Le signe d’un GRAND CHAMPION

A 32 ans, Didier Ernst est en train de se bâtir un palmarès que dix années de présence en équipe Première du Standard, dont il porta le brassard de capitaine, n’avaient pas permis d’entamer.

 » Je n’avais jamais rien gagné sous le maillot des Rouches « , constate-t-il.  » Et voilà qu’en fin de carrière, je remporte une Coupe de Belgique avec La Louvière, puis un titre de champion avec le FC Brussels. Un titre de D2, certes, mais un titre tout de même « .

Quelle place occupera ce titre officialisé dimanche, grâce à la victoire contre Denderleeuw, dans le livre de vos souvenirs ?

Didier Ernst : La grosse différence avec la finale de la Coupe de Belgique, c’est que celle-ci s’était disputée sur un match. En outre, elle était totalement inattendue. On nous avait déjà prédit l’élimination lorsqu’on a affronté Genk, puis le Standard. La victoire fut d’autant plus savoureuse. Avec le FC Brussels, on attendait ce titre depuis le début de la saison. Le sacre de dimanche récompense le travail de toute une année. On l’a goûté avec délice également, mais la sensation fut différente. En tout cas, je me réjouis d’avoir pu vivre des moments pareils alors qu’en quittant le Standard, j’aurais pu penser que mes plus belles années étaient derrière moi.

Vous aviez failli vous lier à l’AS Eupen, en fin de saison dernière. En fin de compte, vous n’avez pas perdu au change…

L’AS Eupen m’avait contacté lorsque la perspective d’une montée en D1 s’était présentée. Financièrement, nous ne sommes pas parvenus à nous entendre. J’ai alors eu l’opportunité de signer au FC Brussels. En deux jours, tout était réglé. J’ai directement senti qu’un beau projet voyait le jour. Un noyau relativement complet pour la D2 avait déjà été constitué. Je ne voulais pas rester sur le carreau, comme cela avait été le cas l’année précédente, lorsque j’avais dû patienter jusqu’à la fin août pour trouver de l’embauche à La Louvière. J’ai donc tenté le coup. Je ne l’ai pas regretté. Je me suis d’emblée retrouvé dans un groupe animé d’une excellente mentalité. L’ambiance a été extraordinaire d’un bout à l’autre de la saison, alors que les joueurs provenaient d’horizons très divers. Après quelques semaines, on avait l’impression qu’on se connaissait depuis deux ou trois ans. Chacun a fait preuve de simplicité et d’humilité. Certains avaient connu une faillite, d’autres avaient une revanche à prendre, mais tous étaient conscients qu’en travaillant bien, le FC Brussels pouvait leur permettre de retrouver la D1. Tout le monde a tiré dans le même sens, et ce fut certainement l’un des facteurs de notre réussite. Beaucoup de gens m’ont dit que je prenais un risque en signant pour le FC Brussels. Je n’ai jamais vu les choses de cette manière. Je préférais me retrouver dans un club ambitieux de D2, plutôt que végéter dans un club de D1 de milieu ou de bas de classement. Je crois que beaucoup de joueurs engagés par le FC Brussels ont raisonné de la même manière. Le seul petit inconvénient, pour moi, c’est la distance qui me sépare de mon domicile verviétois. Mais en compagnie de Christophe Kinet, et d’Aloys Nong depuis le mois de décembre, les kilomètres défilent agréablement. Aujourd’hui, j’espère rempiler. Un nouveau contrat de deux ans me comblerait. Je devrais bientôt en discuter avec la direction.

