LE STADE DE LA DISCORDE

Avant même que la première pierre de l’Eurostadion de Bruxelles n’ait été posée, le projet EURO 2020 est soumis au feu de la critique. Un gaspillage d’argent ! Une falsification du championnat ! Les cibles : Anderlecht et l’Union Belge. L’enquête de Sport/Foot Magazine révèle que le débat est alimenté par des informations dépassées. Pourquoi un tel acharnement ? Et pourquoi une telle polémique ?

Vendredi 26 septembre 2014 : ce midi, Roland Duchâtelet pénètre dans les studios de la chaîne privée flamande VTM, en étant bien décidé à s’opposer à la construction d’un nouveau stade à Bruxelles. Le président et propriétaire du Standard taxe le business-plan de  » mégalomane  » et ajoute :  » Tout cela me rappelle Lernout & Hauspie.  » Un discours pas piqué des vers, basé sur une étude préalable de l’Union Belge sur la faisabilité d’un projet de stade multifonctionnel dans la capitale.  » Les clubs professionnels n’ont reçu ce document que la semaine dernière, alors que le projet date de l’an passé « , écrit quelques jours plus tard le journal Het Nieuwsblad qui, tout comme De Morgen, a eu connaissance du dossier.

C’est faux. L’étude date du 19 juillet 2013. Trois jours plus tard, le CEO Steven Martens avait déjà envoyé, par mail, un résumé à Michel Dupont et Ludwig Sneyers, respectivement président et directeur général de la Pro League Le lendemain, l’intégralité de cette étude a été discutée lors d’une réunion entre l’Union Belge et les clubs professionnels, donc également le Standard. Un homme s’est montré très intéressé et a demandé d’entrer en possession de l’ouvrage de 77 pages : Vincent Mannaert, le CEO du Club de Bruges. On le lui a envoyé le 27 septembre 2013, par mail. Un an plus tard exactement, juste après que l’UEFA eut désigné Bruxelles comme l’une des treize villes organisatrices de l’EURO 2020, cet ouvrage est également arrivé sur le bureau de quelques journalistes.

Ce que l’on ne dit pas à ces journalistes, c’est que le document en question est complètement dépassé. Il s’agit d’une première étude. Steven Martens précise d’ailleurs dans son introduction qu’elle n’est  » en aucun cas exhaustive  » et  » sujette aux remarques, ajouts, améliorations et critiques « . Elle constitue simplement  » un point de départ à une analyse supplémentaire « . Le business-plan auquel Duchâtelet fait référence, est le bilan d’un stade dont le nom n’est pas mentionné. Sport/Foot Magazine a appris qu’il s’agissait de la Veltins Arena, le stade hypermoderne dans lequel Schalke 04 dispute ses matches à domicile. Les experts qui analysent les chiffres, comme l’économiste du sport Trudo Dejonghe et le spécialiste du marché sportif Wim Lagae, découvrent beaucoup de doublons au niveau des revenus du catering, du sponsoring, du merchandising et de la billetterie. Ils en concluent que les données ont été exagérées pour démontrer la rentabilité d’un nouveau stade à Bruxelles.

La frustration de Duchâtelet

D’autres chiffres dans cette étude sont trompeurs, comme la référence à Arsenal qui a vendu le nom de son stade à FlyEmirates pour 180 millions de dollars (142 millions d’euros). A Munich, Allianz paie environ 90 millions d’euros sur 15 ans. 6 millions d’euros par an, donc. A Gand, Ghelamco mettra 600.000 euros sur la table pendant dix ans.  » Si l’on parvient à obtenir deux ou trois millions par an pour un stade à Bruxelles, on aura bien négocié « , estime Lagae.

Didier De Baere n’a aucune difficulté à admettre que les critiques sont fondées. De Baere a été engagé en novembre 2012 par la Pro League en tant que ProjectManager du stade, mais est passé après quelques mois du côté de l’URBSFA suite à des querelles internes entre les clubs. L’étude préliminaire critiquée par Duchâtelet, c’est lui qui l’a réalisée. Il se défend : les chiffres basés sur la Veltins Arena s’appuient sur ce qu’il appelle ‘la comptabilité consolidée’. C’était un pur chiffre d’affaires, qui n’avait pas encore été adapté aux revenus de la société d’exploitation : Schalke 04 et les autres utilisateurs. Et encore moins extrapolé au niveau belge.  » Je n’étais en service que depuis six mois et n’avais pas encore eu l’occasion d’effectuer un tour d’Europe des stades. Lorsqu’on leur demandait de donner des chiffres, les propriétaires se montraient très réticents. Le rapport contient d’ailleurs des réserves. J’espère que Duchâtelet pénétrera un jour dans une banque qui ne le jugera pas sur les premières évaluations, mais examinera le business-plan final.  »

