« Le RWDM a sa place en D1 »

Le club de la capitale a-t-il les moyens de jouer parmi l’élite? Le point avec Charles Simar, le secrétaire général du club, et Patrick Thairet, l’entraîneur.

Un an après La Louvière, un autre club francophone a réussi à s’extraire du tour final de D2. Trois victoires, dont la dernière décisive jeudi dernier au stade Tondreau de Mons (1-4), et aucune défaite: les hommes de Patrick Thairet, malgré une moyenne d’âge peu élevée, ont parfaitement géré un mini-championnat qui a généré du suspense jusqu’à l’ultime journée. Pour la troisième fois de son histoire, le matricule 47 réintègre l’élite après trois années délicates où le mot faillite a régulièrement plané comme un vautour sur le club.

En 1986 et 1990, le RWDM avait survolé la D2 en, raflant, sous la houlette respectivement de Philippe Garot et de Hugo Broos, le titre. Après la culbute pour un petit point en 1998, la direction a voulu remettre les gaz pour n’effectuer qu’un éphémère passage en D2. Hélas, plutôt que de prôner la patience, elle a paniqué parce que le scénario d’un come-back ne s’écrivait pas comme elle le désirait. Guy Vandermissen a subi à l’époque l’affront d’être limogé alors que son équipe menait la danse. Appelé à la rescousse, Ariel Jacobs, avec des moyens réduits et une formation fortement rajeunie, a loupé la qualification pour le tour final deux saisons consécutives sur des détails. Cette année, alors qu’il avait réalisé un travail exceptionnel et amené le RWDM aux portes du carré d’as, il a lui aussi été remercié. Patrick Thairet, enfant de la maison et ancien joueur du cru, a terminé le travail en remportant une compétition à laquelle le club n’avait jamais participé.

Cette remontée a été sympathiquement saluée à travers la Belgique. Comme si le RWDM n’était qu’un club de D1 et son passage en D2 une péripétie. Pourtant, il a flirté avec le spectre de la faillite et donc d’une culbute en D3. Depuis son intronisation en tant que président à la succession de Gaetan Piret, Erik De Prins a très largement ouvert son portefeuille. C’est encore lui, en compagnie d’un administrateur moins médiatique Francis Schoonjans, qui a avancé les 40 millions nécessaires au club pour obtenir la fameuse licence auprès de l’Union Belge.

L’argent a, depuis des années, été au centre des débats au RWDM. Les présidents, des apparatchiks politiques aux hommes d’affaires, se sont succédé avec des bonheurs très divers à la rue Charles Malis. Depuis six mois, un nouveau personnage a effectué son apparition dans le giron des dirigeants: Charles Simar. A la tête d’une importante bijouterie à Woluwe-Saint-Lambert, d’une entreprise d’import-export d’or et de métaux précieux et proche du White Star (club de P1 Brabant), il a intégré le club à la fin de l’année 2000 en tant qu’administrateur et secrétaire général. A l’époque, il avait été un brin présomptueux en annonçant la venue prochaine de généreux investisseurs au club. Un apport de sang neuf qui s’est fait attendre mais qui, selon l’intéressé, devrait avoir lieu dans les dix jours qui viennent. Le RWDM a connu tellement de personnages qui allaient tout révolutionner avant de se dégonfler que le club dans son entièreté est devenu méfiant. Qui est ce Charles Simar, désormais un des hommes forts du club?

Supporters de famille

« Je suis d’abord et avant tout un supporter acharné », dit-il. « Mon grand-père Jean Simar était administrateur du White Star jadis. Mon père Pierre, impliqué dans la gestion quotidienne du club, était délégué au terrain au Racing White. Mon parrain Jean-Marie était lui aussi proche du club. Moi, j’étais un supporter du RWDM. Tous les quinze jours, je prenais place dans l’ancienne tribune au milieu du kop. Plus tard, j’ai intégré le socio club. L’an dernier, Erik De Prins m’a contacté en disant qu’il était trop seul pour gérer le club. J’ai accepté un poste d’administrateur pour lequel j’ai déboursé 2,5 millions ».

Première phase d’approche, celle du gestionnaire averti: effectuer un audit serré du RWDM. Verdict : « Maître Baillieux, un des plus grands experts fiscalistes du pays, a été très clair: la situation était très délicate. Sans un important apport d’argent frais, le club était voué à la faillite. Je suis le représentant d’un groupe d’investisseurs. Ceux-ci sont des supporters du club et ne réclament pas nécessairement que l’on fasse leur publicité. Ils proviennent de la haute finance et les capitaux ne sont pas uniquement belges. J’avoue que j’ai été un peu vite en annonçant leur arrivée alors que le montage financier n’était pas encore bouclé. Je promets que dans une dizaine de jours plusieurs dizaines de millions de francs vont arriver au RWDM. Et cela ne devrait être qu’un début. Néanmoins, il faut reconnaître que sans l’énorme effort d’Erik De Prins et de Francis Schoonjans, jamais le club n’aurait obtenu la licence nécessaire. Ils ont déboursé l’argent pour apurer une grosse partie des dettes auprès des organismes de l’Etat ».

Qui sont ces mystérieux donateurs qui veulent le bien du RWDM? Pour l’heure, seul un financier bruxellois retraité à la Côte belge, José Seuwir, est sorti de l’ombre. S’ils débarquent à Molenbeek, qu’attendent-ils d’un club dont les difficultés financières sont patentes?

