Le salaire de la peur

Bruno Govers

Le Sporting aurait pu plier définitivement le championnat mais le retrait d’Ivica Mornar lui a joué un tour pendable.

A l’image de ce qui s’était passé quelques jours plus tôt face au Bayern Mu- nich, le RSCA n’a pas été en mesure de conserver face au FC Bruges le mince avantage d’un but qu’il avait réussi à se forger avant la pause. Si, en Ligue des Champions, les changements opérés par l’entraîneur des Bavarois, Ottmar Hitzfeld, pesèrent d’un poids considérable dans le verdict final, cette fois, c’est le coach anderlechtois lui-même qui précipita dans une large mesure le partage des siens en ôtant du jeu Ivica Mornar, qui avait été dans tous les bons coups de ses couleurs jusqu’à ce moment. Cette substitution se justifiait d’autant moins qu’avec son compère Aruna Dindane, très en verve lui aussi, le Croate s’était plu, tout au long de la partie, à tenir en haleine l’intégralité de la défense brugeoise par son activité inlassable dans l’axe et ses plongées incessantes vers les flancs. C’est d’ailleurs sur l’une de ses actions que le Sporting avait trouvé l’ouverture.

Délivrés de ce poison, les arrières brugeois purent se permettre dès ce moment de commettre deux hommes seulement à la garde de l’Ivoirien, à charge de leurs latéraux d’alimenter à profusion une division offensive composée de pas moins de quatre éléments avec Andres Mendoza, Rune Lange, Gert Verheyen et Nastja Ceh. Alertés au prix de longues balles à suivre, ceux-ci étaient subitement beaucoup plus performants qu’une ligne médiane anderlechtoise, en supériorité numérique, certes, avec cinq footballeurs contre trois, mais qui, malheureusement, ne virent pour ainsi dire jamais le ballon.

Sous l’angle purement tactique, le mentor brugeois, Trond Sollied, venait là de remporter son deuxième match dans le match, lui qui, pour les besoins de cette rencontre, avait déjà dérogé à son 4-3-3 au profit d’un 4-4-2, davantage susceptible de contrecarrer un RSCA qui s’alignait précisément selon ce canevas.

Tout, à vrai dire, était magnifiquement ficelé du côté des visiteurs avec Timmy Simons en étroit marquage sur Aruna Dindane et David Rozehnal sur Ivica Mornar. Sur les ailes, Gert Verheyen et Ivan Gvozdenovic enrayaient eux aussi, parfaitement, l’action de leurs pendants anderlechtois en coupant astucieusement les angles devant Olivier Deschacht et Michal Zewlakow. Au plan de la maîtrise du jeu et des occasions, les Bleu et Noir auraient logiquement dû prendre l’ascendant sur leurs adversaires en première armure. Mais il est décidément écrit que les Anderlechtois ont besoin de très peu pour marquer tandis que les Clubmen doivent quasiment mobiliser toute une équipe pour parvenir aux mêmes fins. Car hormis Andres Mendoza, capable des mêmes coups de patte géniaux qu’Aruna Dindane, le reste de la ligne d’attaque brugeoise ne soutient manifestement pas la comparaison avec celle du Sporting. Et pourtant, le choix ne manque pas au stade Jan Breydel avec ceux qui ont été cités ci-avant, à majorer de Sandy Martens, Josip Simic et Timmy Smolders. Mais un déménageur comme Ivica Mornar ou un buteur comme Nenad Jestrovic, le FC Bruges ne les possède pas dans ses rangs.

La quantité, pas la qualité

D’une saison à l’autre, en réalité, la direction brugeoise a sans doute commis les mêmes erreurs que son homologue anderlechtoise quand, voici deux ans, elle dut pourvoir au remplacement de quatre titulaires et non des moindres : Jan Koller, Tomasz Radzinski, Bart Goor et Didier Dheedene. En faisant appel à des garçons comme Tomislav Butina et Ivan Gvozdenovic qui s’ajoutent à des noms tout aussi peu ronflants que Sergei Serebrennikov,Bengt Saeternes ou Marek Spilar la saison passée, Bruges se retrouve à peu de choses près à la case départ aujourd’hui, alors que le Sporting, lui, a eu l’occasion de poursuivre sur sa lancée en maintenant l’essentiel de ses forces vives et en y adjoignant la qualité d’un Pär Zetterberg ou d’un Christian Wilhelmsson. Après huit journées, cette donne permet aujourd’hui aux Anderlechtois de compter sept points d’avance sur leurs rivaux, soit autant que le Club sur le Sporting à la même époque la saison dernière.

Les similitudes ne s’arrêtent d’ailleurs pas là, puisque les problèmes rencontrés secteur par secteur au RSCA il y a un an se vérifient comme par enchantement à Bruges. Car au Club, aussi, il y a une problématique des gardiens aujourd’hui, comparable à celle qui opposait Filip De Wilde et Daniel Zitka au Parc Astrid au départ de l’exercice 2002 2003 ; et Bruges, à l’instar d’Anderlecht, peine aussi à trouver la quadrature du cercle dans les autres secteurs. A cet égard, la nouvelle disposition en 4-4-2 au Sporting en dit long, ainsi que l’identité des titulaires. Car là où le Club reposait sur un 11 quasi immuable, 21 joueurs ont déjà passé la revue dans l’équipe cette année. Comparaison n’est pas raison mais le RSCA en dénombrait exactement le même chiffre il y a un an.

Avec sept points d’avance, Anderlecht a laissé passer une belle occasion de plier de façon définitive le championnat. Pour Bruges, en revanche, il est toujours permis d’espérer. Car dans la Venise du Nord, on n’a pas oublié qu’en 2000-2001, un avantage de six points sur Anderlecht s’était transformé en un retard de quatre unités en l’espace de six semaines à peine. Et comme les rôles sont inversés cette saison, pourquoi l’histoire ne repasserait-elle pas les plats ? D’autant plus qu’Anderlecht ne s’apparente plus toujours au long fleuve tranquille qu’il était en début de saison.

Ivica Mornar s’estime remplacé trop fréquemment à son goût. Quant à Pär Zetterberg, il en a de plus en plus marre de faire banquette. Jusqu’à la semaine passée, Hugo Broos avait eu chaque fois la main heureuse dans ses options. Et au nom des bons résultats, la grogne n’était pas de mise. A présent, coup sur coup, ses décisions n’ont pas été marquées du sceau du succès. Du coup, en haut lieu, certains s’interrogent. Ou font même part, carrément, de leurs sentiments. Comme le président d’honneur, Constant Vanden Stock, qui clame à qui veut l’entendre qu’une cohabitation entre le Suédois et Walter Baseggio doit toujours être possible. Et ce que Constant veut….

Bruno Govers

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