LE SHEVA CROATE

Jan Hauspie
Jan Hauspie Jan Hauspie is redacteur bij Sport/Voetbalmagazine.

Ses problèmes en sélection nationale n’entachent pas le moral du buteur croate :  » Je suis tombé dans un club fantastique « .

I van Bosnjak n’est pas aussi fermé et capricieux que la plupart des Croates. Il est sympathique, souriant et ne donne pas l’impression d’être toujours débordé. Au contraire : il n’épargne pas ses compatriotes et souligne la chaleur du vestiaire de Genk. Une atmosphère bien moins passionnée qu’au Dinamo Zagreb où, voici deux ans, des dizaines de fans masqués avaient envahi le terrain d’entraînement.

Ivan Bosnjak (il rit) :  » Ils nous ont arraché nos vareuses et nous ont dit qu’ils ne nous les rendraient que lorsque nous jouerions bien. C’était un avertissement. A la trêve, le président a acheté de nouveaux joueurs et nous avons été cham-pions « .

Avez-vous eu peur ?

Non, ça me faisait rire. Je n’ai jamais eu de problèmes avec les supporters mais, en Croatie, il y a toujours des histoires de ce type. A côté de cela, Genk, c’est fantastique. Croatia is crazy(il rit).

Pourquoi n’avez-vous pas participé au match de qualification pour l’Euro 2008 en Israël ?

Je me le demande. Après la Coupe du monde, Slaven Bilic a été nommé sélectionneur de l’équipe nationale. Il fut mon manager lorsque je jouais à Hajduk. Nous avions de bonnes relations jusqu’à ce que je parte à Marseille. J’y avais signé un très bon contrat mais il fut rompu après quinze jours. Je ne sais pas pourquoi mais lui oui. Il a repris tous les documents qu’il avait signés et m’a obligé à rentrer à l’Hajduk. Depuis on ne se parle plus. Avant le match contre l’Angleterre du 11 octobre dernier, il m’a appelé pour me dire qu’il voulait me sélectionner mais je me suis blessé à l’épaule. Maintenant, j’attends. Si je continue à jouer de la sorte, il devra venir.

Vous n’aviez que 21 ans lorsque vous avez été sélectionné pour la première fois en 2000.

Je jouais encore à Hajduk Split. Après, j’ai connu des tas de problèmes, surtout à cause de ce qui s’est passé à Marseille.

Pendant quatre ans, vous n’avez alors été repris qu’une seule fois.

C’est vrai mais l’équipe était très forte avec Davor Suker , Alen Boksic , Robert Prosinecki , Mario Stanic Ils étaient meilleurs que moi et je devais attendre. Le fait d’être repris une fois était déjà fantastique. Aujourd’hui, la situation est différente et je suis fâché de ne pas faire partie du groupe.

En 2005, vous avez été repris pour les six matches de qualification pour la Coupe du monde.

J’ai joué six fois mais je n’ai pas toujours été titulaire, il m’arrivait d’entrer en fin de match. Le coach de l’époque, Zlatko Krancjar, estimait que ceux qui jouaient bien dans leur club méritait une place en sélection. Les huit premiers mois après mon retour au Dinamo Zagreb début 2004, j’ai dû travailler dur pour retrouver mon niveau puis j’ai été repris.

Rapports peu cordiaux avec le coach de la Croatie

Mais en Coupe du Monde, vous n’avez joué que quatre minutes.

Bosko Balaban et moi partagions la même chambre. Il n’a pas joué du tout. Je ne sais pas pourquoi. L’équipe nationale, c’est…. Pffft. Impossible d’expliquer tout ce qui s’y passe. Ce sont presque toujours les mêmes qui jouent, même s’ils ne sont plus titulaires dans leurs clubs depuis six mois.

Evidemment, il y avait de la concurrence : Yvan Klasnic de Brême, Ivica Olic du CSKA Moscou, Dado Prso des Glasgow Rangers

Mais Prso a arrêté après le Mondial et je me disais qu’à la première occasion, le nouveau sélectionneur ferait appel à moi. J’ai été meilleur buteur en Croatie, transféré à Genk, nous sommes leader et je marque. Alors que tout se passe pour le mieux, je ne suis pas repris. Lorsque Bilic m’a téléphoné, nous avons parlé pendant une heure mais on ne peut pas dire que la discussion fut cordiale (il sourit).

Si vous aviez joué davantage en Coupe du monde, seriez-vous à Genk ?

