standard avait aligné toutes ses forces vives aux postes qu’on leur connaît, Anderlecht avait réservé une petite surprise « , explique Walem.  » Vercauteren avait choisi d’aligner le jeune Mark Deman au poste d’arrière droit alors qu’ Anthony Vanden Borre glissait dans l’entrejeu « . Goran Lovre, pourtant pilier du système Vercauteren, retrouvait le banc des réservistes.  » Cela prouve une fois encore la qualité du noyau bruxellois. Cette prise de risques a réussi puisque Vanden Borre fut élu homme du match. Après la prestation à La Louvière, je pensais qu’il manquait la rage de vaincre aux Anderlechtois. Manifestement, Vercauteren a su recadrer son équipe et on a retrouvé l’Anderlecht des grands soirs. Malgré l’adversité plus que conséquente, ils ont réussi à faire la différence grâce à leur mental. Et on a pu voir que non seulement le système mis en place par Vercauteren a perturbé les Standardmen mais qu’en plus, la victoire fut forgée… à l’entraînement. En deuxième période, ils ont monopolisé le ballon et pour l’avoir vécu, je sais qu’à Anderlecht, on travaille la possession et la circulation de balle en semaine. Ils ont joué sur Nenad Jestrovic, Aruna Dindane et Christian Wilhelmsson qui savent garder le cuir, attirer les défenseurs en attendant que le danger survienne de la deuxième ligne « .

Les défenses

 » Le Standard avait acquis une certaine stabilité défensive. Dans les goals, Vedran Runje est un personnage. Si tu es attaquant, rien qu’à le voir, tu as peur. C’est sans doute le seul secteur où le Standard s’est montré supérieur malgré la sortie manquée du Croate en première période. Pour moi, une phase peut tout résumer : le premier but du Standard. Tristan Peersman est trop hésitant et sort trop mollement devant Karel Geraerts. Quelques instants plus tard, Runje doit effectuer le même style d’arrêt en sortant dans les pieds de Vanden Borre. La main est ferme et il sort gagnant de son duel. Cette saison, Anderlecht a vécu trop de problèmes de gardiens. Quand tu sais que ton dernier rempart est fébrile, tu es beaucoup moins serein. Lorsqu’on a enfilé les titres de champion avec les Mauves, on pouvait compter sur Filip De Wilde qui prenait son quota de points. Au Standard, quand Runje décide de faire monter sa défense, les arrières savent qu’ils n’ont pas besoin de venir chercher le ballon. Cela rassure.

Au niveau de la défense, le Standard a pris autant de buts en un match que sur la totalité du deuxième tour. La charnière centrale a connu certaines difficultés. Mais les appels de Wilhelmsson, les montées de Vanden Borre et la présence continue de trois attaquants mauves, tout cela a bougé cette défense rouge. Pourtant, il ne faut pas tout remettre en question. Les latéraux ont apporté énormément de solutions tout au long du second tour. En deuxième mi-temps, face aux Bruxellois, ils ont été moins percutants. Du côté anderlechtois, Vincent Kompany a non seulement apporté le surnombre en attaque mais il a également été intraitable derrière. On le loue depuis quelques mois et il confirme. A l’image de toute la charnière centrale puisqu’elle prend à son compte deux des trois buts bruxellois « .

Le milieu et l’attaque

 » Anderlecht s’est montré supérieur à son adversaire dans tous les autres secteurs grâce aux événements. Les Mauves n’en menaient pas large avant d’ouvrir le score mais cela les a libérés. Contrairement à leur dernière sortie à La Louvière, ils ont évolué davantage vers l’avant que latéralement. Depuis la prise de pouvoir de Vercauteren, on retrouve une équipe qui sait développer du bon football. Il a redonné un certain style à la maison qu’il connaît parfaitement. Il savait ce qu’il fallait pour redynamiser le club. Il a bien fait d’apprendre son métier dans l’ombre. Maintenant, je pense qu’il est prêt et suffisamment armé pour reprendre l’équipe. Pour revenir au style maison, il suffit de regarder les sorties de défense. Propres et dans les pieds. C’est la marque de joueurs qui se connaissent. Ils sont plus roublards, ils ont de l’expérience et du vécu. Mais si le Standard n’a pas assez construit son jeu, procédant avec de longs ballons, il ne doit pas rougir de sa prestation. Ce type de football s’est montré payant depuis des semaines et à une minute près, il rapportait gros une nouvelle fois. Son expérience européenne lui a déjà permis de franchir un palier. On sent le groupe moins naïf, mais si le Standard apprend à ce niveau, Anderlecht le maîtrise déjà. Or, vendredi, il s’agissait d’un match de Coupe d’Europe.

Au niveau des individualités, on peut retenir le rayonnement de Pär Zetterberg, laissé trop libre. Quand il commence à faire circuler le ballon, ce n’est jamais bon pour l’adversaire. Les Standardmen surveillaient Zetterberg et Yves Vanderhaeghe à distance mais plutôt que de céder deux ou trois mètres à chacun, il aurait mieux valu tenir Zetterberg de plus près, quitte à maintenir Vanderhaeghe libre de tout marquage.

