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Comment Albert Sambi Lokonga est devenu le patron à Anderlecht

Albert Sambi Lokonga a fait du chemin depuis qu’il a intégré le noyau A, fin 2017. S’il a souffert en équipes d’âge, il s’est aujourd’hui érigé en leader dans le squad de Vincent Kompany.

Début février, après la victoire à Genk (1-2), Vincent Kompany en était sûr: Albert Sambi Lokonga pouvait espérer une place en équipe nationale. « Nous le voyons chaque jour: Sambi possède des qualités supérieures à la moyenne. On se demande parfois s’il va gagner ses duels et s’acquitter de ses tâches défensives, mais il a tellement progressé qu’il a sans doute une chance d’être repris pour l’EURO et à terme, d’obtenir un gros transfert. »

Le capitaine d’Anderlecht possède un profil atypique: il n’est ni un pur médian défensif ni un joueur offensif. Il a besoin d’un partenaire comme Josh Cullen, qui enquille treize kilomètres par match et récupère le ballon. Dimanche, contre Malines, le milieu de terrain n’a pas effectué de raids créatifs et n’a pu empêcher le Sporting de perdre des points. On pourrait aussi reprocher à Sambi Lokonga de n’être pas assez décisif aux alentours du rectangle adverse. Toutefois, il semble imperméable à la critique une fois sur le pré et sa position n’est pas remise en question, même si un Adrien Trebel serait bien utile à Anderlecht. Le Français a en lui tout ce qui manque à l’équipe: le sens du but, une action qui peut amener un assist et l’art de brosser un coup franc vers la tête de ceux qui savent où la placer. Toutefois, Kompany refuse généralement d’aligner les deux hommes de concert. Si Sambi Lokonga se retrouvait quand même sur le banc, comme en début de saison, il se comporterait comme il en a l’habitude: il refoulerait son ego, écouterait, observerait et se corrigerait. Il a effectué tant de détours en équipes d’âge qu’il a appris à surmonter les obstacles avec élégance.

Sa blessure aux ligaments croisés a été un cadeau du ciel. »

Jean-François Lenvain

HORS DE SA ZONE DE CONFORT

Ce n’est pas un hasard si, dès son premier jour à Neerpede, le joueur a été pris en charge par Jean-François Lenvain. Anderlecht craignait qu’il ne suive les traces de son frère Paul-José Mpoku et ne s’expatrie rapidement. Le club voulait aussi offrir un soutien spécial à ce gamin de dix ans, qui avait quitté le cocon familial de Verviers pour intégrer un internat à Bruxelles. Aaron Leya Iseka et Orel Mangala figuraient aussi sur la liste des éléments à accompagner.

Selon Lenvain, qui a quitté la cellule sociale du Sporting en 2018, mais continue à soutenir Sambi Lokonga et d’autres sportifs à titre indépendant, la blessure aux ligaments croisés de son poulain, il y a deux ans, a constitué un tournant. C’est même une des meilleures choses qui soient arrivées au Verviétois, même s’il était en train de gagner ses galons dans l’équipe de Hein Vanhaezebrouck. « Je me bats depuis des années contre la zone de confort qui règne en football. Plus un joueur a du talent, plus on lui facilite la vie et plus on essaie d’accélérer son succès. Celui-ci est alors désarçonné au premier contrecoup. Albert sait maintenant ce que travailler dans l’ombre représente. Il l’a fait pendant presque un an chez Lieven Maesschalck. Il a souffert, douté, sué mais a évolué. Le footballeur talentueux est devenu un sportif de haut niveau. Cette blessure a été un don du ciel. »

Sambi Lokonga a passé beaucoup de temps avec Thomas Didillon et Trebel, qui lui ont expliqué comment survivre dans le vestiaire d’un grand club. Fin 2017, celui-ci était peuplé de personnalités imposantes comme Kara, Hanni, Teodorczyk, Deschacht, Trebel ou Kums. Vanhaezebrouck ne faisait pas tourner son équipe, impliquée dans la course au titre. « L’entraîneur n’avait pas le temps de s’occuper beaucoup des jeunes et Albert n’était pas un Tielemans, mûr à 18 ans », raconte Frank Boeckx. « Albert a bien géré la situation et a appris au contact de Kums et Trebel. Il écoutait les consignes qu’on leur donnait et savait donc ce qu’on attendait de lui. Il était plutôt réservé dans le vestiaire. C’était un observateur, ce qui est important quand on débarque dans une équipe. Il préférait faire parler ses pieds. »

UN CHARISME NATUREL

Après le départ pour l’AC Milan de son copain Alexis Saelemaekers il y a un an, il n’a plus eu d’interlocuteur dans le vestiaire. En août, le numéro 48 a traversé une crise de confiance et a fait banquette. Cet incident l’a incité à se remettre en question et à mettre les bouchées doubles, ce qui était l’objectif de Kompany, qui l’a même promu capitaine en décembre.

