Le stoïque

 » Après 23 ans dans le peloton, on ne panique plus « .

La patience du manager sportif de la nouvelle formation Lotto a été mise à l’épreuve. La Loterie Nationale n’a clarifié sa position qu’en mai : elle a promis 2,5 millions pour les deux prochaines années à condition qu’un autre sponsor investisse au moins 3,5 millions. Fin juin, Marc Sergeant a enfin obtenu la réponse positive définitive…

Privé du Tour de France à cause d’une hernie, Sergeant a été très secoué par le cas Christophe Brandt :  » Il a été contrôlé positif à la méthadone, sans qu’on connaisse la quantité. On ne communique celle-ci que pour la cortisone et la caféine car celles-ci sont tolérées, dans certaines limites. Mais j’ai toujours cru en son innocence « .

Pourquoi ne pas lui avoir accordé plus de temps pour prouver son innocence ? Il voulait effectuer des tests complémentaires, vous ne lui avez donné qu’un jour.

Le règlement du travail nous contraint à observer un délai court pour limoger quelqu’un. J’ai écouté les avocats de Lotto. Nous avons expliqué à Christophe que nous le croyions mais que nous n’avions pas le choix. Le cyclisme revient de loin, il est le sport le plus contrôlé. Regardez les Jeux : beaucoup d’autres sportifs sont pris. La limite entre le permis et le reste est étroite. Il faut demander l’avis du médecin de l’équipe avant de prendre le moindre complément nutritif.

Christophe Brandt faisait préparer ses compléments par un pharmacien. Pourquoi ne pas contraindre les coureurs à utiliser les produits fournis par l’équipe ?

On peut insérer pareille clause dans les contrats mais où va-t-on ? Malade, Peter Van Petegem est chez lui. Si nos docteurs sont à l’étranger, il se rend chez son médecin traitant, qui lui prescrit quelque chose. Nous n’avons pas prise sur tout. Dans le cas de Brandt, l’emballage mentionnait seulement : acides aminés. Si on le montre au médecin, il dit OK. Je suis heureux que Christophe soit blanchi. Nous l’avons réengagé.

Pendant ces mois d’incertitude quant à l’avenir, n’avez-vous pas songé à choisir l’argent et à rejoindre une autre équipe ?

Je suis dans le peloton depuis 23 ans. Je ne panique pas. J’ai déjà signé des contrats en mai comme en octobre. C’était frustrant pour l’équipe, qui roulait bien. J’ai dit aux coureurs qu’ils ne devaient pas attendre car je n’avais rien en main.

Peter Van Petegem a attendu, même s’il est parfois las de porter le poids de l’équipe.

Peter se sent bien chez nous, il a 34 ans et n’a pas envie de se lancer à l’aventure. Il sait qu’il peut rouler ses courses, sans être obligé de courir le Tour. Peter veut aussi participer à certaines épreuves pour préparer les classiques. Il y joue les élastiques. Je dis aux jeunes de rester loin de lui en course car qu’arrive-t-il ? Ils s’arrêtent pour satisfaire leurs besoins et voient Peter, en arrière, qui pense au Tour des Flandres. Alors, ils pédalent tranquillement à côté de lui et nous ne sommes plus nulle part, ce qui énerve Peter. Il tente quelque chose et termine cinquième ou sixième, mais il veut que d’autres assument ce rôle. Prenons le cas de Tirreno-Adriatico qui se court simultanément à Paris-Nice : notre groupe est divisé. Axel Merckx et Robbie McEwen sont en France et l’équipe qui roule en Italie est moins compatible avec cette épreuve. L’année prochaine, nous pourrons envoyer Tom Steels.

Comment fonctionnera le duo McEwen-Steels ?

L’arrivée de Steels n’a que des avantages pour Robbie. Regardez Zanini et Boonen : le premier a gagné des sprints massifs mais lance bien Boonen, maintenant. Si Steels lance son sprint de 200 à 400 mètres de l’arrivée, il n’y aura plus grand monde dans la roue de Robbie.