La comparaison avec Lernout & Hauspie, condamné en justice, a profondément touché De Baere. Elle émane d’une frustration de Duchâtelet, selon lui. Lorsque le patron de l’UEFA Michel Platini a dévoilé son plan pour un EURO dans treize villes européennes, le propriétaire du Standard avait invité l’Union Belge.  » Il proposa de présenter la candidature de Liège comme ville organisatrice. Rien de plus simple, selon lui : il suffisait de boucher les deux angles du stade Maurice Dufrasne et de construire – avec ou sans l’argent des pouvoirs public – un troisième anneau au-dessus de la tribune opposée, et le tour était joué. On aurait eu un stade de 42.000 places, comparable à celui d’autres villes candidates comme Copenhague ou Bâle. Mais Sclessin n’avait pas l’ombre d’une chance. Nous en avons discuté avec Platini.  » Ne proposez pas Bruges, Liège ou Anvers « , avait-il prévenu.  » La seule ville belge qui nous intéresse est Bruxelles.  »

Des avis très divergents

Le président de La Gantoise, Ivan De Witte, s’est également servi de l’étude préliminaire pour alimenter la critique. Ghelamco, qui a construit le nouveau stade de Gand et y a associé son nom, fait partie de l’un des trois consortiums toujours en lice pour la construction et la gestion du nouveau stade à Bruxelles. Lors d’une conférence tenue récemment dans la Ghelamco Arena, le CEO Paul Gheysens, en présence de De Witte, a insisté sur le fait qu’au jour d’aujourd’hui, la construction d’un stade était devenue une affaire qui concernait exclusivement le secteur privé :  » Le temps où les pouvoirs publics finançaient encore la construction d’un stade est révolu. Le designer doit assurer le pré-financement et y ajouter sa quote-part.  »

Johan Beerlandt, le CEO de Besix qui concourt également pour le contrat de construction à Bruxelles, ne partage pas cet avis.  » Les pouvoirs publics devront s’acquitter de 100 millions d’euros « , a-t-il déclaré en début d’année. D’ailleurs, la Ville de Gand a aussi participé au financement de la Ghelamco Arena.

Il est étonnant que l’étude préliminaire de l’URBSFA ressurgisse encore. Le rapport rédigé par le bureau d’études Deloitte en fin d’année dernière est bien plus récent et approfondi. Il a été réalisé à la demande du gouvernement flamand et de la Ville de Bruxelles, qui avaient donné leur accord pour la construction d’un nouveau stade à Bruxelles dans la perspective d’une candidature belge à l’EURO 2020. On connaît ce rapport de Deloitte à Bruges également : le président du Club Bart Verhaeghe y fait référence dans la lettre ouverte qu’il a rédigée à la mi-décembre 2013.

Verhaeghe cite un chiffre qui figure dans le rapport : 314,3 millions d’euros, le coût estimé par Deloitte pour la construction d’un stade à Bruxelles. Même s’il fait remarquer, à juste titre, que le financement sera assuré par des investisseurs privés sans l’aide des pouvoirs publics, il donne l’impression, en répétant constamment que le rôle de l’URBSFA n’est pas de construire des stades, que l’Union Belge déboursera elle-même ces 314 millions d’euros.

Ce n’est pas le cas. L’Union Belge ne va pas construire le nouveau stade, ni même l’exploiter. Il faut le souligner, car dans son étude préliminaire, elle exprimait son intention de devenir actionnaire minoritaire de la nouvelle société d’exploitation qui allait être créée. Elle avait aussi calculé que, pour assurer la rentabilité du stade, 80 événements devraient être organisés annuellement dans l’enceinte multifonctionnelle : outre une quarantaine de matches de football (ceux des Diables Rouges et d’Anderlecht), il faudrait également organiser d’autres événements sportifs, des concerts, des spectacles théâtraux, des colloques d’entreprises et des festivals musicaux.