Sambi Lokonga ne sera jamais un bavard. Il use plutôt de son charisme naturel. Comme contre Genk, quand il a mis un terme à la discussion entre Michel Vlap et Lukas Nmecha, qui se disputaient un penalty. Avec l’aide de Kompany, le médian de 21 ans développe ses qualités de meneur, des qualités qui affleuraient depuis des années. « À quatorze ans, Albert était le plus petit de la bande, mais c’est lui qui prenait la parole en cas de discussion », dit Stéphane Stassin, qui a travaillé trois ans et demi avec Sambi Lokonga en U15, U16, U19 et U21. « S’il disait: Nous prenons la porte de droite, pas celle de gauche, l’équipe le suivait aveuglément. Il n’était pas un patron sur le terrain parce qu’il se heurtait à ses limites physiques et se concentrait sur son jeu, mais quand il s’est senti mieux, il a commencé à coacher les autres. Je ne suis donc pas surpris qu’il soit désormais capitaine. »

Sambi Lokonga doit remplir à la fois le rôle de capitaine et de régisseur dans l’Anderlecht actuel. Il se sent tellement bien en possession du ballon que les défenseurs peuvent constamment le lui passer, sachant qu’il se démarquera, même s’il est tenu par deux adversaires. Mais cette saison, à plusieurs reprises, une simple adaptation a suffi à neutraliser l’ancien international espoir. Le 21 février par exemple, Luka Elsner, l’entraîneur de Courtrai, a demandé à ses deux avants de couper sa trajectoire. Hannes Delcroix et Lucas Lissens ont donc eu du mal à impliquer Sambi dans le jeu.

RÊVES D’ESPAGNE

Pour compenser son manque d’explosivité, il doit affûter sa vitesse d’exécution. Il a l’art de pivoter pour se démarquer, son passing est supérieur à la moyenne et il se place très bien, mais il doit être plus rapide s’il veut se produire dans une grande compétition. « À l’étranger, il n’aura pas le temps de réfléchir après avoir contrôlé le ballon », relève Boeckx. « Ce sera son principal défi. Il doit savoir à l’avance où se trouvent les brèches. »

Dimanche, en Coupe contre Genk, Sambi Lokonga devra reprendre les commandes pour arracher un trophée. Avant d’aller voir ailleurs. Ou pas? Il est disposé à s’attarder au Lotto Park, mais si Kompany ne qualifie pas l’équipe pour l’Europe, Anderlecht devra le vendre, afin d’équilibrer son budget. « Albert ne doit pas intégrer une compétition trop physique », remarque un proche. « Il n’est pas encore prêt pour la Premier League. Il rêve de l’Espagne, mais pourra-t-il y affronter des petits joueurs explosifs qui s’infiltrent dans la moindre brèche? Je lui conseillerais plutôt l’Italie. Le rythme est moins élevé et on est libre à 25 mètres du but, là où il excelle. »

Comment Albert Sambi Lokonga est devenu le patron à Anderlecht
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La connexion AS

Le but héroïque de Sambi Lokonga en finale de la Gabala Cup 2014 résume son parcours en dents de scie. À l’époque, il n’était pas titulaire en U15 du Sporting, mais il a inscrit le but de la victoire contre Fenerbahçe pendant les quinze minutes de jeu qui lui ont été octroyées. Neerpede n’a jamais douté de son talent, mais a dû faire preuve de prudence, compte tenu de son frêle gabarit. Roel Clement, responsable sportif du projet Purple Talents, précise: « Il a peu joué en U15 et en U16 parce que ses coéquipiers étaient plus costauds. Son corps n’était pas fait pour sa catégorie d’âge. »

Le parcours parfois cahoteux de Sambi Lokonga est une copie conforme de celui de Saelemaekers. Le duo n’est devenu titulaire qu’en Espoirs, sous la direction d’ Emilio Ferrera, qui a dégommé l’entraîneur en place et s’est installé sur le banc, avec l’accord d’ Herman Van Holsbeeck. Il ne s’est pas fait des amis, mais il a favorisé l’éclosion des deux joueurs dans le noyau A. « Il y a des parallèles entre la carrière d’Albert et d’Alexis », raconte Jean-François Lenvain. « Ils ont fait banquette ensemble, ils ont dû digérer leur déception, mais ils ont aussi effectué leurs débuts quasi en même temps sous la direction de Vanhaezebrouck. »

Sambi Lokonga et Saelemaekers ont aussi des points communs sur le plan intellectuel. Ils ont même trouvé un nom à leur amitié: la connexion AS, allusion à leurs initiales communes. Ils se sont respectivement baptisés AS 48 et AS 56. Lenvain: « Ils se complètent. Albert est calme et prudent, Alexis plus volcanique. Le premier calme l’autre, tandis que le second secoue son copain. »

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