Le Roi Leone

Homme de l’ombre mais extrêmement puissant: portrait du président montois.

Mons est la révélation de la première partie de la saison mais on parle peu de son grand patron. Dominique Leone apparaît rarement dans les médias. C’est volontaire. « Je ne cherche pas la pub », lance cet homme à la stature imposante. « Ce n’est pas parce qu’on est sans arrêt sur le devant de la scène qu’on est automatiquement plus efficace. J’interviens quand c’est nécessaire. En toute discrétion ».

Cette publicité limitée s’explique par une méfiance certaine : « J’ai lu tellement d’inexactitudes dans la presse que j’ai fini par ne plus ouvrir les journaux ».

Autre explication possible: la présence à Mons de Jean-Claude Verbist et Elio Di Rupo, deux dirigeants qui passent très bien auprès des médias et monopolisent dès lors une bonne partie de l’attention.

Leone n’en est pas à sa première présidence. De 1985 à 1989, il fut le big boss du club de son village, Bernissart: « Mon frère est dans le comité depuis 23 ans. Il fait tout: secrétaire, trésorier, manager. Moi, je me suis retiré lorsque mes affaires se sont développées. Et je suis revenu dans le football en 1991, quand Elio Di Rupo et des administrateurs de Mons m’ont demandé de leur donner un coup de main ».

Il fut simple administrateur pendant une dizaine d’années. En octobre 2001, il succéda à Maurice Lafosse à la présidence.

Dominique Leone: Les conflits internes imposaient de modifier la politique du club et de nommer un nouveau numéro 1. J’ai pris cela comme un challenge. J’avais prévu deux saisons pour monter en D1 mais nous y sommes arrivés un an plus tôt que prévu.

Le club n’était clairement pas prêt pour la D1 au moment de la montée: n’avez-vous pas eu peur?

Je n’en avais pas le droit. Quand on a une occasion de monter, il faut la saisir en se disant que ça ne se représentera peut-être plus avant plusieurs années. Nous avions un gros souci: notre stade, digne de la Promotion. Mais il a suffi d’accéder à la D1 pour qu’un superbe projet soit très vite concrétisé. Il ne l’aurait pas été si nous étions encore en D2 cette année.

Parviendrez-vous à boucler le budget en fin de saison?

Non. Notre plus gros problème, c’est justement la vétusté du stade. Les trois quarts ne sont pas couverts, nous manquons de buvettes et d’infrastructures d’accueil, il n’y a pas de parking. Avec cet outil, Mons est incapable de générer les mêmes recettes que les autres clubs de D1. Prenez le stade de l’équipe belge la plus minable: il est encore plus luxueux que le nôtre.

Etes-vous déjà allé à La Louvière?

Ce n’est pas terrible non plus, d’accord. Mais le Tivoli a 2.100 places assises alors que le Tondreau n’en possède que 600. La Louvière a aussi de grandes buvettes alors que nous n’en avons pas une seule. »Le Top 10 et 13.000 spectateurs à chaque match »

Vous avez une moyenne de 5.600 spectateurs pour vos matches du premier tour: le stade est-il la seule explication?

Tout à fait. Pour tous les Montois, l’Albert est une institution. Ils sont prêts à venir nombreux. Mais pas dans notre stade actuel. Si votre père a 70 ans, oserez-vous lui imposer une heure et demie sous la dracheaprès avoir dû vous garer loin du Tondreau? Quand il sera terminé, notre stade comprendra 13.000 places: je me fais fort de le remplir tous les 15 jours si Mons s’installe dans le Top 10. A ce moment-là, les Montois n’hésiteront plus à venir avec femme et enfants.

Combien perdrez-vous cette saison?

Je n’en sais rien. Le problème d’un club de foot, c’est qu’il doit déterminer ses dépenses en étant incapable de prévoir ses recettes. Nous avons un petit budget de 3,3 millions. On ne peut pas tirer son épingle du jeu en D1 avec moins d’argent. Mais nous allons quand même enregistrer une perte en fin de saison. Malgré plusieurs titulaires qui ont encore un contrat à peine supérieur à la D2. Malgré un Roussel dont nous ne payons qu’un tiers du salaire. Malgré les joueurs prêtés à de très bonnes conditions par le PSG. Malgré le fait que nous n’ayons ni dettes, ni crédits bancaires. Il ne faut pas rêver: avant d’avoir son nouveau stade, Mons sera incapable d’augmenter son budget et de viser autre chose que le maintien. Nous pourrons peut-être transférer définitivement un joueur du niveau de Roussel dans quatre ans, mais pas aujourd’hui. Avant de penser à augmenter le budget, essayons de boucler celui de cette année!

