Le routard

Parti très jeune à l’AS Roma, Faty découvrira en Belgique son cinquième championnat européen.

Certains choix peuvent vous poursuivre toute une carrière. Cela résume un peu l’histoire de Ricardo Faty, un des transferts du Standard. A 28 ans, il a déjà pas mal bourlingué, porté toujours par les espoirs générés par son passage à l’AS Roma.  » Quand vous partez jeune dans un grand club, c’est à double tranchant. D’un côté, vous savez que le nom de ce club sera à jamais présent sur votre carte de visite et cela vous ouvrira obligatoirement des portes « , nous explique un agent français.  » D’un autre, vous avez peu de chance de répondre aux attentes placées en vous. Les supporters ne viennent pas voir Ricardo Faty, ils viennent voir l’ancien joueur de la Roma. D’entrée de jeu, les regards sont biaisés.  »

A cela s’ajoute parfois la confusion d’un patronyme, parfois lourd à porter. Ricardo est en effet le frère de Jacques Faty, international sénégalais à 14 reprises, qui a écumé les clubs français (Rennes, Marseille, Sochaux) avant d’échouer en Turquie (Sivasspor) et en Chine.  » Dans les deux cas, on a affaire à des joueurs partis pour faire de grandes carrières et qui finalement s’étiolent avec le temps « , estime Vincent Duluc, journaliste à L’Equipe.  » Mais Ricardo a-t-il plus raté sa carrière que Jacques ? Je ne le pense pas.

Jacques Faty était censé devenir le nouveau Lilian Thuram et il n’a rien fait à Rennes. Il est clairement passé à côté de la carrière qu’on lui prédisait car jeune, il était un leader naturel avec un ascendant sur les autres. L’histoire est différente pour son frère. On n’a rien écrit sur lui car on n’a pas eu le temps de se faire une idée qu’il signait déjà à l’AS Roma. Il est parti en Italie avant de montrer que c’était un bon joueur. C’est finalement plus son transfert dans un grand club de Serie A qui l’a fait connaître que son talent !  »

Au côté d’Hatem Ben Arfa à Clairefontaine

Avant cela, il y avait pourtant eu une formation à Clairefontaine, où il apparaît aux côtés d’Hatem Ben Arfa dans un reportage consacré à la génération 86 de l’INF. Puis des débuts pros à Strasbourg. Huit matches plus tard, il signait en Italie. Nous sommes en 2006, il a 20 ans et vient d’être sacré meilleur joueur du tournoi de Toulon. Strasbourg est encore en Ligue 1 et alors que les dirigeants alsaciens ont vite donné un premier contrat pro à Kevin Gameiro et Habib Bellaïd, ils tardent à convoquer Faty. Celui-ci le prend mal et file du côté de l’Italie.

 » La France venait d’échouer en finale de Coupe du Monde et le jeune produit français était encore à la mode « , explique Bruno Conti, à l’époque directeur technique de l’AS Roma.  » Chaque équipe italienne écumait le marché français à la recherche de jeunes pépites. En Faty, nous espérions trouver un clone de Patrick Vieira. Nous avions été épatés par lui lors de notre match face à Strasbourg en Coupe de l’UEFA. Malheureusement, nous nous étions quelque peu trompés.  »

Faty n’a pas l’étoffe d’un joueur de Serie A. Il ne dispute que 4 matches pour l’AS Roma avant de filer en prêt au Bayer Leverkusen. Rudi Völler, manager sportif de Leverkusen, avait en effet gardé de bons contacts à l’AS Roma où il avait joué de 1987 à 1992. En Allemagne, il découvre une autre forme de professionnalisme mais il ne s’y épanouit pas. Il n’y dispute pas une minute et après six mois de prêt, revient à Rome.

 » Je pense que j’aurais dû rester six mois de plus « , a-t-il confié récemment à Goal.com. Mais après une saison et demie blanche, il aspire à davantage de temps de jeu. Un mois plus tard, il est prêté à Nantes. Nous sommes en janvier 2008.

Un joueur moyen mais un type bien

Encore un mauvais choix de carrière. Nantes est en pleine crise et connaît une descente aux enfers qui le conduit en Ligue 2 en juin 2008.  » Il est arrivé dans un contexte très particulier « , explique Loïc Folliot, journaliste à Ouest-France.  » On le disait plein d’avenir mais il n’a pas confirmé les espoirs placés en lui. Il n’a pas tiré l’équipe vers le haut mais est loin d’être le seul responsable. Je pense que dans le marasme dans lequel était plongé le FC Nantes, il n’aurait pas pu faire mieux.

Il n’a pas marqué le club, comme à peu près 95 % des joueurs passés par Nantes à cette époque-là. Par contre, comme il est resté à Nantes en Ligue 2, et alors que la plupart des joueurs avaient une relation très tendue avec les supporters, lui jouissait d’une bonne cote et est parti avec une meilleure image que ses coéquipiers.  »

Car, dans tous les clubs où il est passé, il faut séparer l’image footballistique de l’homme. Autant – et sans doute à cause de son poste – il ne marque pas les esprits par son football, autant il laisse une empreinte grâce à sa maturité, son intelligence et sa gentillesse.  » Il n’est ni bon, ni mauvais. Il sait faire beaucoup de choses – il a des qualités techniques et physiques intéressantes – mais il n’excelle dans rien « , corrige Duluc.

 » Il ne va pas faire de grosses différences ; c’est un numéro six défensif qui ne va pas marquer 10 buts sur une saison. Je pense que William Vainqueur possédait davantage de qualités offensives mais il sait ratisser. Si je devais le comparer à quelqu’un, je le comparerais à une sorte de Sami Khedira en moins bon dans tous les domaines. Par contre, il tranche par sa maturité. Humainement, c’est vraiment un type bien. Tout ce qu’il dit, c’est réfléchi et intelligent.  »

Passionné de nouveaux horizons et de cultures

S’il a connu autant de clubs, c’est aussi avant tout parce qu’il aime se confronter à d’autres horizons et cultures. Dans une interview accordée à L’Equipe, il avait expliqué sa recherche de foi, disant qu’il s’était intéressé à la foi chrétienne avant de finalement opter pour la foi musulmane. Le tout dans une recherche de sens.  » On ne peut pas dire qu’il n’a pas réussi son adaptation à Rome « , continue Conti.  » Après deux mois, il connaissait mieux la ville que moi.  » Propos corroborés à Nantes.  » Dans le jargon, on appelle cela un bon client « , exprime Folliot.  » Faty était très mature. Et cela se reflétait dans son jeu. Tactiquement, il a toujours paru bien en place.  »

En 2009, Nantes ne lève pas l’option et le voilà de retour en Italie. La campagne 2009-2010 lui permet de goûter aux charmes du Calcio (huit matches de championnat) avant de s’engager durant deux saisons à l’Aris Salonique qu’il doit quitter dans un parfum de crise économique. Le retour en Ligue 1, à Ajaccio, se veut comme un tremplin.

Il finit, au bout de deux ans, en Ligue 2, le club corse n’ayant pas réussi à se maintenir.  » Il reste sur une bonne saison « , explique Duluc.  » Mais les résultats d’Ajaccio, qui a commencé le championnat à l’envers sous Fabrizio Ravanelli et qui n’a jamais su se remettre à l’endroit, ne l’ont pas aidé. Malgré cela, il est parvenu à surnager.  »

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: BELGAIMAGE

 » Je le comparerais à un Sami Khedira mais en moins bon dans tous les domaines.  » Vincent Duluc, journaliste à l’Equipe

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