Le Standard ET EUX

Le nouveau staff a posé ses premières bases. Avec des succès mais aussi un échec à Bruges. Le point avant Salzbourg.

Le hourra football a encore de beaux jours devant lui, pensait-on à la lecture des résultats et de la physionomie des deux premiers matches de la nouvelle ère Dominique D’Onofrio. Oui mais voilà, cela ne suffit pas. Car, à force de tirer sur la corde, elle a fini par casser. Paradoxalement, cela s’est passé contre Bruges, dans le match le plus abouti depuis l’arrivée de DD et de Jean-François de Sart.

Contre Westerlo et Salzbourg, le Standard a retrouvé des couleurs. Mais a également connu de gros passages à vide, des lacunes techniques, des erreurs individuelles et de placement. Si ce Standard-là est à chaque fois passé près de la correctionnelle, on a revu également des individualités qui nous avaient charmés lors des deux dernières saisons. Et surtout, on avait retrouvé ce que d’aucuns se plaisent à nommer  » l’esprit Standard « . En battant Westerlo à l’arraché et en remontant un handicap de deux buts pour finalement l’emporter en Coupe d’Europe, le Standard avait retrouvé une mentalité de vainqueur.

 » La mentalité et la solidarité nous ont permis de revenir au score « , disait Dominique D’Onofrio après le match de Salzbourg.  » Il y a eu une réaction d’orgueil, une prise de confiance. Pour gagner, il faut de l’abnégation et de la détermination. « 

C’est sans doute la principale leçon de la première semaine du nouveau staff. Il fallait redonner un mental de vainqueur à cette équipe double championne. Cela fut fait. Mais cela ne sera peut-être pas assez pour atteindre les playoffs 1. Aujourd’hui, le Standard n’a plus son sort entre ses mains et dépend des résultats de ses adversaires, même si les champions en titre réalisent un six sur six.

La griffe D’Onofrio

Pour comprendre la griffe de l’entraîneur du Standard, il faut remonter quatre ans en arrière. A l’époque, le Standard avait un noyau expérimenté, composé de joueurs assez physiques. La grinta était le mot d’ordre ; le combat le moteur. Le Standard version Dominique D’Onofrio avait d’ailleurs terminé une saison avec le plus grand nombre de fautes et de cartons à son actif.

Deux matches références permettent de synthétiser l’envie de gagner de ce Standard-là. Sans doute pas les plus aboutis, ni les plus importants mais les plus significatifs.

14 août 2005 : La scène se passe à Zulte Waregem. Les promus de l’époque étonnent. Le Standard est malmené et mené au score depuis la 5e minute. Pourtant, à la 90e, Mémé Tchitéremet les deux équipes à égalité. Suffisant pour beaucoup, ce nul ne l’est pas pour ces Rouches-là. 93e minute : un boulet de Michel Garbini permet aux Liégeois de quitter le stade Arc-en-ciel avec trois points.

Un an plutôt, presque jour pour jour. 20 septembre 2004 : Le Standard a gagné le match aller de Coupe UEFA 2-1. Menés 1-0 sur la pelouse de Bochum, les hommes de DD arrachent la qualification à la dernière minute grâce à Winston Curbelo. La marque de fabrique : enthousiasme et jusqu’au-boutisme. Parfois, on usait de certaines ficelles pour arriver à son objectif. De longs ballons envoyés sur les grands formats. Et en fin de rencontre, la tour de contrôle défensive appelée à la rescousse pour faire la différence. A l’époque, elle s’appelait Oguchi Onyewu.

Aujourd’hui, le scénario n’a pas changé. Quand il faut aller au charbon, Dominique D’Onofrio est le premier à montrer la voie. Enthousiasme et jusqu’au-boutisme. Et s’il faut mettre du poids devant, on n’hésite pas. Contre Bruges, en fin de match, DD n’a pas ajouté un attaquant en plus mais a fait appel à Eliaquim Mangala, qui prit place dans… la division offensive.

Et les longs ballons n’ont pas disparu. Contre Salzbourg, la première heure était une caricature de ce kick and rush passé de mode. Surtout contre des Autrichiens bâtis comme des armoires à glace derrière. Pendant une heure, on voyait Sinan Bolat dégager, la défense autrichienne repousser et l’entrejeu du Standard perdre son duel sur le deuxième ballon. Et quand ce n’était pas Bolat, c’était la défense liégeoise qui prenait le relais en balançant de longs ballons. Peu d’imagination et surtout peu d’effet. Jusqu’à ce que ce jeu de sape ait fini par fatiguer la défense de Salzbourg, qui commença à perdre ses duels. Le ballon passait et c’est de la sorte que le Standard est revenu dans la partie.

