« Le Standard me botte »

A trente-trois ans, Eric Van Meir débarque à Slessin avec une fameuse motivation.

A Saint-Marin, les Diables sont restés en phase avec leurs ambitions, c’est-à-dire prendre part pour la sixième fois d’affilée à une phase finale de la Coupe du Monde. Ils auraient préféré taquiner un ballon de plage mais il y avait un boulot à terminer.

Ils se sont acquittés de cette tâche sans brio (1-4 après une première mi-temps qui avait le goût d’une pizza mal cuite ou sans sauce tomate), mais on retiendra tout de même leurs statistiques à Saint-Marin ou un peu plus tôt, en recevant la Lettonie à Bruxelles: sept buts marqués, deux boulets dans les filets de Geert De Vlieger. Ce n’est pas encore le jour de gloire, certes, mais le sérieux est à mettre à l’actif d’une équipe qui n’a plus été vaincue depuis un an, le sinistre résultat du choc contre la Turquie à l’EURO restant encore dans toutes les mémoires.

Même si la manière n’y est pas toujours, il y a du sérieux, de l’application, de la volonté, du courage. Des qualités typiquement belges et il suffit de songer à Marc Wilmots qui, au retour de la Botte, confia une de ses chevilles aux médecins. Dans ce concert, Eric Van Meir fait lui aussi preuve d’un grand professionnalisme. On lui demande parfois de ressembler à Laurent Blanc, à Sinisa Mihaljovic ou Marcel Desailly, mais il reste réaliste, se connaît bien, n’ignore pas qu’il n’a pas les qualités d’un sprinter américain mais mise sur son métier, son jeu de tête, sa frappe des deux pieds, son sens du but, etc. Entre deux matches de l’équipe nationale, il a quitté le Lierse afin d’unir son destin à celui du Standard.

Quel regard jetez-vous sur le match des Diables Rouges à Saint-Marin?

Eric Van Meir: Au repos, le bilan n’était pas brillant. Il était évident que cette équipe, secouée par le 10-1 de Bruxelles, allait prendre des précautions défensives et pimenter le débat sur le plan de l’engagement. A 0-1, nous avons eu un gros moment d’égarement en défense. On ne peut pas permettre à un attaquant adverse de passer notre dernière ligne en revue. En égalisant, Saint-Marin a puisé les forces morales nécessaires pour résister, miser sur Andy Selva, sa vedette, qui est petit mais vif et doué. Par rapport à cela, nous avons tardé à poser notre jeu. Les balles longues étaient hésitantes et il y a avait trop de déchets dans la circulation au ras du sol. Tout s’est finalement décanté quand nous avons avancé un peu plus attentivement nos atouts sur les ailes. Il fallait aérer tout le débat pour fatiguer Saint-Marin, qui avait construit deux murs de quatre joueurs avec un libero en prime. Quand on a déscellé deux briques, le reste a suivi mais, globabement, ce ne fut pas très bon, même si le principal était de gagner. La page est tournée, nous aborderons la suite, contre l’Ecosse et la Croatie, plus confortablement que si la Belgique avait relâché la pression.

Mentalement, c’était la fin de la saison mais l’envie de bien faire était là, elle nous a rendu de bons services. Il faudra toutefois jouer autrement contre les Ecossais et les Croates, et ça, tout le monde le sait…

Craig Brown, l’entraîneur écossais, n’a-t-il pas déclaré récemment que la Belgique était, selon lui, moins redoutable que la Croatie?

J’ai lu cela et il faut bien dire que Craig Brown est assez fanfaron dans ses propos. Cela aura pour effet de bien nous motiver avant de recevoir l’Ecosse. Il n’a pas été prudent mais ce n’est pas mon problème. Nous avançons sans nous soucier de ce qui se passe chez les autres.

En ce qui vous concerne, vous venez de terminer une saison très importante: libero de l’équipe nationale où vous avez pris la succession de Lorenzo Staelens, transfert du Lierse au Standard, etc. Est-ce la consécration sur le tard, à trente-trois ans et ne regrettez-vous pas un peu d’avoir pris congé des supporters du Lisp via une lettre ouverte sur le site internet du club reprise par la Gazet van Antwerpen?

Non, je n’ai pas eu l’occasion de le faire au Lisp car nous avons terminé le championnat à Malines. Je sais que pas mal de supporters ont lu mes propos. Nos relations ont toujours été très bonnes et je n’oublierai jamais ce que j’ai vécu avec eux. Un titre et une Coupe de Belgique, ça compte, mais le ton a changé au sein de ce club dès le mois d’octobre. Le président a commis des maladresses en se montrant trop sévère dans la presse à l’égard des joueurs. Il a le droit de penser ce qu’il veut mais cela ne servait à rien de jeter de l’huile sur le feu alors que la saison venait à peine de commencer. A la fin du compte, ce dirigeant a tout fait exploser après une défaite face à Mouscron et cela explique, en partie, notre élimination en Coupe de Belgique des oeuvres de Geel. Le président n’était pas sur le terrain mais un match se perd aussi par l’entourage de l’équipe. C’était la fin et je crois que le Lierse a d’abord été victime de son désir de trop en faire financièrement.

