Un million de gens le long de la route, un rodéo de véhicules, des coureurs à la peine. La 90e édition a lieu dimanche.

1977 : Maertens truque dans le Koppenberg

Le 3 avril, un vent froid souffle sur les pavés du Koppenberg, gravi pour la deuxième fois. Eddy Merckx a une petite avance sur un groupe de poursuivants de qualité : Roger De Vlaeminck, Walter Planckaert, Eric De Vlaeminck, Walter Godefroot, Francesco Moser, Frans Verbeeck, Marc Demeyer et Freddy Maertens. Ils zigzaguent péniblement entre les voitures suiveuses et les motos. Des milliers de spectateurs massés sur les talus sont en liesse. Maertens change de vélo alors que le sien n’a pas de problème mécanique, se fait pousser et il aide De Vlaeminck à gagner !

Jos Fabri (Ligue Vélocipédique Belge) avait annoncé à Maertens qu’il était disqualifié après avoir changé de vélo mais il a continué et quand Merckx a décroché à Varent, Maertens ne trouva rien de mieux que tirer, moyennant paiement, un De Vlaeminck, mal en point. Ce sera sa seule victoire au Tour des Flandres. Il aura le triomphe modeste vu l’immense polémique.

Walter Godefroot :  » Maertens a été déclassé. A l’époque, il fallait être dépanné depuis la voiture, pas le long de la route. Dans le cas contraire, le geste devait venir d’un spectateur neutre, pas d’un mécanicien de l’équipe. Je suppose que Maertens avait convenu ce changement pour gravir le Koppenberg avec un dérailleur adapté « .

1986 : Eddy Planckaert souffre dans le Mur de Grammont

Eddy Planckaert aurait pu s’adjuger le Tour à trois reprises. Il devra se contenter d’une victoire en 1988, acquise au sprint contre Phil Anderson. En 1982, il s’en faut d’un cheveu. Après le Mur, le peloton des favoris – Moser, MichelPollentier, RudyPevenage et Planckaert – est convaincu que ceux qui se sont échappés plus tôt sont cuits. Mais un certain René Martens est en tête en entamant le circuit local à Meerbeke. Pollentier, Pevenage et Planckaert démarrent. Planckaert imite le rapide Pevenage, qui se retient finalement et le peloton échoue à vingt secondes de Martens.

Quatre ans plus tard, en 1986, Eddy est en forme olympique : il vient de gagner le Prix E3 et quatre des cinq étapes de la Semaine catalane. Un peloton de trente coureurs se forme au Koppenberg. A Brakel, quand Steve Bauer démarre, Planckaert prend aisément sa roue. A trente kilomètres de l’arrivée, Planckaert est sûr de la victoire : il se voit déjà battre Bauer, lent au sprint. Il baigne dans l’euphorie, jusqu’à ce que son frère et directeur d’équipe Walter s’approche de lui.

Walter Planckaert :  » Eddy était le meilleur mais il était trop sauvage. Il roulait en tête, démarrait, comblait des brèches alors que son avance était suffisante. Il pensait que rien ne pouvait plus lui arriver. Je lui ai dit : – Fais gaffe, tu dois encore gravir le Mur. Bauer a accéléré dans cette côte, Eddy a lâché. Finalement, Bauer a été rattrapé par Sean Kelly, Adrie van der Poel et Philippe Vandenbrande. Van der Poel a gagné le sprint. Je crains qu’Eddy ne m’ait conservé rancune de mon avertissement, qui lui a coupé les jambes, même s’il sait que j’avais raison « .

1989 : Van Hooydonck naît dans le Bosberg

2 avril. Edwig Van Hooydonck veut attaquer dans le Mur mais Jan Raas sermonne son poulain de 22 ans :  » Contiens-toi jusqu’au Bosberg « . Dans le Berendries, le grand rouquin est dans un groupe de tête de sept hommes. Il contre aisément une échappée de Dag-Otto Lauritzen dans le Mur. Au Bosberg, la Belgique découvre les qualités du longiligne Campinois. Ses longues jambes avalent sans peine le Bosberg, dans son style si particulier. Il roule trois km/h plus vite que Lauritzen. 13 kilomètres plus loin, il franchit la ligne d’arrivée. Sur le podium, il éclate en sanglots. Le public s’est découvert un nouveau chouchou.

