Le Standard de Duchâtelet

Notre enquête apporte les réponses aux questions les plus souvent posées sur la reprise des Rouches.

Le Roi est mort. Vive le Roi. En une semaine, le Standard a vécu un véritable changement de régime avec la reprise du club par Roland Duchâtelet, désormais l’ancien président de Saint-Trond, pour la modique somme de 41 millions d’euros. Luciano D’Onofrio s’est retiré dans une discrétion que l’on a mieux compris 24 heures plus tard lorsque l’annonce de son inculpation pour blanchiment d’argent, faux et usage de faux est tombée.

En quatre jours, le Standard a donc tourné complètement une page. Celle du système D’Onofrio. Dominique D’Onofrio fut le premier à tourner le dos à son club de c£ur, comprenant très vite que sans son frère, son avenir ne passait plus par le Standard. En lui évitant une sortie déshonorante incarnée par un licenciement, Luciano lui a offert un dernier cadeau. La reprise pouvait débuter.

Comment Roland Duchâtelet est-il rentré en piste ?

Contrairement à ce qui a été annoncé, Duchâtelet n’a pas conclu le deal en 48 heures. Cela faisait quinze jours qu’il était rentré en piste. Consulté par des membres proches du dossier de reprise, le fondateur du parti Vivant a ensuite mené une réflexion personnelle qui l’a amené à envisager la reprise du Standard.

 » Quand Value8 est arrivé, je me suis fait la réflexion que ce n’était pas tout à fait la meilleure solution pour le Standard « , a expliqué Duchâtelet sur la RTBF,  » Je me suis demandé alors si c’était possible pour moi de le faire. Pour cela, je devais d’abord trouver des solutions et des pistes pour Saint-Trond. Puis, j’ai pesé le pour et le contre et la balance a penché du côté du pour.  »

Duchâtelet s’est alors tourné vers le directeur général du Standard Pierre François, qui l’a dirigé vers les avocats de Margarita Louis-Dreyfus.  » Plus que la somme à trouver, la difficulté résidait dans le fait qu’il fallait absolument garder le silence « , reconnaît Duchâtelet.

Rapidement, le prix répondant aux attentes de l’actionnaire majoritaire, Duchâtelet a été considéré comme une piste sérieuse. Il ne restait plus qu’à convaincre définitivement un Luciano D’Onofrio qui freinait des quatre fers et privilégiait d’autres pistes. D’Onofrio avait en effet donné mandat à un cabinet de courtage à la tête duquel on retrouvait Antonio Giraudo. L’ex-dirigeant de la Juventus-avait débusqué en janvier un milliardaire sud-africain représenté par le bureau d’avocat Simon and Simon, et qui avait pourtant fait une offre de 28 millions d’euros. La disgrâce de Giraudo, radié de toutes fonctions footballistiques par la Fédération italienne le 15 juin dernier, a refroidi cette option.

Il avait également demandé à un Belge très proche du Qatar de rentrer en contact avec des investisseurs du Golfe Persique intéressés par le football. En fait, notre compatriote contacta le groupe qatari qui a fini par racheter le PSG pour un peu plus de 130 millions d’euros et pour qui le Standard ne constitua jamais une priorité.

On a aussi évoqué la piste Bernard Tapie qui, du haut des 200 millions d’euros qui lui avaient été reversés par l’Etat français suite à son procès contre le Crédit Lyonnais aurait pu aider son ami liégeois mais il n’en est rien sorti.

La semaine dernière, Luciano d’Onofrio était toujours en contact avec une dizaine d’hommes d’affaires du grand Liège pour qu’ils versent chacun deux millions d’euros (peut-être lui aussi) pour racheter les parts de Margarita. En effet, la lenteur des tractations avec Value8, qui faisait traîner le dossier par manque de liquidités ou pour faire baisser le prix, a redonné espoir à l’ancien grand patron du Standard. Cependant, Luciano a définitivement baissé pavillon lorsqu’il a reçu confirmation de son inculpation prochaine en début de semaine dernière. Mercredi, Duchâtelet concluait le rachat. Jeudi, Lucien était inculpé.

Comment Luciano a-t-il tenté de devancer la justice ?

Le timing de l’annonce de l’inculpation de D’Onofrio n’est pas innocent. Le juge PhilippeRichard était au courant de l’imminence de la transaction. D’autant plus que les Néerlandais de Value8 avaient demandé à Pierre François certains documents (comme le registre), que la justice avait réquisitionnés lors des dernières perquisitions.

