Le sceptre d’Otto
Le coach national croate n’a pas le droit à l’erreur.
Otto Baric (69 ans) s’est forgé un palmarès aussi long qu’un jour sans sljivovica, un alcool de prunes. Son tracé, c’est pas de la petite prune. Joueur dans trois clubs de Zagreb (Dinamo, NK et Lokomotiv), il entama sa carrière d’entraîneur à 31 ans. Il collectionna 12 titres nationaux, six Coupes, disputa la finale de la Coupe des Coupes avec le Rapid de Vienne contre Everton en 1985, la finale de la Coupe de l’UEFA avec Casino Salzbourg face à l’Inter en 1994, etc. Il travailla avec Miroslav Blazevic lors de la phase finale de l’EURO 96.
Mais la presse croate sera sans pitié et exigera son départ en cas de pépin face à la Belgique. Deux semaines avant le coup d’envoi, les médias faisaient déjà monter la pression. Les journaux consacraient des pages entières à l’événement en s’intéressant à tout: l’arbitre, les Diables Rouges, Baric, le prix des places jugé excessif (entre 11 et 30 euros), l’avis au picrate des anciennes gloires, etc.
Otto tient son sceptre mais vit entre sacre et défenestration. « J’ai l’habitude… », dit-il.
Confiant
Qu’avez-vous retenu de votre dernière tournée en Belgique?
Otto Baric: Ce fut un voyage d’étude tout à fait indiqué, utile et même décisif dans ma perception du football belge. Je le connais via la présence des Diables Rouges sur la scène internationale, j’ai mes contacts, ma documentation, mes cassettes vidéo mais je voulais voir de quoi le jeu belge se nourrit au quotidien. Ainsi, j’ai pu assister au match retour de Coupe de l’UEFA des Anderlechtois contre Panathinaikos. Je n’ai pas vu de système de jeu mais une équipe qui avait décidé d’imposer un combat. L’exploit était possible mais c’est à l’aller que l’équipe a été éliminée. Sur le plan du pétillement de jeu, j’étais resté sur ma faim. L’émotion ou le suspens, c’est différent. J’étais un peu irrité par Yves Vanderhaeghe -NDLA: out depuis l’interview. Il ne cesse de faire des fautes, puis de s’en prendre à l’homme qu’il a fauché. Pour moi, c’est un signe de faiblesse ou de perte de vitesse. L’arbitre aurait dû le sanctionner. Walter Baseggio m’avait bien plu ce soir-là.
Il n’y aura pas beaucoup d’Anderlechtois à Zagreb mais pas mal de Brugeois.
Je les ai vus contre l’Antwerp. C’est une machine bien huilée, avec beaucoup d’automatismes et j’ai vu ce que je devais voir. J’ai notamment constaté que Gaëtan Englebert était un médian axial mais pas un homme de couloir. Je songe à lui car il joue assez à droite en équipe nationale. Mais je ne veux pas trop me braquer sur ce problème car je sens qu’Aimé Anthuenis va modifier ses batteries à Zagreb. Je ne suis pas sûr du tout qu’on verra la même occupation de terrain que lors des derniers matches. Et Thomas Buffel pourrait jouer un rôle dans ce glissement tactique.
C’est-à-dire?
La Belgique a pour le moment une équipe taillée en 4-3-3. Si elle maintient ce concept, elle risque d’avoir des problèmes au centre de la pelouse. Avec trois attaquants, elle libère des zones, au centre mais aussi sur les flancs où elle a des soucis. Je crois que le coach national belge prendra ses précautions et meublera la ligne médiane. Je m’attends à voir Buffel plus à droite que dans l’axe et le tout en 4-4-2. Nous avons ce qu’il faut sous la main pour trouver la parade. Pas mal de nos joueurs évoluent avec bonheur en Allemagne ou en Italie. Igor Tudor connaît les pièges du Calcio et de la Ligue des Champions. Ils ont l’habitude de jouer contre les meilleurs. Moi, je ne redoute pas ce match. Nous devons faire peur aux Belges. Zagreb doit être un enfer… Tous à 120%
Tout bon Diable a l’habitude de vivre en enfer, merci. Si Anthuenis cherche, vous aussi avec, notamment, Dado Prso, de Monaco, qui fera sa première apparition en équipe nationale…
Exact. Il brille à Monaco et je l’ai à nouveau vu à l’oeuvre lors du déplacement de son club à Lille. Il est moderne, bouge, déplace, marque. Prso sait fatiguer une défense tout comme Olic. Il y aura un dosage de force et de vitesse, de variantes pour agir où nousl’entendons. Ce sera un match de battants. Ivica Mornar a des atouts à présenter dans ce genre de matchoù je peux introduire, si nécessaire, l’élément de surprise à tout moment. Il n’y aura pas de points faibles. Parce qu’il faut être prêts à 120%.
Mais la Croatie est plus dans le besoin que la Belgique. Avec un point sur six, même un match nul ne serait pas bon pour vous.
Evidemment. Il faut gagner, rien que gagner
N’avez-vous l’impression que quelque chose a changé dans le football belge durant la Coupe du Monde. Le bon match contre le Brésil n’a-t-il pas déclenché un mouvement vers un football plus offensif qui pourrait vous étonner? De plus, votre confiance peut conduire les Diables Rouges vers un rôle d’outsider d’un soir qui lui convient souvent.
Je sais tout cela. C’est pour cela que je veux que Zagreb soit un enfer. Comme lors des éliminatoires de la Coupe du Monde 98. Un bon souvenir pour nous. Nous sommes capables de le revivre.
Pierre Bilic
« Zagreb doit être un enfer »
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