LE SAGE de Hortaleza

Tel est le surnom du nouveau sélectionneur espagnol.

Au Portugal, lors de l’EURO 2004, la tradition a été respectée : l’Espagne a complètement failli à sa tâche, comme elle en a l’habitude lors des grands tournois. Et Inaki Saez, qui semblait bien ancré à son poste, a été poussé vers la porte de sortie par la presse. Luis Aragonés, qui était jusqu’il y a peu le doyen des entraîneurs de l’élite, a été plébiscité coach national par la vox populi.

Est-ce un cadeau ou un cadeau empoisonné ?

LuisAragonés : Un cadeau, bien sûr. On ne peut pas imaginer qu’il soit empoisonné lorsqu’un tel honneur vous échoit. J’ai plutôt l’impression d’avoir gagné le gros lot. Se retrouver à la tête de l’équipe nationale espagnole, c’est quelque chose de grand. Et ce bonheur m’arrive à un moment très important de ma vie, parce qu’au fil de toutes ces années passées dans le monde du football, j’ai pu en avoir une très bonne perception.

Lorsque Inaki Saez a présenté sa démission, votre nom a d’emblée circulé. Et il semblait faire l’unanimité…

Au fil des enquêtes, je me suis effectivement aperçu que j’avais une bonne chance d’être l’heureux élu. Le fait que ma candidature recueillait l’assentiment quasi unanime était très gratifiant : c’était la reconnaissance d’un travail, d’un parcours réalisé tout au long de ma carrière. J’ai toutefois pris toutes les rumeurs avec beaucoup de circonspection… jusqu’à ce que, le 30 juin à 18 heures, le président de la fédération m’ait téléphoné pour officialiser la nouvelle. Là, j’ai ressenti une grande joie. Aujourd’hui encore, je me souviens de ce moment-là. Emotionnellement, ce fut très fort. J’ai ressenti une sorte de tressaillement interne, ce qui est inhabituel chez moi, car avec tout ce que j’ai vécu, je parviens facilement à relativiser.

Quel est votre avis sur l’échec de l’Espagne au Portugal ?

On a été injuste avec Inaki Saez. Si la Selección, qui comportait beaucoup de jeunes joueurs, ne s’est pas qualifiée pour les quarts de finale, c’était avant tout pour une question de détails. L’un de ces détails c’était la malchance.

Vous avez, en tout cas, l’avantage de débuter à la tête de l’équipe nationale avec un préjugé favorable…

Je ne sais pas si c’est vraiment un avantage. C’est bien de voir son travail antérieur reconnu, mais cela ne m’empêchera pas d’être jugé sur le jeu que développera l’équipe nationale lors de la campagne actuelle, et encore plus sur les résultats qu’elle obtiendra.

A 66 ans, vous prenez probablement l’un des derniers trains de votre carrière. Deux arrêts sont prévus : en 2006 pour la Coupe du Monde et en 2008 pour le Championnat d’Europe…

Quitter le monde du football se révélera très difficile pour moi. Mais, vu mon âge, on peut effectivement considérer que j’entame l’une de mes dernières missions. En ce qui me concerne, en tout cas, je suis extrêmement motivé. A 66 ans, la flamme n’est pas éteinte en moi. Je dirai même qu’elle scintille plus que jamais.

Reste à convaincre les joueurs d’avoir le même feu sacré…

J’exigerai d’eux qu’ils prennent exemple sur le Brésil, sur l’Allemagne… ou sur d’autres. Qu’ils prennent conscience de l’honneur que représente une sélection nationale.

 » Prendre les 23 meilleurs ne suffit pas  »

Au Portugal, les 23 joueurs sélectionnés étaient ceux que tout le monde attendait… mais cela n’a pas suffi !

Personne n’avait, effectivement, discuté les choix de mon prédécesseur. Si l’on avait demandé à l’homme de la rue quels étaient les 23 joueurs qu’il aurait sélectionné, il aurait, à l’une ou l’autre exception près, cité ceux retenus par Inaki Saez. Mais il ne suffit pas de sélectionner les 23 meilleurs joueurs pour avoir la meilleure formation. Une équipe, c’est un collectif, une complémentarité, une volonté. Beaucoup de choses à la fois.

Avec le titre de champion d’Europe de la Grèce, doit-on s’attendre à ce que le catenaccio redevienne à la mode ?

C’est possible. Mais il faut reconnaître les mérites des Grecs. Leur jeu s’articulait, certes, sur la solidité de leur défense, mais à mes yeux, bien défendre peut s’avérer très beau. En outre, chaque fois que les Grecs sont sortis, ils se sont montrés très dangereux. Et ils ont concrétisé leurs occasions avec un grand pourcentage d’efficacité. Lors de chaque match, une équipe hérite toujours de deux ou trois occasions. Les Grecs en ont tiré un profit maximal. Le mérite leur en revient.

Compte tenu de cette donnée, que peut-on attendre de l’Espagne ? Une sélection conservatrice ou audacieuse ? Une équipe prudente ou ambitieuse ?

Ma philosophie a toujours été portée vers l’offensive, peut-être parce que durant ma carrière de joueur, je suis passé du milieu de terrain vers l’attaque. Mais l’option choisie dépendra évidemment du déroulement du match, ou de la situation dans laquelle nous nous trouvons au classement.

Lors de vos premières interviews en tant que coach national, vous aviez déclaré que tout le monde devait tirer à la charrette, et pas simplement Raul. Comptez-vous confier un rôle moins important au capitaine de l’équipe ?

Non, pas du tout. Raul est un joueur très important, intelligent et volontaire. Mais il ne doit pas être le seul baromètre. On doit trouver dans l’équipe quatre ou cinq joueurs-clefs, sur lesquels on peut s’appuyer en cas de coup dur : deux derrière, deux en milieu de terrain et un devant. Afin d’avoir ce que j’appelle une marge de sécurité au cas où votre atout n°1 est en méforme.

Vous considérez aussi le travail psychologique comme essentiel…

Oui, il faut pouvoir convaincre un joueur de sa valeur, avant qu’il ne monte sur le terrain. C’est très, très important. Ce travail psychologique se trouve à la base de bien des victoires.

Luis Arnaiz, ESM

 » Il faut CONVAINCRE UN JOUEUR de sa valeur « 

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