Steels va donc lancer le sprint au profit de McEwen ?

Ou l’inverse, pour désarçonner la concurrence. Ils rouleront aussi séparément car le calendrier du Pro Tour est chargé. En plus, la Belgique n’a que quelques épreuves de ce Pro Tour mais j’imagine que nous allons rouler le Volk, Harelbeke et La Panne quand même.

Le niveau de l’équipe

L’équipe est-elle assez forte pour le Pro Tour ?

Nous avons un spécialiste des classiques, un finisseur et j’espère trouver un accord avec Cadel Evans, un coureur de classement, qui reste sur deux saisons de poisse chez T-Mobile. Quelques jeunes viennent de Bodysol-Brustor. Nous avons aussi Léon Van Bon, un gars positif, Serge Baguet, deuxième à Plouay, et Wim Vansevenant, qui a fait ses preuves cette année par le travail abattu. N’oubliez pas Axel Merckx, super pro. On en a toujours quelque chose. Il gagne difficilement parce qu’il n’a assez d’explosivité mais il démarre sans arrêt pour les avoir à l’usure.

Lance Armstrong a demandé à Axel Merckx de se joindre à lui mais il préfère rester chez vous.

Nos liens sont étroits depuis Mapei. Axel devait supporter le poids de son nom, ça n’allait pas. Patrick Lefevere m’a demandé de lui parler. Il avait des objectifs élevés : le Tour, Liège-Bastogne-Liège, etc. Je lui ai suggéré de viser moins haut. Il a couru le Giro et gagné une étape. Il a été champion de Belgique, cette saison-là, et s’est bien senti dans son programme. Depuis, il me demande toujours conseil. Nos carrières sont assez similaires aussi : nous avons été champions de Belgique, il a gagné une étape du Tour d’Italie, moi une du Tour. J’ai gagné la Route du Soleil, il a terminé deuxième. Axel a quand même réfléchi à l’offre de Discovery car il estimait devoir gagner plus. C’était mon avis aussi et sa médaille de bronze a convaincu tout le monde…

Vous avez laissé partir Leif Hoste, Rik Verbrugghe, Thierry Marichal…

J’aurais voulu conserver Thierry Marichal mais l’offre de Cofidis était juteuse. Idem pour Leif Hoste chez Discovery, malgré nos liens, puisque c’est moi qui l’ai amené de Domo chez Lotto, alors qu’il ne pouvait suivre Lefevere chez QuickStep et n’avait pas d’autre offre. Mais je le comprends. Quant à Rik, ses résultats n’étaient pas conformes à son salaire ni à ses promesses. Une année, passe mais deux…

Verbrugghe estime n’avoir pas reçu assez de soutien.

Regarder son compte en banque était en soi un fameux soutien. Devais-je lui tenir la main ou le tirer hors de chez lui pour qu’il s’entraîne ? Il a pu courir tout ce qu’il voulait. Il est bon mais mieux vaut qu’il cherche une autre équipe.

Lotto-Domo avait offert deux ans de contrat à tous les coureurs. Il y a un an, vous avez dit que vous ne le feriez plus. Vous persistez ?

Cela dépend des coureurs. Nous donnons des contrats d’un ou de deux ans pour remplacer ceux qui ne satisfont pas. Il y a aussi un système de primes. Les prestations exceptionnelles seront récompensées. Un exemple : l’an passé, Wim Vansevenant a rattrapé un groupe qui s’était échappé au Tour des Flandres, permettant à Van Petegem de gagner. Cela lui vaudrait un bonus, maintenant. Nous voulons récompenser certaines prestations de manière conséquente, même si elles ne sont pas visibles pour les caméras. Si nous avons épuisé nos sous, nous aurons bien roulé.

Loes Geuens

 » LE RENVOI DE BRANDT était injuste  »

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