Un séminaire à Ostende

Avec ces estimations, l’Union Belge a outrepassé son rôle. C’est aux trois consortiums qui ont répondu à l’appel d’offres de la Ville de Bruxelles pour la construction et l’exploitation d’un stade de football sur le Parking C du Heysel qu’il appartient de déterminer le taux d’occupation nécessaire pour assurer la rentabilité. Ils affinent actuellement leur proposition. On ne saura qu’en janvier 2015 si les 314 millions d’euros cités par Verhaeghe sont conformes à la réalité. Un jury décidera alors de l’attribution du contrat à l’un des trois consortiums.

De Baere :  » Ces 314 millions d’euros sont basés sur un stade full option prêt à l’emploi. Le chiffre réel dépendra de ce que l’exploitant est décidé à intégrer dans ce stade, de ce qu’Anderlecht souhaite et est prêt à payer, et de ce qui sera éventuellement inclus dans le prix de location. Une construction en béton ne coûte pas 300 millions d’euros. On peut en déduire au moins un tiers.  »

Quoi qu’il en soit : la fédération pensait au départ que son rôle serait plus important, mais a dû réduire ses ambitions. Surtout sous la pression des attaques brugeoises : en tant qu’actionnaire minoritaire d’une société qui organiserait également des concerts, l’Union Belge outrepasserait sa mission. En outre, les critiques sur son fonctionnement ont fait comprendre à Steven Martens qu’il ne pouvait plus se permettre de faux-pas. Mais l’URBSFA a également été dépassée par la Ville de Bruxelles et par le RSC Anderlecht, qui en tant que futur occupant du stade, est devenu un partenaire incontournable. Ces deux institutions ont relégué l’URBSFA à l’arrière-plan, d’autant qu’elle veut éviter des procédures juridiques devant le Conseil d’Etat et l’Europe. Aujourd’hui, il semble que son rôle se limitera à celui de (petit) locataire.

Même si, dans son étude préliminaire, l’URBSFA se considère comme un  » pionnier  » dans ce dossier. Didier De Baere tient à nuancer :  » C’est une erreur de croire que l’Union Belge a mis ce dossier en route « , dit-il. Tout a commencé, selon lui, avec un séminaire de deux jours organisé par la Région de Bruxelles-Capitale en mai 2013 à Ostende. En bord de mer, le gouvernement bruxellois s’est mis d’accord sur le projet NEO visant à transformer complètement le plateau du Heysel. Sur son site internet, le ministre-président Rudi Vervoort écrit que dans le cadre de ce projet NEO, des logements seraient construits à l’emplacement actuel du stade Roi Baudouin. A propos du nouveau stade, il écrit :  » Le gouvernement s’est mis d’accord pour le construire sur l’emplacement actuel du Parking C, un terrain qui est la propriété de la Ville de Bruxelles.  »

Anderlecht entre dans la danse

De Baere insiste sur le fait que l’URBSFA n’a pas été consultée pour cette décision. La Ville de Bruxelles n’était pas davantage au courant.  » J’ai immédiatement écrit une lettre à la Région. Pour nous, c’était une bonne nouvelle, tant pour une éventuelle candidature à l’EURO 2020 que pour nos objectifs stratégiques. Mais nous étions surpris également. La Région a répondu qu’elle n’y connaissait rien en matière de stades et nous a demandé de présenter un document de départ.  » Ce fut la fameuse étude préliminaire.

Qu’est-ce qui, à Ostende, a permis au dossier du Heysel d’avancer ? On prétend que la succession de Charles Piqué (PS), ministre-président bruxellois, par son compagnon de parti RudiVervoort n’y serait pas étrangère. Ce dernier habite dans la même commune que Guy Vanhengel (Open VLD), Evere en l’occurrence. Vanhengel, ministre des Finances et du Budget dans le gouvernement bruxellois, est un grand supporter d’Anderlecht.

L’avancée du dossier a engendré une nouvelle dynamique entre la Région de Bruxelles-Capitale, la Ville de Bruxelles et le gouvernement flamand. Ce dernier est partie prenante car le Parking C, même s’il est la propriété de la Ville de Bruxelles, est érigé en territoire flamand (commune de Grimbergen). Dès le départ, il est apparu évident que le dossier du stade n’avait aucune chance d’aboutir sans la participation d’Anderlecht. Dans son étude préliminaire, l’URSBFA l’avait déjà fait comprendre :  » Nous ne devons pas nous faire d’illusions : pour être rentable, un nouveau stade a besoin d’être occupé par un club qui y dispute ses matches à domicile.  » Elle en conclut que seul Anderlecht entre en considération et ajoute :  » Le club est lui-même intéressé par la fonction de résident permanent.  » Le rapport de Deloitte, quatre mois plus tard, mentionne également le fait qu’Anderlecht sera  » the main tenant  » (le locataire principal).

