Le trottineur des Lilas

Y a 15 jours, j’ai redécouvert le goût de seulement observer. Sans devoir penser à traduire. Sans devoir travailler. Je suis allé voir un match de foot en invité. Des années que cela ne m’était plus arrivé. Pas le temps et pas l’envie. La vie a tellement de belles choses à offrir que consacrer son rare temps de plaisir à cela, non. Est-ce que les ouvriers vont passer leur dimanche à l’usine d’à côté pour regarder leurs collègues travailler ? Non.

J’ai pris mon pied. Quel luxe de pouvoir regarder où on veut. De ne pas être obligé de suivre tout le temps le ballon. D’avoir une vraie vision globale. Une vision globale et intégrale, mon pote SundayOlisey l’a. C’est lui qui m’a invité. Il était consultant pour la chaîne TV allemande qui retransmettait le match. Qui d’autre que lui ? Il habite en Belgique, a joué à Dortmund et est un consultant hors-pair.

Lors de la dernière Coupe du Monde, il était un des analystes de la FIFA. Il est payé pour aller voir des matches dans le monde entier et expliquer : Pourquoi une équipe a pris le dessus ? Pourquoi l’autre n’a pas su réagir ? Exactement ce que j’ai constaté l’autre soir. Devenu voyeur, je me suis rincé l’oeil. Avant de verser une larme. J’en suis malade de tristesse. Les p’tits Belges, plus petits que jamais. Ce match, c’était Anderlecht-Dortmund.

Des scolaires contre des pros. Des karts contre des F1. Ça faisait peine à voir. Symbole de cette impuissance, le pauvre StevenDefour. On aurait dit un vieil homme. Un champion du monde de trottinage face à des athlètes. Le trottineur des Lilas face aux torpilleurs du cuirassé jaune. Ça fait mal, ça fait peur ! Defour est le transfert de l’année en Belgique. Un Diable qui revient au pays. Une star est de retour. Et là, cata. Pas le niveau. Broyé, noyé, étouffé, poinçonné. Un ticket de retour à la réalité.

A travers lui, ce sont les travers de tout un football. Le nôtre. La différence est à tous les niveaux. Technique, tactique, physique, athlétique, psychologique. Ce qui m’a le plus frappé, c’est la différence abyssale dans l’attitude lors de la transition avec et sans ballon.

J’ai bien dit l’attitude car mettre de l’intensité pendant 5 secondes maximum pour soit récupérer le ballon, soit l’utiliser au mieux, c’est à la portée de tout jeune homme de moins de 35 ans bien entraîné. Le foot se gagne souvent dans cette période. Pour les petites équipes, c’est le trou noir dans lequel elles disparaissent le temps d’une révolution de 90 minutes.

Dortmund a été énorme dans cet aspect du jeu. Anderlecht inexistant. Dortmund énorme parce qu’il le fait tous les jours. Pour eux, c’est normal. Pour Anderlecht c’est exceptionnel. Parfois, contre Bruges ou le Standard.

L’éclatante démonstration de ce constat est survenue trois jours plus tard. Dortmund reçoit Hambourg en championnat. Le HSV est dernier, une victoire en 7 mois. Un but inscrit depuis le début de cette saison. Pourtant, il s’impose. Le dernier de Bundesliga bouffe Dortmund qui était venu bouffer Anderlecht.

Alors, on va pas se moquer, le prendre de haut. On va se dire qu’on a le foot qu’on mérite et que le mérite dans le foot actuel, c’est souvent le pognon et les joueurs qui vont avec. Mais pas que. Il reste néanmoins un espoir. Des espoirs même. Comme ceux d’Anderlecht qui, le lendemain, ont atomisé ceux de Dortmund 5-0.

Démonstration d’explosivité, de technique et de talent. Dortmund est le 2e club du pays des champions du monde, et l’est devenu grâce à sa formation. Les  » kets  » leur ont donné la leçon. Une leçon à tirer pour ne pas sombrer dans les complexes éternels. Au départ, le Belge est bon. A l’arrivée il l’est toujours mais ce sont les autres qui en profitent.

Y en a même qui, avant le départ, arrivent à leur fin. Un gamin de 9 ans a signé à la Roma. La louve romaine allaite nos petits. On souhaite le festin pour le p’tit et les siens. Nous, on se contentera d’une fricadelle avec des frites et surtout une bonne Gueuze.

Il reste néanmoins des espoirs. Comme ceux d’Anderlecht qui ont atomisé ceux de Dortmund 5-0.

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