Le rouge puis le vert

Après son quatrième Roland-Garros, il s’offre son premier Wimbledon en cinq sets incroyables.

Comme en finale à Roland-Garros, le maître du monde a été battu par son dauphin en finale de Wimbledon. Comme à Paris, le Suisse Roger Federer a même reçu une petite leçon de son éternel rival pendant les deux premiers sets. Heureusement, pour le moral de Federer et pour la beauté de cette finale, le Suisse a trouvé l’énergie pour recoller aux sets. Reste qu’il est bien le seul à encore pouvoir contrer Rafael Nadal. Soyons brefs : il n’est plus possible de jouer contre Nadal quand ce dernier est en pleine confiance et en pleine possession de ses moyens. Tout au long des sept matches des Internationaux de France et des six premières rencontres des Internationaux de Grande-Bretagne, il n’a jamais offert la moindre opportunité à ses rivaux successifs.

Comment fait-il ?

Sur papier, c’est assez simple mais il faut une condition physique inouïe pour parvenir à mettre ce plan en application. Un, Nadal joue tous ses matches comme s’il s’agissait d’une finale de Grand Chelem. Quand il s’agit d’un tournoi important, il ne se permet aucune décon- centration et ne va pas, comme le fait régulièrement Federer, monter sur le terrain en sachant qu’il peut jouer un ton en dessous. Quel que soit le niveau ou le classement de son rival du jour, il va essayer de lui infliger une défaite sans appel.

Deux, Nadal joue chaque point comme s’il s’agissait d’une balle de match. Dès le premier quinze, il imprime une pression incroyable. De ce fait, chaque point est excessivement exigeant du point de vue énergétique. Cela n’a l’air de rien mais, à cause de cette pression du premier au dernier quinze, tous les joueurs ont tendance à se démoraliser dès qu’ils sont menés un set à zéro. Car, face à Nadal, il est quasiment impossible de revenir au score. Qui plus est, du fait toujours de cette pression, les joueurs commencent leurs matches à un rythme trop soutenu et sont sans cesse sur la ligne virtuelle de l’équilibre. Ils peuvent donc à tout moment basculer du mauvais côté et commencer à mal jouer. Ou, plutôt, à donner, l’impression qu’ils jouent mal.

Trois, Nadal est tellement sûr de lui, qu’il peut désormais jouer à cinq centimètres des lignes, voire même sur les lignes. Or, les tennismen qui développent ce type de tennis jouent davantage à l’intérieur du terrain et offrent donc des opportunités d’attaque à leurs vis-à-vis. Face à Nadal, il est quasiment impossible de préparer une montée au filet. D’autant que, derrière ses frappes sur les lignes, il assène aussi des passing-shots quasiment imparables, même pour un brillant volleyeur comme Roger Federer.

Quatre, on l’a écrit, Nadal a une condition physique hors du commun. On pourrait même dire qu’elle est surhumaine. Seul l’Autrichien Thomas Muster, ancien roi de la terre battue, nous a donné une telle impression de fraîcheur éternelle. Même aux changements de côté, on sent chez Nadal une envie de reprendre le jeu, tant son énergie est inépuisable.

Cinq, match après match, la confiance de Nadal grandit. Et, dimanche, il a donné l’impression que rien ne pourrait lui arriver, même quand il était mené 4-1 dans le deuxième set. Et rien ne lui est d’ailleurs arrivé.

Jusqu’où le roi de la terre devenu jardinier peut-il aller ?

La question mérite d’être posée. Si l’on observe son palmarès des années précédentes, on constate qu’il craque de plus en plus tôt après Wimbledon. Jusqu’à l’année dernière, il donnait tout ce qu’il avait sur la terre et tout ce qui lui restait sur le gazon. Cette année, il aura été au bout de son rêve tant à Paris qu’au Queen’s et Wimbledon. Nul ne sait dès lors s’il connaîtra comme en 2006 et 2007 une baisse de régime au moment d’aborder la dernière ligne droite. Pour mémoire, Nadal n’a toujours pas gagné à New York, pas plus qu’à Melbourne d’ailleurs.

Mais, maintenant qu’il s’est imposé à Wimbledon, il devrait mieux gérer son calendrier et se concentrer davantage sur les deux levées qui lui manquent. Le connaissant, il va se fixer de nouveaux objectifs afin de marquer encore l’histoire de son sport. Ce qu’il vient de faire en étant le premier depuis Björn Borg à s’imposer la même année à Roland-Garros et à Wimbledon.

Précision amusante : Borg n’a jamais gagné l’US Open, ni l’Australian Open. Gageons que Nadal fera mieux que lui. Dans ce domaine du moins. Quant à Federer, on écrivait la semaine dernière qu’il ne devrait pas battre le record de l’Américain Pete Sampras, lequel a gagné 14 tournois du Grand Chelem (7 Wimbledon), contre 12 pour le Suisse (6 Wimbledon). On maintient notre pronostic. Même s’il faut bien dire qu’ils sont peu nombreux à s’être montrés réellement dangereux pour les deux premiers mondiaux. Reste que Nadal est désormais le patron. Et quel patron !

par patrick haumont

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