« Je suis leur représentant et j’ai proposé un projet qui vise à gérer le club d’une manière beaucoup plus professionnelle », dit Charles Simar. « Tout sera restructuré en différentes cellules actives. Le sportif, le commercial, etc. Il est évident que l’apport financier aurait été moins important en cas de maintien en D2. Le budget de cette saison avoisinait les 75 millions. Il sera inévitablement gonflé pour l’élite. Dans un premier temps une centaine de millions mais cela pourrait être nettement plus. Des gestes ont déjà été posés comme les achats de Laurent Fassotte auprès du Standard et d’ Ibrahim Kargbo auprès de Feyenoord ».

Un audit impitoyable

Gérer le RWDM de manière professionelle, nous avons attendu des dizaines de fois un discours identique…

« Au terme de l’audit, nous avons remarqué d’énormes erreurs de gestion commises ces dernières années », dit Simar. « C’est terminé. Est-ce normal que nous ayons réalisé la meilleure recette de la décennie lors du match du tour final contre Turnhout? Plus que des RWDM-Anderlecht. Parce que des centaines de personnes bénéficiaient jadis de passe-droit et ne payaient pas leur entrée. Comptez 450 entrées à 600 francs. Cela fait presque 300.000 francs par match. C’est énorme. Nous avons décidé d’éliminer du stade tous les panneaux publicitaires impayés. Alors que nous devions courir après les sponsors jusqu’à il y a peu, ils nous contactent directement depuis notre montée en D1. Une banque pourrait devenir le sponsor sur le maillot. Notre cellule marketing s’active. Elle a été remaniée autour de quatre personnes dont Henri Vroom et Philippe Verdussen (ex-Standard). Ils vont promouvoir le produit et tenter de rapatrier au stade l’ensemble des entreprises des environs ».

Autre cheval de bataille. Traditionnel également: ramener le public au stade Machtens. Durant le tour final, mais est-ce une vraie référence, en moyenne 6.000 personnes s’étaient déplacées mais reviendront-elles lors d’un RWDM-Lokeren au mois de décembre?

« Le potentiel devra être exploité. Je connais des dizaines de sympathisants du club qui viendraient bien mais qui veulent voir du spectacle. J’ai encore en mémoire la saison européenne de René Vandereycken. Les résultats suivaient mais on s’ennuyait ferme ».

Après son divorce avec Feyenoord, le RWDM nourrit des projets d’accord avec des clubs étrangers et non des moindres : « Nous cherchons une relation plus équitable que celle que nous avions avec les Hollandais. Nous mettions des joueurs en vitrine comme Kargbo et Paul Kpaka mais nous n’en touchions aucun bénéfice lors de la vente éventuelle ».

Le RWDM est de retour en D1 mais il doit encore y retrouver sa véritable place. « Un aller-retour en D2 serait catastrophique mais personne n’y pense », conclut Simar.

Le retour gagnant de Patrick Thairet

En mai 1994, Patrick Thairet avait tiré sa révérence en tant que joueur du RWDM après douze saisons de professionalisme. Il avait bétonné sa reconversion en tant que directeur technique de la performante école des jeunes du club ainsi qu’au sein des instances communales. Aujourd’hui, il préside l’ASBL Molenbeek Sports qui gère toutes les installations sportives de la commune. Après dix ans auprès des jeunes, il avait envie de changer d’air, de connaître un nouveau défi. Le limogeage d’ Ariel Jacobs l’a propulsé en haut de l’affiche plus tôt que prévu. En dix matches (quatre en championnat et six au tour final), il n’a connu qu’une défaite, six victoires et trois nuls. Beau bilan.

« Lorsque la direction m’a demandé de succéder à Ariel Jacobs, je ne connaissais pas l’intérieur du groupe de joueurs », dit l’ancien élégant milieu de terrain. « J’avais néanmoins l’impression que leur entraîneur ne croyait plus en eux et ils le ressentaient. Ma tâche première a été de leur redonner confiance en leurs moyens mais aussi de modifier l’approche de jeu. Je la voulais offensive et j’espère encore pouvoir l’appliquer la saison prochaine en D1 ».

Toujours aux faits des heurts et malheurs du club, Thairet a repéré le moment-clé dans la dernière décennie du RWDM : « La qualification européenne était totalement artificielle. La saison suivante a vu le début des problèmes. La deuxième erreur fut de conserver lors de la première saison en D2 des joueurs comme Everson, Miletic, Bovri ou Vangronsveld. Et d’avoir limogé Guy Vandersmissen« .

Le RWDM ne commettra pas la même erreur que La Louvière il y a douze mois. Les héros de la montée ne prendront pas tous l’ascenseur pour l’élite.

« La base est présente même si de nombreux jeunes joueurs doivent encore progresser. De Kargbo à Fassotte en passant par Butera, Seker et Salievski. Ils vont tous progresser parmi l’élite. Nous avons un acquis mais nous ne pouvons, malheureusement, pas reconduire le même groupe à l’étage supérieur. Ce serait trop risqué. Si, comme le club est occupé à le faire, nous nous renforçons avec deux éléments dans chaque ligne plus l’introduction de quatre jeunes; nous ne pourrons pas conserver tout le monde ».

Patrick Thairet est-il un bon entraîneur? Il est trop tôt pour répondre à la question. Il subira lui aussi un examen de maturité l’an prochain en D1. Comme l’ensemble du club.

« Le club m’avait aiguillé sur une voie de garage en m’offrant il y a deux ans les juniors UEFA. J’ai relevé le défi. Nous avons été champions. Cette saison, rebelote avec les Réserves. La montée en D1 avec l’équipe Première, c’est la cerise sur le gâteau. J’y ai pris goût même si je ne sais pas encore comment je vais réagir après trois ou quatre défaites consécutives, ni comment je vais supporter la pression des médias,… ni celle de la direction ».

Jean-Marc Ghéraille

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