Une légende dit: « Gaone et Leone, même combat; ils ne savent même pas à quel point ils sont riches! »

(Il rit). Je n’aime pas trop parler d’argent. Le plus important pour moi est de pouvoir payer mes factures à la fin du mois. « Ne me comparez pas à Bayat ou à Gaone »

Injectez-vous personnellement de l’argent dans le club?

Je suis actionnaire, c’est normal. Je prends mes responsabilités. Mais ne me comparez pas à d’autres présidents hennuyers. Charleroi appartient carrément à Abbas Bayat et La Louvière est la propriété exclusive de Filippo Gaone. Les sommes qu’ils mettent dans leur club sont énormes par rapport à ce que je donne à Mons. On ne parle pas de la même chose. Moi, je me considère plutôt comme un simple maillon de l’Albert.

Peu d’hommes d’affaires ont réussi dans le football belge: ils ont échoué à Liège, à Malines et à Seraing autrefois. Aujourd’hui, les businessmen de La Louvière et de Charleroi tirent la langue…

Il faut vraiment beaucoup de courage pour consacrer une fortune à un club de football. Je tire mon chapeau à Gaone et Bayat.

Mons pourrait-il envisager l’avenir en D1 sans le soutien de la Ville?

Ce serait très difficile. Je ne vois d’ailleurs aucune grande réussite dans des clubs obligés d’assumer eux-mêmes leurs infrastructures en plus de leur masse salariale.

Il y a Anderlecht, quand même.

Oui, mais Anderlecht est au top depuis 50 ans, Bruxelles compte un million d’habitants, tous les grands sponsors nationaux sont présents dans ce club et le stade a été construit avec l’argent de la famille Vanden Stock. Qui ne le referait peut-être plus aujourd’hui, d’ailleurs. Anderlecht est un cas à part. Un mauvais exemple…

Vous ne semblez pas inquiet d’être le président du dernier club hennuyer arrivé en D1…

Pourquoi devrais-je m’en faire? Je n’ai jamais pensé que, quatre clubs de cette province en D1, c’était un ou deux de trop. Nous sommes moins handicapés que les 12 clubs flamands, qui se font une plus forte concurrence que les équipes hennuyères. Les sommes apportées par les sponsors nationaux sont insignifiantes. A nous de les séduire, pour les années à venir, par notre image de marque, notre gestion et nos résultats sur le terrain. Actuellement, nous avons surtout des sponsors purement locaux. Idem à Mouscron, à Charleroi et à La Louvière. Il n’y a pas d’interférences. Alors, où est le problème? Quels clubs ont des soucis de sponsoring? Uniquement ceux qui dépensent beaucoup trop d’argent parce qu’ils ont vu trop grand. Ce n’est pas le cas de Mons. Nous ne ferons jamais de folies. Ce n’est pas mon genre d’acheter une Ferrari si une Golf me suffit.

Un rapprochement avec La Louvière est-il envisageable?

Malgré tout mon respect pour Gaone, je vois mal comment il pourra s’en sortir si on ne lui offre pas un stade prochainement. La licence européenne approche, il n’y a plus de temps à perdre. Je suis ouvert à toute discussion. Même si, actuellement, je ne vois vraiment pas quel serait l’intérêt d’une fusion pour Mons.

Des politiciens avaient imaginé la construction d’un stade commun pour Mons et La Louvière.

Pas de commentaire. Nous aurons bientôt un stade pour notre usage exclusif, c’est parfait comme ça.

Un rapprochement avec les Francs Borains est plus plausible?

Il y a des discussions en coulisses. Ce serait une façon de créer un beau complexe d’entraînement sur le site des Francs Borains. Nos jeunes pourraient aller là-bas et nous aurions enfin des terrains proches du Tondreau pour nos pros. Je suis rassuré dans le dossier de notre stade, mais au niveau des infrastructures d’entraînement, tout reste malheureusement à faire. Nous manquons de place pour notre équipe Première et pour tous nos jeunes. Nous en avons 400 et nous devons refuser chaque année de nouvelles affiliations. Ce n’est pas logique.

Pierre Danvoye

« Mons sera incapable de viser plus haut que le maintien avant d’avoir son nouveau stade »

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