En août 2013, Roger Vanden Stock a été invité pour la première fois à la table des négociations. Le président d’Anderlecht a réagi timidement : il soupçonnait une énième histoire de nouveau stade qui, depuis 2004, n’a jamais abouti à rien. En outre, a-t-il ajouté, le club n’est guère intéressé par un stade comprenant une piste d’athlétisme. Last but not least, le dossier concernant l’agrandissement du stade Constant Vanden Stock avance bien. Beaucoup d’argent a déjà été dépensé pour des études à ce sujet. En cas de déménagement, ce serait de l’argent perdu.

L’étude de faisabilité demandée à Deloitte a permis d’établir qu’un stade avec piste d’athlétisme serait financièrement irréalisable. A l’exception du stade olympique de Londres, cette configuration est devenue totalement démodée. L’idée d’un toit ouvrant a également été déconseillée : le bénéfice qu’il rapporterait ne compenserait pas le coût supplémentaire engendré. Le marché des concerts juge également l’idée d’un toit inutile. Le résultat de cette étude incite Anderlecht à s’engager davantage dans le projet.

Décision reportée pour le Mémorial

Chez les organisateurs du Mémorial Van Damme, en revanche, la pilule passe difficilement. Lorsqu’ils avaient marqué leur accord, le 2 décembre 2013, pour la construction d’un nouveau stade de football sur le Parking C, c’était avec une double garantie pour la pérennité de leur meeting d’athlétisme. Premièrement, le stade Roi Baudouin devait rester sur son site actuel jusqu’en 2022. Peut-être même plus longtemps si le projet NEO prenait du retard. Cela signifiait également que les deux stades coexisteraient pendant au moins quatre ans, pour autant que les délais de livraison de la nouvelle arène (2019) soient respectés.

Et que Bruxelles pourrait poser sa candidature pour l’organisation des Mondiaux d’athlétisme en 2022, une promesse qui avait été faite lors de la signature. Deuxièmement, un groupe de travail avait été formé, comprenant des représentants du Mémorial et des divers gouvernements, chargé de trouver le lieu le plus approprié pour un vrai stade d’athlétisme. L’une des possibilités avancées était d’agrandir l’actuel stade Jesse Owens, situé à côté du centre d’entraînement de Neerpede.

Suite à cet accord, la Ville de Bruxelles prend la main dans ce dossier sensible, en tant que propriétaire du terrain.  » L’Union Belge s’est essentiellement limitée à présenter la candidature de Bruxelles pour l’EURO 2020 « , précise Didier De Baere.  » En cela, elle a imité 32 des 54 membres de l’UEFA. Seuls les Etats nains et les pays qui avaient déjà reçu l’organisation d’un EURO au cours des 12 dernières années ne se sont pas porté candidats. Si l’on se fie aux critiques de Verhaeghe, on doit en déduire que 32 fédérations sportives ont outrepassé leur rôle.

Nous ne sommes pas d’accord sur ce point : l’une des missions de l’URBSFA est de donner une bonne image du football belge. Imaginons que nous ne nous soyons pas portés candidats : nous aurions été rangés dans la même catégorie que des pays comme Andorre ou Gibraltar. Nous aurions été taxés d’amateurisme. Avec cette candidature, nous avons réveillé le monde politique bruxellois. Le dossier du stade est un dossier de la Ville de Bruxelles, pas de l’Union Belge. Celle-ci n’est que spectatrice.  »

Agence d’Infrastructure des Stades

Fin janvier 2014, l’asbl Euro Brussels 2020 est créée. Elle a pour mission de préparer la candidature officielle de Bruxelles comme ville organisatrice de l’EURO 2020 (the bid) et de superviser le dossier de façon plus approfondie. Son président est l’échevin des sports de la Ville de Bruxelles, Alain Courtois. Les quatre autres administrateurs sont Guy Vanhengel, Rudi Vervoort, Steven Martens et le président de l’URBSFA, François De Keersmaecker. L’asbl a son siège dans le bâtiment de la fédération à l’avenue Houba de Strooper et reçoit 1,5 million d’euros de la Région Bruxelloise.

