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Un mois de règne pour Mbaye Leye au Standard: le bilan

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Janvier, c’est la période des bonnes résolutions. Celle où le Standard, sous l’impulsion de Mbaye Leye, a décidé de changer. Bilan d’un voyage de 31 jours en bords de Meuse.

Quand l’heure est au bilan, l’important est toujours de choisir une perspective. L’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide, selon la façon dont on choisit de le nommer. Dans le cas de Mbaye Leye, la version remplie présente un bilan de treize points sur dix-huit au sortir de huit matches sans victoire. Les pessimistes rappelleront par contre que face aux équipes affrontées jusqu’à présent par le coach sénégalais (Waasland, Cercle, Malines, Charleroi, Ostende et Bruges), Philippe Montanier n’a pas connu la défaite, et a même accumulé quatorze unités. Ceux qui défendent Leye diront, à raison, que Bruges n’était pas encore le rouleau-compresseur qui écrase le championnat depuis deux mois, et que le calendrier surchargé ne lui a pas encore laissé le temps de travailler. Les partisans de Montanier – bien plus rares, pour ne pas dire inexistants au bout du mandat du Normand – rétorqueront que son Standard frôlait également l’indigestion de matches à cause de la cadence européenne, et qu’il a longtemps dû se passer de Selim Amallah, dont l’absence au coup d’envoi est le dénominateur commun des points perdus par les Rouches version Leye.

Les mots de Mbaye Leye restent toujours positifs, pour entretenir un good mood qui semble avoir regagné les coeurs rouches.

Les alibis se ressemblent presque autant que le bilan. Et pourtant, impossible d’affirmer que le Standard n’a pas changé. On le remarque dès les prises de balle d’ Arnaud Bodart, qui semble désormais interdit d’envoyer le ballon directement au-delà du rond central. Lors du déplacement de milieu de semaine à la Côte, face aux hommes d’ Alexander Blessin, le dernier rempart des Liégeois n’a pas joué un seul long ballon, contraste saisissant avec le match aller lors duquel il avait tenté dix passes longues.

« Sous pression, il ne faut pas jouer long. Je veux qu’on essaie de ressortir en cherchant la deuxième zone », explique déjà Mbaye Leye dans la foulée de son premier succès de coach face à Waasland-Beveren. Le Standard tente d’aspirer son adversaire pour ensuite casser ses lignes, dans une chorégraphie qui l’amène généralement vers ses couloirs. À gauche, c’est souvent Maxime Lestienne qui offre de la largeur et de la profondeur alors que sur l’autre flanc, le jeune Hugo Siquet multiplie les kilomètres en quête d’une position de centre, affichant en la matière des qualités déjà impressionnantes. Le produit de l’Académie se montre bien plus adroit que Collins Fai ou Laurent Jans depuis son couloir, avec plus de 50% de centres réussis depuis ses débuts au sein de l’élite.

Un mois de règne pour Mbaye Leye au Standard: le bilan
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LE JEU DE MBAYE

S’il semble accorder plus d’importance au ballon que celui de son prédécesseur, le Standard de Leye affiche pourtant une possession inférieure, passant de 55 à 49% de moyenne face aux mêmes adversaires. Peut-être parce que les Rouches version 2021 ont plus rapidement mené au score dans la plupart des rencontres, et que leurs adversaires leur ont moins volontiers abandonné la possession, car le nombre de passes (436 sous Montanier, 435 sous Leye) par rencontre reste équivalent.

La grande différence, c’est sans doute que le contrôle du ballon semble passer par des chemins précis. Un choix tactiquement plus appréciable, mais qui expose peut-être démesurément les limites de certains joueurs. Face à la pression parfois étouffante des Brugeois, Noë Dussenne et Merveille Bokadi ont cherché en vain la justesse technique au bout de leurs pieds, finissant tous deux sous les 70% de passes réussies quand ils tentaient de jouer vers l’avant pour briser les lignes du pressing blauw en zwart. Les pions rouches étaient pourtant souvent bien positionnés, mais les pieds n’ont pas toujours semblé en mesure d’exécuter les plans présents dans les esprits. C’est sans doute ce que l’ancien attaquant pointait du doigt lors de la conférence de presse d’après-match, dans les couloirs du stade Jan Breydel, en déclarant que le niveau technique de ses hommes n’avait pas été à la hauteur du défi colossal que représente le champion en titre.