Ils étaient trop gourmands et ont vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Le Lierse a toujours été très prudent mais, cette fois, mon ancien club s’est engagé dans pas mal de dépenses en misant sur la vente de Hans Somers au Standard. Or, ce transfert ne s’est pas fait. La tension fut grande car le désir était grand de vendre des joueurs pour mettre du beurre dans les épinards. Tout le monde peut le comprendre mais le groupe n’était pas responsable de ces erreurs de gestion.

Le Lierse n’est plus animé par les ambitions sportives d’avant. Ce club n’a plus la volonté de lutter pour se glisser parmi les cinq premiers, une place à mi-tableau lui semble suffisante. Je ne pars pas par la petite porte mais je n’aime pas la manière dont le Lierse s’est séparé de moi. Sans être trop exigeant ou prétentieux, je méritais plus de respect. C’est aussi une des conséquences du climat qui, dans tous les clubs, n’est plus tout à fait le même entre les joueurs et les dirigeants. Des joueurs ont menacé de recourir à la fameuse loi de 1978 pour forcer un départ. Maintenant, c’est le contraire et les clubs vendent les joueurs avant la fin de leur contrat: c’est une façon de faire rentrer de l’argent dans les caisses. Celui qui refuse ou ne prolonge pas son contrat est expédié dans le noyau B.

Pourquoi avez-vous repoussé l’offre de Trabzonspor?

J’ai l’ambition de prendre part à la Coupe du Monde en Asie. Je me serais mis hors-jeu en allant jouer en Turquie: loin des yeux, loin du coeur. Or, Robert Waseige me fait confiance et je n’ai pas envie de rater cette chance de compléter mon palmarès. Je ne voulais pas m’énerver en Turquie, ne pas toucher le salaire promis à heure et à temps. Trabzon, ce n’est pas Istanbul, c’est loin, près de la Russie, et même si l’argent est très important, surtout à trente-trois ans, je voulais d’abord rester en vue. Je ne pense pas que c’était possible à Trabzon.

Je ne me suis jamais entretenu avec Regi Van Acker, le prochain coach du Lisp: je ne savais pas si j’avais une place dans ses plans. Quand j’ai dit que je restais au Lierse, où j’avais encore un contrat d’un an, j’ai lu de la déception dans le regard des dirigeants: j’avais compris, on ne voulait plus du tout me garder. Un transfert devait rapporter cinq millions, ce n’était pas énorme mais il y avait aussi l’économie d’un contrat, je suppose. Heureusement que le Standard est alors venu frapper à ma porte. Tout a été très vite et le Standard avait envie de m’engager. Le discours était très différent. Michel Preud’homme a tout de suite affirmé clairement qu’il me voulait. J’ai signé pour deux ans. Je suis heureux. J’ai gagné deux fameux trophées au Lisp mais je n’avais jamais eu l’occasion de jouer dans un grand club: le Standard m’offre cette possibilité. Je ne renie rien mais ce club, son passé, son stade, son prestige, son public, la pression, c’est quand même une autre dimension.

Est-ce que le duo Van Meir-Valgaeren n’est pas plus complémentaire que l’axe que vous formerez au Standard avec Daniel Van Buyten, qui est quand même moins rapide que le stoppeur du Celtic de Glasgow?

On verra, j’ai confiance. Je sais camoufler pas mal de choses et jouer avec mes points forts. Deux défenseurs centraux rapides ne constituent pas forcément la garantie d’avoir une bonne défense. La chimie de groupe n’est pas aussi simple que cela. Il faut trouver le bon « mix » et je pense qu’il y a moyen d’arriver à quelque chose de bien, mais c’est la vérité du terrain qui tranchera. Le trafic aérien est vif et beaucoup se joue sur balles arrêtées. Là, je crois qu’on a des atouts devant notre gardien mais aussi de l’autre côté sur corners, coups francs, rentrées en touche, etc. Je ne dis pas que ce sera tout de suite magnifique entre Daniel Van Buyten et moi, mais il y a de la musique dans cette idée. Je suis très ambitieux. Et c’est parce que je voulais plus que j’avais quitté Charleroi. J’y ai vécu de grands moments, je m’y suis révélé en D1, mais, en 1996, plus personne ne savait ce que demain nous réserverait. Luka Peruzovic ne savait pas ce que les Zèbres préparaient. Le Lierse a acheté Stanley Menzo et Filip Haagdoren: cela me semblait très volontariste et je suis parti au Lierse où je suis tombé sur Eric Gerets. Cette fois, je n’ai pas décidé de partir mais on m’a poussé à trouver autre chose. J’ai fait une bonne affaire car je me retrouve dans l’équipe la plus ambitieuse de ma carrière. Je suis extrêmement motivé. On reprend par un stage dans quinze jours. J’ai déjà envie d’y être. Tous les ingrédients sont là pour réaliser un bon plat. Je serai à la hauteur des attentes qu’on a placées en moi. Je me relance. J’aurais pu dérouler en paix au Lierse. J’avais envie d’autre chose, d’un défi, et c’est ce qu’on me propose au Standard. Je vais m’installer à Grobbendonck, à nonante kilomètres de Liège. Le 16 juin, je pars quelques jours à Cannes avec ma copine. Cette semaine sur les bords de la Méditerranée me fera du bien. Je décompte déjà les jours avant la reprise des entraînements. Je me suis affirmé en D1 à 24 ans: c’est tard et c’est pour cela que j’ai encore tellement envie de vivre des tas de grands moments.

Pierre Bilic, envoyé spécial à Saint-Marin

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