En 1991, Van Hooydonck est coté à un contre un par les bookmakers. Le gamin est devenu un homme sûr de lui. Il applique la même tactique que deux ans plus tôt, ce qui lui vaut le surnom Eddy Bosberg.

Van Hooydonck :  » Je retiens surtout cette seconde victoire, qui constitue le sommet de ma carrière. Pourquoi ? J’étais favori et chacun guettait mon attaque. Il y avait une volée de grands coureurs, parmi lesquels Rolf Sörensen, Rolf Gölz et Johan Museeuw. Je pensais avoir peu de chances car Sörensen et Gölz étaient coéquipiers. L’année précédente, Gölz roulait dans mon équipe et ne l’avait pas quittée en bons termes. Disons que ceux qui portaient le maillot de Buckler étaient ses ennemis. Quelle ne fut pas ma surprise quand Gölz s’approcha de moi pour me dire : – J’ai peur de toi au Bosberg. J’ai pensé : – Tiens, tiens… Cela peut paraître bête mais d’un coup, j’ai retrouvé le moral. Je trouvais bizarre que Gölz me raconte ça mais j’ai constaté qu’il cherchait constamment ma roue. Je n’arrivais pas à partir au Bosberg. Plus tard, je l’ai lâché. Se détacher d’un coureur de ce calibre procure une satisfaction indicible « .

1994 : Quaremont embouteillé par le camion-balai

Cette année-là, on a dû faire appel à la photo-finish. Le vainqueur Gianni Bugno a lancé le sprint de trop loin, Johan Museeuw, intrinsèquement plus rapide, a choisi la mauvaise roue – celle d’ Andreï Tchmil -, et a échoué à sept millimètres. Mais ce Tour des Flandres 1994 n’est pas seulement celui que Museeuw n’aurait jamais dû perdre. Au Vieux Quaremont, la route était complètement bouchée et sans le sang-froid des organisateurs, la caravane aurait été complètement stoppée.

Au premier rang, Jacquis De Winne, qui travaille sur le Ronde depuis 25 ans :  » Nous étions au pied du Knokteberg quand nous avons appris le problème grâce à l’hélicoptère. J’ai dit à mon chauffeur de mettre le pied au plancher. Nous sommes arrivés juste à temps au pied du Vieux Quaremont pour retenir la caravane publicitaire, qui précède le peloton de vingt minutes. Un bus était dans le fossé. J’ai demandé à la police de ne plus laisser passer aucun véhicule au Quaremont et me suis rendu sur place. Le problème, c’était le camion-balai, un bus, qui doit charger tous ceux qui abandonnent avant les côtes et doivent être ramenés à Meerbeke. On a mal renseigné le chauffeur, la gendarmerie l’a laissé monter le Quaremont. Là, en évitant deux touristes, à un passage étroit, et deux de ses roues se sont bloquées dans un fossé. Seuls les coureurs et les motards pouvaient passer « .

1998 : Museeuw s’envole dans la Tenbossestraat

Johan Museeuw a réalisé un exploit le 5 avril, à la Tenbossestraat. Hendrik Van Dijck tente de le suivre mais le démarrage de Museeuw est impressionnant. La veille, un de ses amis de Gistel a gagné le Tour pour cyclotouristes et lui a dit qu’après le Bosberg, il aurait le vent dans le dos. Museeuw décide donc de lâcher ses compagnons d’échappée, dont Tchmil et PeterVan Petegem, et d’affronter seul les deux dernières côtes, le Mur et le Bosberg.

Patrick Lefevere :  » Il n’était pourtant pas dans un grand jour. Il avait crevé, avait chuté et avait aussi des problèmes de pédales, comme à Harelbeke, bien que j’aie insisté pour que le matériel de réserve soit au point. Voilà mon leader qui tombe et reçoit un vélo mal préparé ! Johan s’est alors plaint de son dos. Nous lui avons donné des anti-douleurs. Pour couronner le tout, FrancoBallerini, qui était son coéquipier chez Mapei, roule en tête, n’ayant pas vu que Johan était tombé. Heureusement, nous avions une télévision dans l’auto et nous avons pu l’avertir. Johan a donc rejoint le groupe. J’étais dans la première voiture suiveuse quand j’ai vu Johan attaquer. C’était audacieux « .

LOES GEUENS

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