Dans l’autre camp, Matthieu Assou-Ekotto a trop reculé. Pourtant, depuis qu’il est arrivé à Liège, il a montré de bonnes dispositions. Il fait office de relayeur. Mais contre Anderlecht, il a eu beaucoup de boulot et on l’a senti, par moments, un peu dépassé. Mais encore une fois, on peut souligner les qualités de ce groupe. Car même acculé, il a su sortir la bonne passe au bon moment sur le deuxième but égalisateur. On peut tenir le même raisonnement pour Sergio Conceiçao qui peut enflammer le stade par certaines accélérations et faire la différence sur une action individuelle. Quant à Milan Rapaic, il s’est sacrifié pour la cause. Pendant tout le match, il a eu affaire à Vanden Borre qui a l’air d’un faux lent mais qui est capable de changements de rythme intérieurs et extérieurs.

Le Standard arrive depuis quelques années à faire venir des stars. Cela ne peut être que bénéfique pour notre championnat. Ils ont une classe supérieure à celle de leurs équipiers. Conceiçao est devenu un dieu à Sclessin qui aime ce type de comportement chaud. Il s’amuse comme un fou et il rayonne. Cela se voit sur son visage. C’est un gagneur. Il ferait tout pour repartir avec la victoire.

Du côté anderlechtois, Aruna Dindane revient en forme. Contre La Louvière, il s’est baladé mais il n’a pas marqué et on lui a reproché de s’être montré trop égoïste. Face au Standard, il n’a pas eu un match facile et on ne l’a pas vu beaucoup mais il a fait la différence. Savoir soulever le ballon en pleine course, chapeau !  »

Les phases arrêtées

 » Anderlecht a su gagner sur les points forts du Standard. Les Rouches ont souvent fait la différence sur les phases arrêtées. Vendredi, c’est Anderlecht qui s’est montré dangereux sur ce type d’actions. Non seulement, il empoche les trois points sur un coup franc de Zetterberg repris par Tihinen, mais auparavant, on sentait le Standard fébrile chaque fois qu’il y avait un corner ou un coup franc. La force des Bruxellois consistait à se ménager des phases arrêtées dans les 16 mètres. Le Standard était beaucoup plus prévisible avec ses coups francs à 40 mètres « .

Le futur

 » Le Standard doit prendre conscience de ses possibilités. A Anderlecht, Sambegou Bangoura, qui possède un bon jeu de tête, n’est pas maladroit et sait faire jouer les autres par ses déviations, a beaucoup travaillé mais il était parfois un peu trop esseulé. Lors des précédentes rencontres, on voyait davantage Conceiçao et Jonathan Walasiak surgir de la deuxième ligne. Les Liégeois disposent d’un attirail offensif impressionnant avec Conçeicao, Walasiak , ainsi que Wamberto, Mohamed Tchité et Cédric Roussel sur le banc. Ils doivent maintenant se montrer conquérants. Le club est en train de grandir et il doit continuer sur cette voie. Une structure s’est mise en place au niveau de la direction depuis deux ou trois ans. Ils ont fait la grande lessive, maintenant, ils doivent rechercher la stabilité sur le terrain. Ils peuvent continuer à attirer une ou deux vedettes pour alimenter le rêve du public mais il faut maintenir une base. Ce serait profitable pour le club s’il arrivait à conserver l’ossature de cette équipe. On sait que Rapaic et Conceiçao ne resteront pas tous les deux mais il faudrait que l’un des deux demeure au club. Quand tu vois le niveau du match de vendredi, ils auraient tort de se dire que l’herbe est plus verte ailleurs.

Du côté anderlechtois, on parle beaucoup de départs mais quand tu as la chance de disputer la Ligue des Champions, tu dois réfléchir à deux fois avant de demander ton transfert. A mon époque, on ne partait pas d’Anderlecht comme on le voulait. Soit on était en fin de contrat, soit il fallait déposer un bon paquet d’argent. Je sais ce qu’Anderlecht peut offrir à ses joueurs et ce n’est pas négligeable, je peux l’affirmer. Cependant, un ou deux joueurs peuvent partir. La base est bonne et les jeunes pointent le bout du nez. Dans cet effectif, il ne faut ni changer ni améliorer quoi que ce soit. Il faut juste persévérer.

Reste à solutionner les cas de Walter Baseggio et Mbo Mpenza. Car ce sont deux joueurs qui savent apporter de l’éclat à un match et qui peuvent rendre de nombreux services. Baseggio est peut être bloqué à Anderlecht mais il doit se rendre compte qu’il ne l’est pas n’importe où. Il doit savoir qu’au Sporting, si tu n’es pas à ton niveau, tu as un joueur qui peut prendre ta place. Et à l’étranger, c’est encore pire. Tu es remis en question chaque semaine. Après plusieurs années dans le même club, il arrive que la lassitude s’installe sans que l’on s’en rende compte. Il faut alors parfois une gifle pour rebondir. Mais tout n’est pas noir. J’ai particulièrement apprécié son entrée face à La Louvière « .

Stéphane Vande Velde

 » Anderlecht a su GAGNER SUR LES POINTS FORTS du Standard  »

 » à ANDERLECHT, IL NE FAUT NI CHANGER, NI AMÉLIORER. Il faut persévérer  »

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