(Sans hésiter) Yes. J’avais déjà parlé avec Genk avant notre premier match face au Brésil et nous étions tombés d’accord. Je suis tombé dans un club fantastique et je suis très heureux ici. C’est important pour moi car le reste suit.

Trois jours plus tard, Torino rejoignait la Série A italienne et voulait s’attacher vos services.

C’est vrai mais je préférais Genk. Voyez où en est Torino aujourd’hui. Si cela continue, il va redescendre. Qu’aurais-je fait là-bas ? Un de mes amis a joué que dans des clubs luttant pour ne pas descendre. Ce n’est pas du football. Si je joue bien à Genk pendant 2 ou 3 ans, je pourrai peut-être rejoindre un bon club de Série A.

Mais vous aurez déjà 28 ans en janvier.

Prso avait presque 30 ans lorsqu’il est parti aux Glasgow Rangers et Nico Kovacs joue toujours très bien à 35 ans. Mes meilleures années sont devant moi. Tout le monde dit que c’est entre 28 et 32 ans qu’on est le plus fort. Bien sûr, on rêve tous de jouer dans un grand club mais je me concentre sur Genk.

Luciano D’Onofrio lui a posé un lapin

Savez-vous que Pierre Denier vous avait déjà suivi en février 2000 ?

Non.

Vous disputiez la finale de Coupe de Croatie avec Cibalia Vinkovci.

Nous avions perdu contre Osijek, volés par l’arbitrage. Je n’aime pas dire cela mais si vous voyez la cassette, vous compren-drez que quelque chose d’anormal s’est produit. Après, j’ai remporté deux titres et une Coupe mais, pour Cibalia, c’était la première finale. Tout le monde pleurait.

Un an après, vous avez failli signer au Standard.

Ma plus grande erreur. Mon manager de l’époque, et actuel sélectionneur national, travaillait avec Luciano D’Onofrio. Je n’aurais jamais dû permettre à ces gens-là de me conseiller.

Après cela, vous êtes retourné à Hajduk Split : quelle aventure !

On ne m’a jamais rien demandé. J’ai signé à Marseille puis on m’a renvoyé. J’avais 21 ans. J’ai passé un jour à Liège parce que je voulais parler à D’Onofrio, pour comprendre. Mais je ne l’ai pas vu. C’était peut-être mieux. Quand je repense à tout cela, j’essaye de me dire que c’étaient des erreurs de jeunesse.

Dans le seul article de presse que j’aie retrouvé au sujet de l’intérêt du Standard, on parlait de vous comme du  » Shevchenko croate « .

Ce sont des paroles de journalistes. A l’époque, je jouais bien avec Hajduk. Plusieurs clubs me voulaient mais j’ai opté pour Marseille et ça s’est dégradé. Tomislav Ivic entraînait l’O.M. et Slaven Bilic était mon manager. Cela aurait dû m’avantager, ce fut tout le contraire.

Cette comparaison avec Andriy Shevchenko vous plaisait-elle ?

C’est un compliment : tout le monde aime en recevoir.

Il court, travaille et marque. Comme vous.

Je fais de mon mieux. Je ne suis pas du genre à attendre le ballon mais il y a plusieurs sortes d’attaquants.

Le fils Kadhafi a été son coach

Après Marseille, vous êtes parti à Al Ittihad, en Libye. Encore une erreur !

Je n’avais plus rien. A Hajduk, on me disait que je devais oublier mais je n’y arrivais pas. A Split, je devenais fou. Je ne répondais plus au téléphone, je m’entraînais et rentrais chez moi. On m’interrogeait sans cesse sur ce qui s’était passé à Marseille mais je ne pouvais pas répondre. Un jour quelqu’un m’a demandé si je voulais aller en Libye et je suis parti. C’était une fuite. Quand on a commis une erreur, on en commet souvent une deuxième pour oublier. Cela m’est arrivé car j’étais mal entouré. En Croatie, des tas de managers ne pensent qu’à l’argent.

Comment était la vie en Libye ?

Invivable ! Une catastrophe !

Il paraît qu’en six mois, vous n’avez pas disputé un seul match officiel.

Si, mais vous n’en retrouverez pas trace. C’est le championnat de Libye, hein ! Je dois dire que nous avions une très bonne équipe, dirigée par le fils de Kadhafi. Il avait acheté Patrick Mboma, Victor Ikpeba,… Nous gagnions tous les matches cinq, six ou sept à zéro. Totalement anormal.