Pierre François avait donc dû réclamer ces documents à la justice liégeoise. C’est pour cette raison que le juge Richard a accéléré la procédure. Son but : attendre patiemment la reprise et faire une saisie à titre conservatoire du résultat de la vente des parts que Luciano D’Onofrio détenait via la société hollandaise Kick International. Pour cela, il fallait rester discret afin de ne pas nuire à la vente et surtout ne pas influencer le prix de celle-ci. En effet, le juge aurait pu saisir les parts avant la vente mais une part a une valeur artificielle qui peut très vite fluctuer. Il vaut mieux donc attendre que cette valeur artificielle se transforme en argent bien réel.

De plus, si le juge Richard devait attendre la vente, il devait agir très vite une fois celle-ci conclue, pour éviter la fuite des capitaux vers l’étranger et un quelconque paradis fiscal. Luciano qui savait cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête depuis sept ans, était également conscient que la justice comptait boucler le dossier avant la fin de l’été et a tenté de la devancer en activant la reprise. Il a joué au chat et à la souris avec la justice depuis quelques mois.

Comment le Standard a-t-il géré l’après D’Onofrio ?

Une fois la reprise actée, les nouveaux dirigeants (avec un Roland Duchâtelet guidé par un Pierre François conforté dans ses fonctions) ont mis en place leur nouvelle structure. Pendant deux jours, chaque camp a tenté de se positionner. En vain. Depuis la semaine dernière, on savait que la confirmation de François constituait la perte de Sacha Daout, le directeur de la communication, et de Frédéric Leidgens, le directeur commercial, avec lesquels il était en conflit. Jeudi, en voyant François passer de médias en médias expliquer la reprise, Daout, en retrait, avait compris que ses heures étaient comptées. Le lendemain, il était licencié. Même chose pour Leidgens, qui après avoir fait grise mine le vendredi lors du Standard Business Open de Golf, apprenait la fin de son contrat au Standard.

Les hommes mis en place par D’Onofrio et fidèles à celui-ci jusque dans les derniers moments, ont donc été dégommés. Certains fidèles comme Louis Smal ont senti le souffle du boulet mais ont été confirmés. Quant à l’avocat personnel de Lucien, Paul Delbouille, il a démissionné de son poste d’administrateur mais il a été confirmé dans ses fonctions au comité exécutif de la Ligue pro.

 » Purge ? Non, je ne trouve pas. Le mot purge ne sera utilisé que par les personnes licenciées « , a cependant répliqué Pierre François avant de citer les nombreux proches de Luciano (dont Henri Depireux, en charge de missions de scouting et entraîneur du Standard Femina) maintenus à leur poste. La nouvelle équipe dirigeante a donc simplement licencié les personnes en qui elle n’avait plus confiance. Mais on ne peut s’empêcher de remarquer une rupture entre le Standard version D’Onofrio et le Standard actuel. En endossant le costume de liquidateur, Pierre François ne soigne pas sa réputation auprès des supporters qui craignent que l’on jette le bébé avec l’eau du bain.

 » J’avais déjà une mauvaise réputation avant « , sourit Pierre François.  » Mais je peux dire que tout ce que je fais, je le fais dans l’intérêt du club. « 

Quelle est la vision sportive de Duchâtelet ?

Mais là où la cassure semble la plus nette, c’est dans la gestion sportive.  » Si on avait copié Luciano D’Onofrio, cela aurait débouché sur un échec car cela n’aurait jamais été aussi bien « , affirme François.  » La copie aurait paru bien pâle. Dans ce cas-là, il vaut mieux créer quelque chose d’original. « 

Là où D’Onofrio choisissait généralement un entraîneur à forte personnalité ( Michel Preud’homme, Johan Boskamp ou Laszlo Bölöni en sont les derniers exemples), Duchâtelet a préféré axer sa recherche sur des gens qui imposent du respect par leur travail et préfèrent le calme à la tempête. En privilégiant les pistes Jean-François de Sart pour le poste de directeur technique et de José Riga pour celui d’entraîneur, le nouvel homme fort du Standard, conseillé par Pierre François, a choisi deux hommes à la vision et au caractère semblable. Discret, calme, pédagogue, travailleur et intelligent, voilà les qualificatifs qui collent le mieux aux personnalités de de Sart et Riga.

