Le temps des vacances

Après son opération au tendon d’Achille, le buteur d’Anderlecht se repose tout en débordant d’optimisme et d’ambition.

« Pourquoi pas ? J’en ai les aptitudes et c’est le rêve de tout footballeur « , rétorque Nicolas Frutos quand on lui demande s’il se voit porter le maillot de l’équipe nationale un jour. Le journaliste de la chaîne argentine TyC Sports a donné le ton :  » Nous avons plusieurs avants d’un mètre et demi comme LionelMessi et SergioAguero. Il nous en faut un capable de batailler dans les duels aériens. Quelle est votre taille exacte ? »

Frutos n’a pas besoin de réfléchir :  » 1,94m. « 

Le reporter répète :  » 1,94m ! Et que penseriez-vous si vous étiez convoqué en équipe nationale ? »

 » Fantastique. Je dirais oui immédiatement. Je ne me dérobe jamais aux défis. « 

Virus fatal

Mardi 17 mars. Cet après-midi, Frutos est installé, décontracté, dans le studio TV. L’orthopédiste Sanguinetti, qui l’a opéré fin février, vient de lui enlever son plâtre et l’a remplacé par une attelle avec laquelle il pourra retourner à Santa Fé le lendemain. La blessure de Frutos a déjà fait couler beaucoup d’encre. Ses articulations ne pourraient pas supporter le poids de son corps, il aurait été mal soigné, il vouerait une confiance trop aveugle à un obscur masseur/soigneur, mieux vaudrait qu’il raccroche…

On dirait que le joueur met tout en £uvre pour continuer à souffrir. En décembre, en vacances dans son pays, il a attrapé une gastro-entérite virale, a perdu cinq kilos et s’est présenté en retard au stage hivernal. Arrivé en Europe, il a à nouveau souffert de la cheville et quelques semaines plus tard, il retournait en Argentine, pour être opéré.

 » C’est une longue histoire mais elle n’est pas très compliquée « , explique Frutos.  » Il y a trois ans, j’ai eu un problème au talon mais j’ai continué à jouer six mois. Ensuite, j’ai eu une élongation dans cette zone mais j’ai encore joué cinq mois. J’ai forcé mon corps et une calcification s’est formée à côté du tendon d’Achille. J’ai été opéré en Belgique mais l’intervention n’a pas apporté les résultats souhaités. Au contraire, pendant deux ans, j’ai joué avec une douleur terrible et mon tendon a été trop sollicité. Le virus dont j’ai été victime à la Noël a accéléré le processus. « 

La suite est connue :  » A l’hôpital, on m’a administré un antibiotique qui est justement déconseillé car il abîme les tendons. Il a réveillé l’inflammation. J’ai décidé de ne plus attendre avant de repasser sur le billard. On a ôté chirurgicalement cette calcification. L’opération a été couronnée de succès. Je suis encore sur la touche pour deux mois mais j’espère rejouer normalement ensuite. C’est une sensation dont j’ai difficile à me souvenir. « 

Camping

Frutos n’a pas l’air pressé de retrouver les terrains de football belges. L’été touche à sa fin chez lui et il toujours aimé passer ses vacances dans la chaleur de Santa Fé, paisible capitale de province à 500 kilomètres au nord de Buenos Aires, au bord de la rivière Paraná. Le large cours d’eau compte des plages de sable, où abondent les terrasses et les restaurants. L’Anderlechtois aime y boire un verre. Il effectue des sorties de quelques jours sur la rivière, en bateau à moteur, avec ses copains, pour pêcher, sa deuxième passion après le foot.

 » Nous campons sur une des nombreuses îles au milieu de la rivière « , explique un de ses amis.  » Chaque fois que Nico revient en Argentine, il programme une sortie de ce genre. Il nous manque beaucoup car il est la figure centrale de notre cercle d’amis et il met de l’animation.  » Les meilleurs amis de Frutos sont étrangers au football : l’un vend des disques durs, l’autre est philosophe…

Nicolas est issu de la classe moyenne. Ses parents occupent une banale maison à deux façades, un peu plus luxueuse que les autres et mieux protégée. Sinon, nul ne supposerait qu’un des footballeurs les mieux payés de Belgique vit ici. Son père, Oscar Frutos, un ingénieur industriel, possède sa propre entreprise d’installation d’air conditionné, ce qui n’est pas un luxe à Santa Fé, accablée presque toute l’année par une chaleur moite. Une température de 40° n’y est pas exceptionnelle.

Oscar mesure 1,90m, sa femme 1,75m. La s£ur cadette du joueur, une étudiante de 25 ans, mesure 1,80m. Derrière la maison, un jardin et une piscine. Tout petit, Nicolas y jouait au ballon et cassait les vitres avant que son père n’installe un grillage protecteur.  » Il jouait aussi en rue avec ses camarades et ils shootaient contre la porte du garage, ce qui faisait un de ces boucans « , commente Oscar.  » Il était impossible de prendre le ballon à Nicolas. Il dormait avec. Il lui servait d’oreiller. « 

Il assiste parfois actuellement à des matches de l’Unión de Santa Fé, le club où il s’est affilié gamin. Il a ensuite été transféré à San Lorenzo, un des plus grands clubs de Buenos Aires. C’est durant cette période qu’un journaliste radio lui a trouvé un surnom, la Garza, le héron. Il a transité par une demi-douzaine de clubs, dont Las Palmas, en Espagne, avec des succès mitigés. Malgré un titre de champion et quelques matches en Ligue des Champions, son séjour à Anderlecht ne peut pas vraiment être considéré comme un conte de fées.

 » J’ai 27 ans et je joue en Europe depuis trois ans et demi. Durant ce laps de temps, j’ai pu fonctionner dans un état normal pendant six mois. J’ai beaucoup réfléchi pendant mes blessures. Elles m’ont mentalement endurci. Je ne veux plus recommencer prématurément à jouer : je veux être en parfait état et pouvoir m’entraîner sans ressentir de douleur. Alors, il me faudra quatre ou cinq mois pour retrouver mon meilleur niveau. « 

Un joker longiligne

Sa blessure a amoindri ses chances d’être sélectionné en équipe nationale…  » C’est ma plus grande déception « , commente Frutos.  » Je n’ai pas eu l’occasion de me battre pour une place en équipe argentine. J’ai dû me faire opérer en février et quand je serai revenu, aux environs du mois d’août selon mes estimations, l’Argentine n’aura plus beaucoup de matches à jouer. « 

Mais Frutos n’a pas encore abandonné l’espoir d’enfiler le maillot de l’Argentine. Il estime que si des joueurs comme Lisandro López (Porto) et Jonas Guttiérez (Newcastle) ont été alignés l’année dernière, il devrait recevoir sa chance aussi :  » On a déjà essayé tellement d’attaquants que je peux aussi être appelé, à condition de retrouver la forme que je tenais il y a un an et demi, évidemment.  »

Diego Maradona, le sélectionneur, ne tient pas compte des noms, comme Juan RomanRiquelme en a fait l’expérience il y a peu. Maradona aime effectuer des expériences et il sillonne l’Europe pour y voir à l’£uvre les Argentins. Frutos espère, en son for intérieur, pouvoir participer au prochain Mondial comme joker longiligne.

Que ressentirait-il en étant entraîné par Maradona ?  » Ce serait fantastique avec n’importe quel entraîneur national mais avec Maradona, ce serait le rêve. « 

par tom dieusaert à buenos aires et alberto sánchez à santa fé

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