Dès le départ, le FC Brussels avait été catalogué comme le principal favori au titre en D2…

On avait parlé d’invincible armada. A partir de là, d’aucuns ont fait la fine bouche parce que nous n’avons pas remporté le titre avec 15 points d’avance. C’est vrai que nous-mêmes, nous avions sans doute espéré pouvoir sabrer le champagne une ou deux semaines plus tôt. Mais en D2, un titre est toujours conquis dans la douleur. C’est un combat de tous les instants. A fortiori lorsqu’on est attendu partout avec les honneurs du grand favori. Il y a peu de place pour l’académisme. On s’en est rendu compte dès le premier match. A Tirlemont, nous devions, de l’avis de tous les observateurs, nous imposer les doigts dans le nez. Nous sommes tombés dans un traquenard. 4-1, sur un terrain bosselé, face à une équipe très rugueuse. Là, je me suis demandé : – Maissuisjetombé ? Lors du match suivant, nous avons concédé le partage à domicile contre l’AS Eupen. Le grand favori débutait le championnat avec un point sur six. C’était mal parti. La suite, heureusement, fut meilleure, même si nous avons encore connu des moments difficiles. Comme la défaite à Virton, voici trois semaines. Ce jour-là, j’étais passé au travers. L’entraîneur m’avait d’ailleurs montré du doigt. Ce n’était pas nécessaire. Lorsque je suis mauvais, je le sais.

 » Favoris, on a assumé  »

Cette étiquette de grand favori fut-elle lourde à porter ?

On a assumé notre statut. Dès le départ, tout le monde a annoncé la couleur : les joueurs, la direction. On a déclaré d’emblée qu’on visait le titre et on a tenu parole. Rien que pour cela, je trouve que le FC Brussels est un grand champion. On n’a pas survolé la compétition, comme certains l’avaient pensé, mais nous avons livré un championnat très sérieux, avec une belle réussite à la clef.

Comment avez-vous vécu cette saison en D2 ?

Ce n’est pas toujours gai, lorsqu’on a évolué dans les plus grands stades de D1, d’aller jouer à Virton, à Dessel ou à Renaix. Il faut s’habituer aussi, lorsqu’on a connu la médiatisation d’un grand club de l’élite, à évoluer dans un relatif anonymat. Mais la satisfaction de jouer la tête a compensé ces petits inconvénients.

Vous vouliez à tout prix éviter le tour final…

Oui, pour diverses raisons. D’abord, le tour final est une loterie. Sur six matches, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Chaque match est un match de coupe. Mentalement, aussi, je ne sais pas si nous aurions trouvé les ressources pour aborder ce tour final dans les meilleures conditions. Nous avons tout donné pour terminer en champion, et c’eût été beaucoup de demander un effort supplémentaire. Heureusement, cela n’a pas été nécessaire.

Sur un plan purement footballistique, qu’est-ce qui vous a permis d’émerger ?

Les qualités de chacun, tout simplement. On avait des joueurs importants et beaucoup de maturité dans chaque secteur. Dans le but, il y avait le gardien Patrick Nys. En défense, Sammy Greven et moi-même. Dans l’entrejeu, Richard Culek et Christophe Kinet étaient au-dessus du lot. Ils valent beaucoup mieux que la D2. Et devant, on a pu compter sur un attaquant d’expérience de la trempe d’Ibrahim Tankary. On a commis beaucoup de fautes sur lui et on en a profité. Les phases arrêtées nous ont souvent permis de débloquer la situation. Les corners et les coups francs bottés par Christophe Kinet ont toujours été très dangereux. Si l’on avait possédé un bon joueur de tête en plus, on aurait sûrement encore inscrit davantage de buts. Souvent, le plus difficile était d’entamer la marque. Après, le verrou se débloquait. Mais, dans l’ensemble, chacun a apporté sa petite pierre à l’édifice. Des joueurs comme Nicolas Flammini et Christ Bruno, que je ne connaissais pas, furent pour moi des révélations. Le FC Brussels était une équipe bien équilibrée, avec un bon amalgame entre jeunes et anciens, entre techniciens et battants.

Le petit point faible que l’on vous attribuait, à savoir un noyau restreint, n’a finalement pas prêté à conséquence…

On a eu la chance d’avoir très peu de blessés. Et pratiquement pas de blessures musculaires. Seulement des coups directs. Il faut louer le travail du préparateur physique, Frédéric Renotte. Et lorsqu’un joueur devait purger une suspension, son absence a toujours pu être compensé par la polyvalence d’autres joueurs du groupe. On a finalement tourné avec 15 ou 16 joueurs. C’était un risque, mais pour la D2, ce petit groupe s’est révélé suffisant. Pour la D1, il faudra probablement l’étoffer. La direction en est consciente. Sans vouloir tomber dans l’excès inverse, je crois qu’un noyau de 19 ou 20 joueurs de champ, complété par trois gardiens, serait idéal.