Cette somme permet de couvrir le coût de la candidature, et de rémunérer le chef de candidature à l’URBSFA (Dimitri Huygen) et les trois employés à plein temps exigés par l’UEFA à partir de l’année prochaine. Pas un centime n’est destiné au dossier du stade. Pourtant, les critiques pleuvent à propos d’un conflit d’intérêt et d’un manque de transparence.  » Il faut faire la différence entre le dossier de dépôt de candidature et celui du stade « , explique De Baere.  » Bruxelles est la ville-hôte de l’EURO 2020. Pas la Belgique. Il me semble donc logique que des hommes politiques siègent à côté de l’URBSFA au sein de cette asbl. Celle-ci n’a rien à voir avec le stade.  »

Un mois plus tard, l’URBSFA et la Pro League créent ensemble l’AIS (Agence d’Infrastructure des Stades). Celle-ci est censée prodiguer des conseils et des aides à tous les clubs belges qui ont un projet de construction ou de rénovation d’un stade. Zulte Waregem, Ostende, Lokeren, le Cercle de Bruges et OHL ont notamment fait appel à l’expertise de cette agence. Sa création doit permettre à l’Union Belge de parer les critiques selon lesquelles elle ne porterait d’intérêt qu’au stade de Bruxelles.

L’AIS fait, en outre, partie des dix objectifs stratégiques de Martens, approuvés par le Conseil d’administration en juin 2012. Son ambition est d’avoir cinq nouveaux stades d’ici à 2020, dont un à Bruxelles. Une nouvelle fois, le Club Bruges réagit froidement. Trop complexe, estime-t-on là-bas. A l’Union Belge, on y voit la réapparition de l’éternelle rengaine : l’URBSFA fait une proposition, celle-ci est refusée, l’URBSFA ne fait rien.

Négociations en cours

Cinq semaines plus tard, la Ville de Bruxelles décide de rechercher un partenaire privé pour la construction et l’exploitation d’un stade sur le Parking C du Heysel, via un appel d’offres. Dans le guide de sélection, il est explicitement mentionné que la ville n’interviendra pas dans les frais. Et aussi que le terrain ne sera pas mis gratuitement à disposition, mais payé en fonction du prix du marché ; que le stade doit être construit  » à temps  » dans la perspective de l’EURO 2020 ; qu’il doit répondre aux exigences formulées par l’UEFA ; et, enfin, qu’un club devra y disputer ses matches à domicile afin d’assurer une exploitation constante du stade « .

Ce club est le RSC Anderlecht, qui a fourni aux trois consortiums encore en lice une lettre de soutien contenant ses souhaits. A ces souhaits, est liée la garantie que les Mauves joueront bien dans le nouveau stade. Sans cette garantie, aucun entrepreneur ne se lancera dans le projet. Lorsque la Ville de Bruxelles désignera en janvier 2015 celui qui emportera le marché, Anderlecht devra enfin annoncer publiquement la couleur. Un départ du stade Constant Vanden Stock ne serait alors que logique. Certains en déduisent que Besix dispose des meilleurs papiers pour construire sur le Parking C. Sinon, la firme serait perdante sur tous les fronts. En cas de déménagement, la construction d’un troisième anneau au stade Constant Vanden Stock n’aurait effectivement plus de raison d’être : un contrat sur lequel Besix avait déjà fait main basse. Son CEO Johan Beerlandt est actionnaire de la SA Anderlecht et un supporter notoire du club. Il a cependant toujours refusé de faire partie du Conseil d’administration.

Dans son rapport, Deloitte estime que le prix de location serait de 200 à 250.000 euros par match pour Anderlecht et de 300.000 euros pour les Diables Rouges. Des chiffres fictifs, car les négociations entre les consortiums et Anderlecht sont toujours en cours. Elles concernent également le prix de location. Idem pour l’URBSFA. Or, on sait déjà que tous les matches internationaux ne seront pas joués dans le nouveau stade. A l’image des Pays-Bas, où l’équipe orange abandonne parfois l’Arena d’Amsterdam au profit d’Eindhoven ou de Rotterdam, les Diables Rouges continueront à se produire de temps en temps vers des stades de clubs. C’est la raison pour laquelle De Baere relativise l’appellation de nom ‘stade national’ : selon lui, elle est inappropriée, malgré le titre du rapport de Deloitte : General feasibility study New Belgian National Stadium). A propos du prix de location, il est clair :  » L’URBSFA ne paiera pas un euro de plus qu’Anderlecht. Sinon, la critique resurgirait selon laquelle elle financerait indirectement le stade.  »