Cela avait marché mais le Standard 2009-2010 est-il fait pour évoluer de la sorte ? Ce système niait les qualités techniques de l’entrejeu, d’ailleurs complètement submergé contre Salzbourg : Steven Defour descendant trop bas et Milan Jovanovic jouant trop haut. Ajoutez à cela une défense beaucoup trop basse et vous obtenez une équipe trop peu compacte.

Griffe D’Onofrio donc ? Oui, mais épicée à la sauce de Sart.  » Je ne suis pas là pour dire oui, oui, oui à Dominique « , explique le nouveau T2.  » Je ne fonctionne pas comme cela. Il y a suffisamment de respect entre nous et on a tous les deux qu’une seule envie : faire des résultats.  » Contre Bruges, le fruit des réflexions des deux hommes a donné un entrejeu beaucoup plus resserré et des ballons qui transitaient davantage par la ligne médiane.  » On apporte des corrections match après match. Chaque rencontre a sa vérité « , analysait de Sart après Bruges.  » Contre le losange médian de Bruges, il fallait un jeu collectif. Il fallait que chacun remplisse sa tâche. En première mi-temps, ce fut pratiquement parfait. Tout y était. Nous n’avions pas été satisfaits de la possession de balle contre Salzbourg. A Bruges, on a revu du jeu court au milieu. « 

Un noyau largement utilisé

Dans la bouche de DD,  » c’est la victoire de tout un noyau  » sonne juste.  » Je suis un optimiste de nature et j’essaye de transmettre ce positivisme au groupe. En mettant chacun sur le même pied.  » Pour marquer une césure avec le style Laszlo Bölöni, il a fait une large revue d’effectif. Avec une surprise à chaque match. Une charnière défensive centrale Victor Ramos-Mangala contre Westerlo (et Dieumerci Mbokani et Jovanovic sur le banc), Réginal Goreux à l’arrière droit contre Salzbourg, et Rami Gershon à l’arrière gauche à Bruges. En trois rencontres, il a déjà utilisé 16 titulaires. Et il veut également montrer que les passe-droits relèvent de l’ancien régime. Wilfried Dalmat et Marcos pas bons contre Westerlo furent placés sur le banc par la suite ; idem pour Goreux qui passa à travers contre Salzbourg ou Benjamin Nicaise.  » Chaque joueur peut avoir sa chance « , explique D’Onofrio.  » On forme un groupe et les joueurs doivent se sentir concernés.  »

Pourtant, certaines titularisations peuvent ressembler à des cadeaux empoisonnés. Fallait-il lancer, dans un match aussi capital, Goreux qui n’avait plus fait partie du onze de base depuis fin décembre ? Gershon devait-il fêter sa première titularisation dans un combat comme celui du Club Bruges ?  » Quand je les choisis, je suis intimement convaincu qu’ils peuvent se débrouiller « , dit DD.

Le staff actuel a également montré qu’il comptait investir dans la jeunesse. Le Standard avait une défense de 20,5 ans de moyenne d’âge en Europa League.  » La paire centrale avait donné satisfaction contre Westerlo. Je ne voyais pas pourquoi il fallait changer. C’est l’avenir et c’est dans des moments pareils qu’ils peuvent grandir.  » Mais cette jeunesse rime également avec erreurs.  » Il faut plus de concentration et de rigueur. C’est vrai que la défense est très jeune et peut-être que certains n’ont pas canalisé leur émotion. Une bonne équipe part d’une bonne base défensive et on essaie d’encore trouver le bon équilibre. C’est le secteur qui m’interpelle le plus « , concédait cependant DD.

Autre césure : une plus grande liberté offerte aux joueurs. D’Onofrio qui savait qu’ils en avaient marre de passer leur temps en mise au vert à l’Académie Robert Louis-Dreyfus l’a supprimée.  » La logique voudrait qu’on vienne en mise au vert avant un gros match mais j’ai préféré responsabiliser les joueurs. De toute façon, je sais tout ce qui se passe à Liège…  »

Enfin, pour réduire le risque de blessures, DD a donné plus d’importance à Guy Namurois, le préparateur physique. Celui-ci donne de nouveau les échauffements d’avant-match. Ce qu’il ne faisait pas sous Bölöni.  » Il fallait bien que Joachim Preto serve à quelque chose « , disent les mauvaises langues.

Pourquoi de Sart a-t-il choisi le Standard ?

Enfin ! Jean-François de Sart reçoit une chance de démontrer son talent dans un club. Depuis plus de dix ans à la Fédération, il a peiné à profiter de son nouveau statut acquis aux Jeux Olympiques de Pékin.