Quels furent vos rapports avec Johan Vermeersch ?

C’est un personnage un peu spécial. Dur en affaires, et donc également dans les négociations de contrat. Mais il sait ce qu’il veut, et il faut reconnaître qu’il a réalisé un travail remarquable. Durant la saison, il s’est fait assez discret. Il a laissé travailler le staff sportif.

 » Van Veldhoven mériterait de continuer  »

Et l’entraîneur Harm Van Veldhoven ?

J’ai beaucoup apprécié de travailler avec lui. Ses entraînements furent toujours bien dosés et il est parvenu à instaurer une très bonne ambiance dans le groupe. J’ai lu dans la presse que l’on émettait des doutes sur la qualité de son travail. Je trouve que ses mérites ont été sous-estimés. En ce qui me concerne, j’espère en tout cas qu’il restera. C’est la deuxième fois qu’il parvient à faire monter un club de D2 en D1, et ce n’est pas un hasard. Il mériterait de pouvoir poursuivre son £uvre.

Quels furent pour vous les moments forts de la saison ?

Les matches les plus agréables à disputer furent ceux face aux équipes de tête : Ostende (deux partages 2-2), Zulte-Waregem (deux victoires 3-0) et Tubize (une victoire 1-0 et un partage 0-0). Mais j’ai aussi savouré les trois larges victoires sur le score de 6-0 : à domicile contre Tirlemont et Maasmechelen, deux équipes qui nous avaient battus chez elles, et en déplacement à Denderleeuw. Même si le niveau de certaines équipes de D2 n’est pas extraordinaire, réaliser un score fleuve demeure un exploit. Le réaliser à trois reprises est d’autant plus remarquable.

Et puis, il y eut ce fameux penalty converti en deux temps contre Maasmechelen…

Christophe Kinet et moi, nous avions envisagé le cas depuis le début de la saison. On en parlait régulièrement dans la voiture : si, un jour, nous menions par un écart suffisamment large et qu’il ne restait que quelques minutes à jouer, nous allions essayer un truc. Le cas s’est présenté contre Maasmechelen : c’était 5-0 et on allait aborder la 90e minute. Il a encore fallu convaincre Dieter Dekelver : il venait d’inscrire deux buts durant cette deuxième mi-temps et voulait réaliser un hat-trick. Après une tentative d’explication, il a accepté de nous laisser faire. Kiki s’est élancé et m’a adressé une petite passe, pour que je puisse conclure. C’était mon deuxième but de la saison. Et celui-là était particulièrement original.

Comment voyez-vous la suite ?

Le plus difficile était de s’extraire de la D2. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela n’avait rien d’évident. Maintenant que nous sommes en D1, il faudra essayer d’y rester. Car, si c’est pour faire l’ascenseur chaque année, c’est inutile de fournir autant d’efforts. Surtout dans la capitale, où les gens se mobilisent exclusivement pour les grands rendez-vous. L’assistance aux matches, cette saison, a parfois été décevante. On a joué devant 3.000 spectateurs.

Comment, vous le Verviétois, voyez-vous la problématique du football bruxellois ?

A Bruxelles, il y a d’abord Anderlecht, c’est clair. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas le club du Parc Astrid, il faut voir la réalité en face. Mais tout le monde n’est pas supporter du Sporting et ceux qui ne portent pas les Mauves dans leur c£ur seront sans doute heureux de retrouver le chemin du stade Edmond Machtens. Il faudra essayer de se tailler une petite place à côté du puissant voisin. Mais on peut faire confiance à Johan Vermeersch pour attirer des personnalités importantes au club et permettre au nouveau né de continuer à grandir.

Daniel Devos

 » On avait annoncé la couleur dès le départ et ON A TENU PAROLE « 

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