Ensuite ?

Le président du Dinamo Zagreb m’a demandé si je voulais rentrer et je n’ai pas hésité. J’étais très content, même s’il n’a pas été facile de récupérer mes papiers. Kadhafi ne m’aimait pas et m’a mis des bâtons dans les roues mais le président du Dinamo Zagreb a tout arrangé et je lui en suis très reconnaissant.

On dirait que vous n’avez jamais vraiment contrôlé votre carrière.

C’est tout de même moi qui ai signé à Marseille. C’est pour cela que je dis que j’ai commis l’erreur de vouloir travailler à tout prix avec des agents croates. J’avais confiance en Slaven Bilic mais c’était un bon joueur, pas un bon manager.

Qui défend vos intérêts, à présent ?

Marko Naletilic.

La première fois que vous êtes venu à Genk, vous étiez accompagné de Robert Spehar.

Je l’ai rencontré à l’aéroport, en compagnie d’un ami. Il n’a rien à voir avec Naletilic ni dans mon transfert. Il nous a juste accompagnés en voiture parce qu’il avait également rendez-vous à Genk.

L’an dernier, il avait présenté Goran Ljubojevic au Standard.

Je n’en sais rien. A vrai dire, je ne connais pas très bien Spehar. En fait, je ne sais pas ce qu’il fait.

Spehar, Stanic, Balaban… Des attaquants croates qui ont réussi en Belgique mais avaient souvent des allures de star. Vous êtes tout à fait différent.

Le football est mon métier et j’ai aussi ma vie. Tous les gens sont égaux. Pourquoi aurais-je une grande g… ? Ce n’est pas parce que je marque que je suis spécial. Le football est un sport d’équipe, ce n’est pas du tennis.

Peut-être est-ce dû à vos origines. Vous êtes de Vinkovci, dans le nord de la Croatie. On dit que les gens de là-bas sont plus aimables.

C’est vrai mais, selon moi, on retrouve de tout partout. Je pense qu’il vaut mieux qu’un footballeur entame sa carrière dans un petit club comme Cibalia car on y apprend à se battre. Quand on joue directement dans une grande équipe, c’est souvent trop facile.

Une kyrielle de surnoms et de tatouages

Milukic n’est-il pas de votre région ?

Oui, à dix minutes de chez moi, dans la ville la plus touchée pendant la guerre civile : Vukovar. Nous nous connaissions mais nous n’avions jamais joué ensemble.

On dit que Vinkovci c’est la Porte de la Croatie, à la frontière serbe. Comment avez-vous vécu la guerre ?

Crazy. Ne racontez pas cela dans le journal (il rit). J’avais douze ou treize ans. Pendant deux ou trois mois, nous nous sommes cachés dans des caves, jusqu’à ce que mes parents m’envoient à l’école à Zagreb. Ils habitent toujours à Vinkovci, comme mon frère. Avant la guerre, mon père travaillait dans les chemins de fer ; ma mère, dans un magasin. Elle avait été athlète. C’est d’elle que je tiens ma course. D’ailleurs, je lui ressemble tandis que mon frère est le portrait tout craché de mon père.

Pourquoi vous appelle-t-on Superman ?

Cela date de l’époque de Cibalia. Nous avons dû lutter pour le maintien jusqu’à la dernière journée. Un ami m’a offert un t-shirt bleu frappé du signe rouge. Nous avons gagné et ce t-shirt est devenu mon porte-bonheur. Je l’ai longtemps porté mais, aujourd’hui, il est affiché au mur à la maison.

On vous surnomme aussi Iko.

Iko vient d’Ivan. Mes parents, mon frère et mes amis d’enfance m’appellent comme cela. Dans le foot, on m’appelle plutôt Bole, de Bosnjak.

Iko est tatoué en grand sur votre bras gauche. Vous aimez les tatoos ?

J’en ai sept. Lorsque quelque chose signifie beaucoup pour moi, je me la fais tatouer afin qu’elle m’accompagne partout.

Vous semblez très croyant.

Je me suis fait tatouer un grand portrait de Jésus sur le dos. Il est donc toujours avec moi. Avant un match, je me signe neuf fois. Et je vais à l’église depuis tout petit. J’ai entendu dire qu’à Genk, il y a une messe en croate chaque premier samedi du mois. Je vais essayer d’y aller.

JAN HAUSPIE

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