LE TIKI TAKA DE L’EST

Cinq ans après sa relégation, l’AS Eupen s’apprête à regoûter à la D1. Lors de sa première expérience au plus haut niveau, les structures n’étaient pas encore bien en place. Cette fois, c’est du solide.

Après la relégation du club en 2011, on avait craint un déclin inéluctable pour l’AS Eupen. Les propriétaires italiens avaient alors quitté le club et le repreneur allemand pressenti s’était retrouvé en prison. La ville germanophone cherchait un nouvel investisseur dans le même temps qu’à des milliers de kilomètres de là, une académie de jeunes cherchait un club européen.

Un an plus tôt, le dirigeant sportif allemand Andreas Bleicher – engagé en 2004 pour créer l’Aspire Sports Academy à Doha – et le directeur sportif Joseph Colomer (l’homme qui a découvert Lionel Messi pour Barcelone) avaient pris leur temps pour trouver un club européen susceptible d’accueillir les produits de ce centre de formation et de les aguerrir au football professionnel.

Il a finalement opté pour la Belgique, car il estimait que l’adaptation des joueurs africains serait plus facile dans un pays francophone. De plus, la plupart des autres pays limitent le nombre de joueurs extra-communautaires. En Belgique, six Belges doivent être inscrits sur la feuille de match, mais ceux qui jouent en Belgique pendant au moins trois ans avant d’avoir atteint l’âge de 23 ans (c’est-à-dire tous les jeunes talents de l’Académie) sont assimilés à des Belges sur le plan footballistique.

En mars 2012, une importante délégation du Qatar s’est donc déplacée à Eupen afin de visiter les installations et discuter avec les autorités locales. Le 1er juillet 2012, un contrat de dix ans a été signé. Jusqu’à la… Coupe du Monde 2022 au Qatar, donc ! Quatre millions d’euros auraient été investis, afin d’éponger les dettes, et la section professionnelle du club est passée aux mains des Qataris, tandis que l’école des jeunes d’Eupen reçoit chaque année 200.000 euros.

Le bourgmestre Elmar Keutgen a posé deux exigences : que le nom et les couleurs du club soient conservés. Cela n’a pas posé de problème. En juillet, 16 joueurs de l’académie Aspire ont débarqué, en majorité des Africains. Des appartements ont été mis à leur disposition. Pour la première fois de leur vie, ils ont volé de leurs propres ailes. Ils n’ont pas seulement appris à jouer au football, mais aussi à cuisiner et à faire la lessive.

LE PLUS BEAU FOOT DE D2…

En août de l’an passé, Andreas Bleicher avait défini ses ambitions lors d’une interview avec GrenzEcho.  » Nous souhaitons monter, mais ce n’est pas une obligation. Le plus important, c’est le développement des joueurs, et cela prend du temps.  »

Siebe Blondelle, un Flandrien d’Oostkamp près de Bruges qui dispose évidemment d’un appartement à Eupen ( » Je ne rentre chez moi qu’une fois par semaine « ), affirme ne pas avoir ressenti la pression cette saison. Au départ, l’objectif était le titre, mais lorsqu’Eupen s’est retrouvé cinquième à la mi-février, les joueurs ont été placés devant leurs responsabilités.

A défaut des lauriers, il fallait absolument assurer une place parmi les huit premiers, afin de poursuivre l’aventure professionnelle. Le moteur s’est alors remis en marche et l’AS Eupen a enfin démontré ce que tous les observateurs pressentaient : c’est l’équipe qui joue le mieux au football en D2.

L’organisation professionnelle n’a rien à envier à celle de beaucoup de clubs de l’élite. La moyenne de spectateurs n’est pas très élevée (1.786, soit la sixième assistance de D2), mais Eupen est une petite ville. Avec 19.100 habitants, elle sera même la plus petite ville du pays à compter un club en D1, après Westerlo. A titre de comparaison, c’est la 162e ville du pays en termes de population, juste derrière Sint-Gillis-Waas et devant Zwijndrecht.

L’AS Eupen, qui compte 97 employés (dont 32 joueurs), est un petit monde à part, cosmopolite. L’argent vient du Qatar, mais la gestion quotidienne est aux mains des Allemands et de Belges germanophones de la région. La direction sportive parle espagnol, alors que la langue véhiculaire sur le terrain est l’anglais.

L’effectif professionnel compte pas moins de 12 nationalités, africaines pour la moitié. Les nationalités les mieux représentées sont la Belgique et le Sénégal (5 chacun). Il y a aussi deux Qataris. Ces jeunes sont guidés par des Européens expérimentés, dont le capitaine Luis Garcia (35 ans), un vétéran de la Primera División, et le buteur français Florian Taulemesse.

… LE PLUS D’ÉTRANGERS AUSSI

Début février, Eupen s’est aligné au White Star sans aucun Belge dans le onze de départ. Mais avec huit joueurs formés à l’Aspire Academy. A l’Antwerp aussi, lors du dernier match, il n’y avait que deux Belges au coup d’envoi : Nicolas Timmermans et Guy Dufour. SiebeBlondelleest monté au jeu, tandis que le gardien Hendrik Van Crombrugge, de retour de blessure, est resté sur le banc.

Avec 23 joueurs étrangers sous contrat (Espoirs inclus), Eupen est l’équipe qui compte le plus d’étrangers en D2, devant le Lierse (18). Ce n’est toutefois pas un record : il y a deux ans, Mouscron-Péruwelz avait 25 étrangers sous contrat. La semaine dernière, on s’est rendu compte que le système pouvait fonctionner.

Akram Afif (19 ans), l’un des deux titulaires qataris cette saison et qui devrait être l’un des piliers de l’équipe nationale du Qatar lors de la Coupe du Monde 2022, a signé à Villarreal, l’un des bons clubs espagnols et demi-finaliste de l’Europa League.

Mais tout le monde n’a pas réussi à Eupen. L’attaquant vénézuélien Jeffrén aurait dû être l’une des attractions de la saison. Mais l’ancien joueur du centre de formation de Barcelone a souffert du mal du pays et n’a pas su exprimer toutes ses qualités. Il y a donc aussi des échecs, mais ce n’est pas grave : le prochain Jeffrén est déjà en route.

PAR GEERT FOUTRÉ – PHOTO BELGAIMAGE

A Eupen, l’argent est qatari, la gestion allemande et la direction sportive espagnole.

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