 » Il y a un staff avec lequel j’entretiens de bonnes relations. Il n’y avait que Siranama Dembele que je ne connaissais pas. Il y a l’infrastructure et il y a des joueurs qui ont d’énormes qualités. Il n’y a donc pas eu de doutes de ma part quand on m’a proposé la fonction. Tout en sachant bien qu’il s’agit d’une solution à court terme, qui peut s’apparenter à du dépannage de quelques mois. Ce qui se passera le 1er juillet, aujourd’hui, je ne le sais pas et finalement cela ne m’intéresse pas. Je ne suis pas un pigeon voyageur et j’aime bien la stabilité. Dans mes choix comme joueur et entraîneur, j’ai été particulièrement stable. En revenant des JO où j’ai eu cette expérience au quotidien avec les joueurs et le bonheur que cela a pu procurer, j’étais très chaud et l’envie était grande à ce moment-là de reprendre un club mais je suis resté suffisamment lucide pour ne pas m’engager dans des projets foireux. Je ne devais pas me jeter sur la première occasion. C’est clair que je n’étais pas à la recherche absolue d’un club car j’avais d’autres activités. Dans ma tête, c’était un club du top ou rien du tout. Un club avec un projet sur lequel on peut travailler sur une longue durée, où on ait le temps de mettre en place une structure et une philosophie de travail.  »

Et pourquoi dans un rôle de T2 ?

Pourtant, il n’aura pas le dernier mot. Il arrive à Sclessin dans la peau d’adjoint. Comme s’il n’avait pas encore convaincu tout le monde. Normal qu’un des seuls entraîneurs belges à succès de ces dernières saisons se cantonne à un rôle de T2 ?  » Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question. Le football belge manque de projets ou de dirigeants qui ont envie de s’investir. L’exemple de Zulte Waregem est bon. L’entraîneur est là depuis un certain temps ; il a de la personnalité et ce club est en train de grandir année après année. C’est l’exemple par a+b qu’il faut travailler de la sorte si un club veut grandir. Le Standard est également un club qui a été bien géré ces dernières années. Il y a eu la création de ces infrastructures et le reste a suivi. Il n’y a pas de secret. On ne devient pas champion par hasard. Donc, je suis très heureux d’intégrer cette structure. Je sais que le staff va travailler ensemble. Ce qui m’intéresse, c’est d’intégrer une structure et d’y trouver ma place. Je peux très bien prendre beaucoup de plaisir dans une autre fonction que celle de T1. Je n’ai pas de plan de carrière car c’est trop aléatoire. Aujourd’hui, j’estimais qu’intégrer la structure du Standard constituait le meilleur choix. « 

Secrètement, le staff espère encore les playoffs 1 mais veut surtout remettre le club sur les rails.  » A partir du moment où il y a un changement d’entraîneur, c’est que les choses ne tournent pas rond. Je ne peux pas dire qu’on joue les pompiers de service mais presque. Il n’y a pas de bons moments pour reprendre une formation en manque de points. Si on travaille bien, il y aura une progression dans l’équipe. On parle de matches difficiles quand on évoque la fin de notre programme mais c’est ce qui fait la beauté du sport. On est tous là pour disputer des matches difficiles et relever des défis. Aujourd’hui, on doit gérer le quotidien et réagir très vite. L’objectif est de rendre le groupe compétitif que ce soit au niveau mental ou tactique. Les premiers jours, on a essayé de comprendre le ressenti des joueurs et mettre en place des choses pour que tout se passe bien. Il fallait leur rendre le plaisir de jouer. Aujourd’hui, et depuis le début du championnat, l’équipe n’est pas dominante. On ne peut donc pas revendiquer plus. Pour qu’elle le redevienne, il faut remettre une couche à tous les niveaux : physique, tactique, mental et technique. Mais il faut donner la priorité à certaines choses car on ne sait pas tout faire avec les matches qui se succèdent. « 

Dominique D’Onofrio va-t-il durer ?

Difficile à dire. Son retour au premier plan ne l’épanouit pas plus que cela. Il semble crispé. Notamment lors des conférences de presse d’après-match. Certaines questions l’agacent. Quand on lui demanda pourquoi il avait mis Marcos et Sarr sur le banc en Europa League, il répondit sèchement :  » Parce que c’est Goreux, Mangala, Victor Ramos et Sébastien Pocognoli qui ont joué.  » Bölöni n’aurait pas mieux répondu…

par stéphane vande velde

Quand il faut aller au charbon, DD est le premier à montrer la voie.

Je ne suis pas là pour dire oui, oui, oui à Dominique.

(de Sart)

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