Presque à l’opposé de son prédécesseur, Mbaye Leye veut soigner minutieusement le travail de son équipe avec le ballon. Sous les ordres de Philippe Montanier, c’est surtout la mise en place défensive qui était au coeur des séances d’entraînement, alors que l’essentiel du boulot offensif consistait en des phases de transition qui ne sont jamais vraiment apparues sur le terrain, à la grande surprise des décideurs liégeois qui s’étaient basés, à l’heure du recrutement du Normand, sur des analyses montrant que les reconversions offensives abouties étaient l’une des constantes de la carrière du coach français.

LE PLAN C

S’il est sans doute trop tôt pour tirer des conclusions, parce que le coach sénégalais n’est en place que depuis un mois, avec un agenda où les matches étaient trop présents pour que les entraînements puissent produire un effet rapide, le nouveau Standard affiche ses tendances. Et au fil des jours, il semble se défaire d’un Mehdi Carcela auquel Leye avait voulu donner un rôle en vue dès ses premières interventions comme nouveau patron du banc de Sclessin. Quelques jours avant les débuts rouches en 2021, c’est l’international marocain qui était envoyé face aux journalistes, avec les compliments de son entraîneur en prime. Titulaire et capitaine contre Waasland-Beveren, puis face au Cercle, il était laissé sur le banc contre Malines au profit d’un Michel-Ange Balikwisha doublement décisif, et donc resté dans le onze de base pour le choc wallon contre les Zèbres.

Michel-Ange Balikwisha monte en puissance.
Michel-Ange Balikwisha monte en puissance.© BELGA (JOHN THYS)

En interne, les attitudes du numéro 10 du Standard seraient déjà source de tension, à cause d’un professionnalisme parfois remis en question et de prestations qui ne suffisent plus à faire pencher la balance globale en sa faveur. En 2020, Mehdi Carcela n’a été décisif que cinq fois, et n’a plus fait trembler les filets depuis plus d’un an puisque son dernier but remonte au 31 janvier 2020 lors d’une défaite au stade des Éperons d’or. Le crédit offert par Mbaye Leye touchera-t-il rapidement ses limites? Le long de la ligne de touche de la pelouse brugeoise, en seconde période, l’échauffement en baskets de Carcela ne fera sans doute pas que des heureux dans le staff rouche.

DES MAUX AUX MOTS

La courbe descendante de l’idole de Sclessin croise celle, de plus en plus prometteuse, d’un Balikwisha décisif à quatre reprises sur les six sorties de janvier. Plus concentré sur ses tâches offensives que sous les ordres de Montanier, qui mettait avant tout en lumière ses grandes qualités au pressing, le cadet de la fratrie – de retour de blessure, son frère William est monté au jeu à Bruges – s’est encore procuré une belle opportunité contre les Blauw en Zwart, prouvant une fois de plus qu’il possède un flair impressionnant pour se trouver au bon endroit dans la zone de vérité. Après le partage à Ostende, Mbaye Leye a d’ailleurs distribué les bons points au jeune duo formé par Siquet et Balikwisha, qui a terminé le match dans le couloir droit en faisant souffrir Ari Skulason pour finalement arracher l’égalisation via Bokadi (auteur de trois buts en janvier, comme Amallah et Balikwisha): « On a réagi avec des gamins qui n’ont pas encore trente matches dans les jambes en Pro League. »

Des mots qui semblaient, comme toujours, choisis avec soin. Même dans la foulée de la défaite face à cet intouchable Bruges, les mots de Mbaye Leye restent positifs, pour entretenir un good mood qui semble avoir regagné les coeurs rouches. Parce qu’au bout de ce premier mois de changement de règne, on constate que la principale métamorphose est surtout mentale. Elle raconte l’histoire d’un Standard qui a cessé de se comporter comme un candidat au maintien quand il monte sur le terrain, et n’accepte plus de laisser une domination sans partage à son adversaire sans la balle, pour ensuite être à la fois cohérent et vertical quand il le récupère.

D’un club qui, finalement, semble enfin avoir retrouvé la route qu’il préfère, et peut désormais appuyer sur l’accélérateur pour espérer être l’un des quatre premiers à franchir la ligne d’arrivée.

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