Le signe du Toro

Les classiques ardennaises sont un des terrains de prédilection de l’Espagnol. Il est prêt à se battre à Liège-Bastogne-Liège.

Il suffit de feuilleter les journaux espagnols pendant quelques heures pour trouver deux des surnoms d’ Alejandro Valverde, 27 ans aujourd’hui et donc natif du Taureau ! Le grand classique est El Imbatido. L’invincible. Il semble que ce surnom remonte à sa jeunesse, quand il dominait les courses de sa région de la tête et des épaules. Son père Juan était lui-même cycliste avant de gagner sa vie comme routard et son frère aîné Juan Francisco a également couru mais le petit Alejandro était le plus doué de la famille. En 1988 (à huit ans…), après la victoire de Pedro Delgado au Tour, il a enfourché son vélo et a impressionné son monde en grimpant sans peine les côtes raides du voisinage. On raconte même qu’à cette époque, il parcourait aisément 100 kilomètres par jour.

Ce genre de récits est généralement pimenté d’une bonne dose d’exagération, quand il concerne des vedettes, mais Valverde savait pédaler. C’est rapidement apparu dans les courses des jeunes, au point que d’autres parents ont demandé au père Valverde de ne pas aligner son fils à certaines épreuves pour que leurs rejetons aient une chance de gagner. C’est de cette époque que date un slogan, une paraphrase de la rage de vaincre de l’Allemagne en football :  » Le cyclisme est un sport où tout le monde attaque mais où Valverde gagne toujours « . A nos yeux, El Balaverde est pourtant le plus beau surnom de ce calme coureur de Murcie. En espagnol, le v se prononce b. Alejandro Balaverde. Alexandre, la flèche verte.

Alejandro Valverde Belmonte, puisque les Espagnols portent aussi le nom de leur mère. Un nom lourd de sens car Belmonte revient fréquemment dans l’autre sport favori des Ibériques, les combat de taureaux. Plusieurs célèbres toreros s’appelaient Belmonte. Alejandro a grandi à Las Lumbreras, un petit village au nord de Murcie, où une ruelle, une calle, porte désormais son nom.

La bande d’ El Carmen

Il est né en 1980, une année fétiche pour le cyclisme puisque c’est aussi l’année qui a vu le jour de Tom Boonen et de Frank Schleck, les vainqueurs des classiques printanières en 2006. Boonen au Tour des Flandres, Schleck à la Gold Race et Valverde à la Flèche wallonne et à Liège-Bastogne-Liège. Les empêcheurs de tourner en rond, Filippo Pozzato, vainqueur de Milan-Sanremo et Fabian Cancellara, premier à Paris-Roubaix, sont nés en 1981. Valverde a gagné ses deux classiques de la même façon. Bien camouflé dans le peloton, il a placé un démarrage sec dans les derniers kilomètres, pentus, la première fois au mur de Huy, quelques jours plus tard dans la côte d’Ans. En principe, le sprint final du Cauberg est taillé à sa mesure mais il a échoué la saison dernière.

L’eau de Murcie doit contenir une potion magique car beaucoup de cyclistes s’y entraînent ensemble. Ils forment ce qu’on appelle la bande d’ El Carmen. Ils ne s’entraînent pas entre les orangers mais dans la Sierra de Espuña, où on dépasse vite les 1.000 mètres d’altitude. Ces séances ne se déroulent pas sans anicroches. Récemment, José Joaquin Rojas a été transporté à l’hôpital, après s’être fait renverser par une auto en fin de parcours. Le comble est que Rojas, équipier de Valverde, ne fait pas partie de ce petit groupe mais qu’il l’avait rejoint ce jour-là parce que le vent soufflait trop fort chez lui…

Valverde est attaché à ses racines. Il entretient le lien qui l’unit à sa terre natale. Il a beaucoup couru dans la région de Valence et de Murcie. Quand il n’est pas en déplacement, il rend visite à ses parents tous les samedis. Il a épousé Angela, une fille du coin, amie d’enfance, et réside actuellement à Esparragal, à quelques kilomètres de Las Lumbreras. Le couple n’a pas encore d’enfant mais il a des autos : une Porsche Cayenne, une Mercedes et une Mini.