Un concurrent pour Uplace

Quoi qu’il en soit : sans avoir pris connaissance des business-plans des trois consortiums, chaque chiffre demeure en l’état d’estimation. Le président du Club Bruges, Bart Verhaeghe, s’appuie cependant sur des exemples pris à l’étranger pour affirmer que le stade ne peut pas être rentable. Dans sa note de décembre 2013, il fait référence au stade de Wembley à Londres et au stade de France à Paris. Il craint que le même sort ne soit réservé à Bruxelles.  » C’est possible « , reconnaît De Baere,  » mais rien ne permet de l’affirmer avec certitude aujourd’hui. En fait, c’est une question pour les consortiums : ce sont eux qui doivent proposer un projet de stade, le construire, le financer et l’exploiter. Il me semble logique qu’ils développent leur propre business-plan et regardent s’il est réalisable. L’URBSFA n’a aucune vue là-dessus.  »

Selon De Baere, la rentabilité du nouveau stade doit être perçue dans un contexte plus large. Le stade du Parking C fera partie d’une revalorisation complète du plateau du Heysel et est lié au projet NEO déjà mentionné (hasard ou pas, NEO est un concurrent sérieux pour le projet Uplace de Verhaeghe sur ce même ring de Bruxelles, à Machelen), aux différents palais du Heysel, à l’élargissement du Ring et à la prolongation du métro.

De nombreuses critiques se fondent sur une connaissance incomplète du dossier, conclut De Baere, dont le contrat avec l’URBSFA se termine à la fin de cette année.  » Certains chiffres ne correspondent pas à la réalité, d’autres dossiers doivent encore trouver leur solution. C’est facile de parler d’un manque de transparence lorsqu’il n’y a pas encore de business-plan. Dans un mois ou deux, nous en saurons plus. Ce n’est qu’alors que l’on saura si certaines critiques sont fondées ou pas. Jusqu’alors, toutes les insinuations ne sont que des tentatives pour bloquer ou enterrer le dossier, et polariser les clans de supporters. Je ne suis pas convaincu qu’on privilégie l’intérêt du football. Dommage, car toutes ces polémiques ne favorisent pas l’avancement des dossiers des stades de nos clubs. Nous accusons déjà suffisamment de retard sur les autres pays européens. Avec ces querelles, nous risquons d’encore louper le bon wagon.  »

Documents consultés :

– ‘Conclusions du séminaire de gouvernement – Ostende 24 & 25 mai’ (Région de Bruxelles-Capitale, mai 2013)

– ‘Un nouveau stade multifonctionnel à Bruxelles. Etude préalable de faisabilité’ (URBSFA, juillet 2013)

– ‘General feasibility study New Belgian National Stadium’ (Deloitte, novembre 2013)

– ‘Note stratégique sur le rôle et le fonctionnement de l’Union belge de football’ (Bart Verhaeghe, décembre 2013)

– ‘Note à propos d’un formulaire de demande pour un site sportif multifonctionnel avec return commercial’ (janvier 2014, Club Bruges)

– ‘Appel d’offres – Conseil de sélection des candidatures – Parking C Heysel – Stade de football’ (Ville de Bruxelles, avril 2014)

– ‘UEFA Euro 2020. Rapport d’évaluation’ (UEFA, 10 septembre 2014)

PAR JAN HAUSPIE – PHOTOS BELGAIMAGE

 » L’Union Belge ne payera pas un euro de plus qu’Anderlecht pour la location du stade. Sinon la critique selon laquelle elle cofinancerait l’enceinte resurgirait.  » Didier De Baere, Stadium Project Manager de l’URBSFA

 » Ne proposez pas Bruges, Liège ou Anvers. La seule ville belge qui nous intéresse, c’est sa capitale, Bruxelles.  » Michel Platini à propos des candidatures pour l’EURO 2020

 » Les critiques sont surtout destinées à bloquer, ou enterrer le dossier ainsi qu’à polariser les clans de supporters.  » Didier De Baere

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