Le timing de Marc Wilmots

Il y a presque trois ans, Georges Leekens entamait son second mandat de sélectionneur avec les Diables Rouges. C’était contre la Bulgarie et la Belgique, menée 0-1, avait renversé la vapeur en fin de partie pour s’imposer 2-1. Il y avait 15.000 spectateurs tout au plus au stade Roi Baudouin. L’équipe nationale suscitait une sorte d’apathie, c’était comme si on méritait une prime quand on se déplaçait à ses matches.

À l’heure actuelle, 7.000 supporters se sont déjà manifestés pour effectuer le déplacement en Ecosse le 6 septembre. Qu’importe le déroulement du match de hier soir contre la Macédoine, tout le pays semble être aux pieds de l’équipe nationale et cet optimisme se muera en extase si les Diables Rouges poussent effectivement la porte du Brésil. Ils sont devenus un produit national, en dehors du terrain comme sur celui-ci. Vendredi, à Skopje, on dénombrait six néerlandophones et cinq francophones au coup d’envoi et comme l’a rappelé Marc Wilmots, ils étaient unis par un esprit de groupe qui n’a sans doute jamais été aussi fort.

La perception peut changer très vite. Quand René Vandereycken a- t-il entamé la campagne de qualification pour l’EURO avec trois médians défensifs, à domicile, contre le Kazakhstan ? C’était le 16 août 2006 et le match s’est achevé sur un nul blanc. Durant la conférence de presse qui a suivi, Vandereycken a expliqué pourquoi il n’avait pas débuté la rencontre offensivement : l’équipe n’avait pas encore trouvé ses marques et elle risquait d’insuffler confiance à son adversaire si elle ne marquait pas rapidement. À l’époque, le Kazakhstan occupait le 141e rang mondial !

Il y a exactement cinq ans, toujours sous Vandereycken, les Diables Rouges ont essuyé un pénible revers 1-4 sur leurs terres, des oeuvres du Maroc. Presque tous les joueurs de la génération actuelle étaient repris. Marouane Fellaini venait de préférer la Belgique aux Lions de l’Atlas. Entré au jeu, il avait été hué par les supporters marocains et, par la suite, il a certainement dû se demander s’il avait effectué le bon choix.

Tout dépend de l’approche et de l’emballage : Dick Advocaat a introduit des règles strictes, en parfait général, et Georges Leekens atenté de susciter l’enthousiasme après l’échec des Diables dans les qualifications pour le Mondial sud-africain, le énième chapitre d’une levée talentueuse qui n’allait jamais vraiment gravir les échelons internationaux. Il apparaît maintenant qu’il suffit parfois d’une légère correction pour remettre l’équipe sur les bons rails.

Le timing constitue un facteur important, dans la carrière d’un footballeur comme dans celle d’un entraîneur. Marc Wilmots semble avoir été the right man in the right place. Pendant trois ans, de son poste d’adjoint, il a suivi le processus d’évolution de l’équipe. Il a vu la discipline se renforcer, la rage de vaincre croître. Surtout, il savait comment gérer ce groupe.

Nous nous rappelons une interview de Marc Wilmots pendant l’EURO en Pologne, au bar d’un hôtel de Varsovie. Après les matches amicaux contre le Monténégro et en Angleterre, les doutes étaient considérables mais le sélectionneur les acceptait avec beaucoup de maturité. On a rarement vu un entraîneur relativement inexpérimenté entamer sa mission avec un tel sang-froid. Wilmots voulait jouer selon un schéma fixe, défendre vers l’avant et sans la moindre crainte. Il a raconté que sa tâche principale consistait à faire penser chacun de la même manière au même moment, par exemple à la manière dont la transition devait s’effectuer.

Comme on l’a vu vendredi dernier à Skopje, il reste du travail de ce point de vue. L’équipe a entamé le match avec une prudence étonnante et Wilmots a gesticulé le long de la ligne pour lui faire comprendre qu’elle devait procéder autrement. On avait assisté à la même scène en Serbie. La chance n’a pas abandonné l’équipe, à deux reprises.

L’enthousiasme suscité par les Diables Rouges ne doit pas sombrer dans l’excès. Même si la campagne a bien débuté, l’équipe conserve des manquements, surtout en déplacement. Or, c’est sans doute à l’extérieur que la première place du groupe se jouera : le 11 octobre, à Zagreb, contre la Croatie. C’est dans plus de six mois. D’ici là, l’équipe a le temps de poursuivre sa progression.

PAR JACQUES SYS

En déplacement, les manquements sont toujours visibles.

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