 » Un jour, je gagnerai le Tour  »

Les classiques ardennaises de cette semaine constituent à nouveau un des objectifs de l’Espagnol, vainqueur du classement 2006 du Pro Tour. Elles ne sont pas son seul objectif. Dans une interview accordée en hiver au quotidien régional La Verdad, il affirme être prêt à courir de février jusqu’au Mondial, même s’il ne sera peut-être qu’à 70 % de ses aptitudes lors des classiques ardennaises. Son objectif principal en 2007 est de gagner le Tour. Il n’est pas sûr d’y parvenir mais il est certain de monter un jour sur la plus haute marche du podium à Paris.

En est-il capable ? Valverde est en tout cas un des coureurs les plus complets de sa génération. Il peut sprinter comme il l’a déjà prouvé plusieurs fois au Mondial. Il était deuxième derrière Boonen à Madrid et l’année dernière, suite au forfait d’ Oscar Freire, il était le fer de lance espagnol à Salzbourg, où il a terminé troisième. Les championnats du monde lui réussissent : en 2003, il avait décroché la médaille d’argent, derrière son compatriote Igor Astarloa mais devant Peter Van Petegem.

Il est aussi capable de grimper. On l’a vu dès son premier Tour, en 2005. Lance Armstrong était généralement très tranchant dans les premières étapes de montagne. Cette année-là aussi, dans l’étape de Courchevel. MickaelRasmussen avait démarré mais l’Américain l’avait suivi, après que ses coéquipiers avaient imposé un train d’enfer au peloton. Un seul homme parvint à suivre le boss jusqu’à la ligne d’arrivée : Alejandro Valverde, âgé de 25 ans. Il a même battu l’Américain au sprint. Le futur vainqueur du Tour lui rendit hommage en lui tendant la main juste après la ligne d’arrivée.

Depuis, le Tour et Valverde sont pourtant brouillés. Quelques jours après sa victoire à Courchevel, l’Espagnol fut contraint à l’abandon pendant le contre-la-montre par équipes, à cause de problèmes au genou. La saison dernière, il a chuté lors de la troisième étape, entre le Cauberg et Valkenburg. Diagnostic : fracture de la clavicule. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, Illes Balears, décapitée, s’est muée en franc-tireur, ce dont a profité OscarPereiro Sio. Il a longtemps porté le maillot jaune et a terminé le Tour en deuxième position, derrière Floyd Landis, ensuite accusé de dopage.

Des années après Delgado et Miguel Induráin, José Miguel Echavarri tenait donc son nouveau vainqueur du Tour. Ce n’était pas Valverde, le favori, mais un outsider. Cet été, tous les regards seront pourtant braqués sur l’homme de Murcie. Il s’est entraîné d’arrache-pied, il a passé un bon hiver malgré certains soupçons et a travaillé son dernier point faible, le contre-la-montre. Les prologues lui réussissent mais sur des distances plus longues, il ne parvenait pas à se sublimer. Il s’est aussi habitué à différents braquets pour progresser encore en côte. Il ne manque pas d’endurance. Sans AlexandreVinokourov, Valverde se serait adjugé la dernière Vuelta. Il a dû se contenter de la deuxième place, impuissant face au Kazakh.

2006 a donc été un grand cru mais 2007 peut être meilleure encore. En fin de compte, Armstrong avait 28 ans quand il s’est adjugé son premier Tour. Induráin avait 27 ans mais même si Valverde le cite souvent en exemple, il ne veut pas ressembler au quintuple vainqueur du Tour. Celui-ci se concentrait uniquement sur le Giro et le Tour, méprisant les classiques et le Mondial. Or, Valverde a trop d’appétit pour se limiter à ces deux objectifs, si prestigieux soient-ils. Cela plaira à Eddy Merckx

par peter t’kint

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