 » Le président voulait des gens avec lesquels il y avait moyen de discuter, des gens posés, intelligents qui ne s’emportent pas, qui ont un suivi et une analyse des joueurs « , argumente François.  » Peut-être que les supporters du Standard seront déçus mais il faut un certain temps avant qu’un changement de style ne soit accepté et débouche sur des succès. Ce n’est d’ailleurs pas une exigence du président de tout gagner d’entrée de jeu. « 

C’est Duchâtelet lui-même qui a évoqué le nom de Riga, ayant particulièrement apprécié la manière avec laquelle il avait tenu le vestiaire de Mons, pourtant réputé difficile. François a validé l’impression de Duchâtelet et a proposé de Sart comme directeur technique. Son travail à l’Académie avait été unanimement apprécié et c’est parce qu’il n’avait pas voulu se laisser enfermer dans un rôle de formateur et qu’il ne se retrouvait plus dans la politique des D’Onofrio que de Sart n’avait pas tenu à continuer dans ce rôle. Le voilà de retour par la grande porte.

Même chose pour Riga qui est le seul entraîneur en activité à avoir réalisé de très bons résultats en D1 (les meilleurs de l’histoire de Mons !) sans recevoir de chance au plus haut niveau par la suite.

Les deux hommes ont démontré que leur vision du football fonctionnait puisque tant de Sart avec les Espoirs belges que Riga avec Mons ont des réussites à leur palmarès mais ils n’ont jamais convaincu un grand club de miser sur eux. Souvent, dit-on, à cause de leur caractère calme et posé. Comme s’il fallait nécessairement être un dictateur pour tenir un vestiaire. Aujourd’hui, les deux hommes peuvent démontrer qu’ils sont taillés pour un poste à responsabilité. Reste à voir si leur philosophie et leur approche convient autant à des jeunes (ou à des sans-grades) qu’à des vedettes…

Comme T2, Duchâtelet a opté pour Peter Balette, qui avait rempli cette fonction au Club Bruges, la saison passée. Une surprise ? Pas pour ceux qui connaissent l’ancien président de Saint-Trond. Actif au Limbourg, Duchâtelet a toujours suivi la carrière de celui qui s’était révélé à quelques pas de là, à Heusden-Zolder. Enfin, le staff sera complété par Bernard Smeets, ancien adjoint de Riga à Mons et Visé, par Guy Namurois qui demeure préparateur physique et par Hans Galjé, préparateur des gardiens. Siramana Dembélén’a, par contre, pas été reconduit.

La direction de l’Académie sera confiée à Michel Bruyninckx. Cet ancien professeur à la KUL, qui avait mis au point une méthode d’entraînement toujours avec ballon (soccerpal) basée sur la répétition des gammes ayant pour but d’améliorer la coordination, et qui avait rodé son système chez les jeunes de Malines notamment (où il connut Steven Defour). Apprécié en Angleterre, il avait de nombreuses propositions. C’est Riga qui a soufflé son nom aux dirigeants du Standard.

Lundi, il ne restait que quelques détails à régler avant de confirmer cet organigramme. En quatre jours, la nouvelle équipe avait été formée !

Les joueurs vont-ils partir ?

Depuis l’annonce de la reprise du Standard, les agents de joueurs du Standard sont aux aguets. Certains ont peur que les promesses tenues par D’Onofrio deviennent caduques. D’autres veulent profiter du manque d’expérience relative de la nouvelle direction pour tenter de passer en force. Enfin, il y a ceux qui avaient de grosses affinités avec l’ancienne direction et qui, téléguidés par celle-ci, vont tout faire pour déstabiliser la nouvelle équipe.

 » Si un agent croit que tout le monde peut partir, il se trompe « , prévient d’entrée François.  » Les départs annoncés l’étaient du temps de la gestion de Luciano D’Onofrio. Toutes les vannes ne seront pas ouvertes. Je veux d’abord que les joueurs comprennent qu’ils sont sous contrat avec le Standard et je ne pourrai envisager un départ d’un élément qu’après qu’il ait compris qu’il avait des obligations vis-à-vis du club. « 

Le Standard tient un discours ferme. Quitte à décevoir certains joueurs ?  » Vous croyez qu’il n’y avait pas de frustration avant ? », dit François. Cependant, en cas de grosse offre émanant d’un des 15 plus grands clubs européens, les dirigeants actuels n’entraveront pas la carrière du joueur. En attendant, ils seront confrontés au désir de départ d’ Axel Witsel, de Defour, d’ Eliaquim Mangala et de Mehdi Carcela.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

 » Duchâtelet voulait des gens avec lesquels il y avait moyen de discuter, des gens posés, intelligents, qui ne s’emportaient pas.  » (Pierre François)

La justice a attendu que la reprise soit entérinée avant d’agir.

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