LE RIGOLO

Le nouveau défenseur des Rouches va méchamment se faire chambrer par ses ex-supporters carolos. Mais ne comptez pas sur lui pour s’en faire…

Coiffure afro et sourire omniprésent, on a l’impression d’être en face de Ze Pequeno, le héros inoubliable de Cidade de deus, le film brésilien de Fernando Meirelles.  » On m’a déjà dit que je lui ressemblais « , lâche-t-il. On n’est pas au cinéma mais bien au football. Pourtant, l’histoire du nouveau défenseur du Standard ressemble plutôt à un scénario hollywoodien. Né à Salvador de Bahia, la troisième ville brésilienne, patrie du grand écrivain Jorge Amado et du chanteur Gilberto Gil (aujourd’hui ministre de la Culture du Brésil), Dante, 23 ans, s’est laissé envahir par la magie de sa ville natale.

 » C’est la plus belle région du Brésil. Je n’échangerai cette ville pour rien au monde. Bahia, c’est la chaleur humaine, le carnaval, les très bonnes fêtes et la musique. On y va et la ville s’occupe de vous. Quand j’y retourne, je veux toujours faire la fête mais je sais que je dois faire un choix entre ma famille et les sorties. Or, quand je suis ici, ce n’est pas la fête qui me manque mais ma famille « .

Malgré cela, il a opté pour un chemin, loin des plages de sable de Bahia sur lesquelles il aimait se rendre, loin de son père qui, en tant qu’artiste plastique, restaure des églises et de sa mère, vendeuse dans un magasin. Son quotidien s’inscrit désormais dans la grisaille belge, non loin des usines du bord de Meuse. Acheté pour 650.000 euros par le Standard au Sporting, il continue son périple européen après Lille et Charleroi (où il a disputé 24 rencontres).

Votre parcours n’a pas été rose tout le temps…

Quand je suis parti jouer à Sao Paulo, je me suis retrouvé dans un petit club, qui, comme des milliers de petites formations brésiliennes, éprouvait des difficultés financières. Parfois, je devais mendier un peu d’argent car le club ne savait pas me payer. Je n’avais pas toujours quelque chose à manger. Quand j’ai eu la possibilité de rejoindre la Juventude (D1 brésilienne, Porto Alegre), j’étais à 4.000 kilomètres de Salvador de Bahia. C’était parfois dur mais le football constituait mon objectif et j’étais sur le chemin de mon rêve.

Et puis, ce fut l’Europe…

A 20 ans, je découvrais Lille. Après une semaine, je m’entraînais sur la neige, sur un terrain tout blanc. Une première saison réussie puis je me suis blessé. J’étais arrivé en Europe avec la grinta

Tiens, on sent déjà une influence de Sergio Conçeicao !

Non, cela ne vient pas de lui. Ni du Brésil. C’est Claude Puel, l’entraîneur de Lille qui ne cessait d’utiliser ce mot. Quand je suis arrivé, il n’arrêtait pas de me dire – Si un défenseur ne fait pas preuve de grinta en Europe, il ne s’en sortira pas. C’était un message clair.

 » Je me laisse guider par mon destin  »

Vous n’avez pas connu la réussite escomptée à Lille. Après six mois au Sporting de Charleroi, avez-vous pensé revenir à Lille pour prendre votre revanche ?

Non. Je n’avais aucune revanche à prendre. Ni vis-à-vis de Lille, ni vis-à-vis du championnat de France. C’est le destin qui m’a conduit en Belgique et cela s’est bien passé chez vous. En quittant Lille, il fallait simplement que je montre ce que je valais. Je l’ai fait à Charleroi. Voilà, je suis en paix avec moi-même.

Dès votre premier match, vous avez été adopté par Charleroi…

C’est ce qui m’a le plus marqué lors de mon passage carolo. Je relevais de blessure. Cela faisait un an que je n’avais plus joué. J’étais un inconnu et je voulais attirer les regards. Je crois que je peux dire que cela a fonctionné puisque je suis maintenant au Standard ( il rit).

Et vous conservez encore des liens avec Charleroi ?

Oui. J’y ai laissé des amis comme les Brésiliens ou le Nigérian Joseph Akpala. Ainsi que le capitaine Frank Defays ou Sébastien Chabaud. En fait, tout le monde ! Même le magasinier !

Sans compter Jacky Mathijssen…

Tous mes entraîneurs ont rempli un rôle dans ma progression. Ils m’ont aidé. Michel Preud’homme parle énormément et essaye d’expliquer clairement la mission de chacun et de cerner nos qualités et nos défauts. C’est de cette façon-là que l’on progresse. Grâce à la communication. C’est ce qui fait la différence sur un terrain. Quant à Mathijssen, il sait gérer et impliquer son groupe. Il travaille avec son esprit et son coeur. Il m’a directement donné confiance dans mon placement et mon jeu. Mais, c’est surtout mentalement qu’il m’a fait du bien. Je sortais d’une saison blanche. Il me parlait beaucoup et j’ai tout de suite essayé de le comprendre.

Pourtant, la séparation avec les Zèbres n’a pas été difficile. On parlait déjà d’un transfert en août…

Oui mais cela ne s’est finalement pas réalisé car le Sporting avait laissé filer Bertrand Laquait et Cyril Théréau. Quand j’ai su que l’affaire ne se ferait pas, j’ai réfléchi et je me suis dit – Si ce n’est pas maintenant, c’est que cela ne doit pas se faire maintenant. On en revient au destin. J’y crois et je me laisse guider par lui. De plus, je me sentais bien à Charleroi et je n’ai eu aucune peine à effectuer ces quatre mois supplémentaires.

C’est quand même assez paradoxal que le transfert capote après six mois foudroyants mais se concrétise alors que vous sortez d’une première partie de championnat assez moyenne.

Vous trouvez ? Je ne crois pas que mes six premiers mois à Charleroi aient été meilleurs. J’ai plutôt joué de malchance puisque je suis resté blessé deux mois et que j’ai été suspendu trois semaines. Les gens croient cela car ils m’ont tout simplement moins vu à la télévision – NDLR : Il a été aligné 12 fois entre janvier et juillet et… 12 fois entre août et décembre. Et peut-être que certaines rencontres furent moins bonnes. J’ai simplement suivi les consignes de l’entraîneur. Il me demandait de faire attention à ce que j’entreprenais car quand on monte, d’office, on défend moins. Or, un arrière gauche doit d’abord défendre. Durant six mois, Mathijssen me faisait remarquer que si les bonnes actions débouchaient surtout du côté gauche, c’était principalement parce que nos adversaires ne me connaissaient pas et il me demandait d’en profiter. Par la suite, ce n’était plus le cas. Parfois, je me retenais de monter pour le bien du club. Cependant, si vous pensez que je me suis montré moins à mon avantage cette saison, je ne peux pas vous empêcher de penser cela.

Charleroi vous a redonné confiance mais vous avez profité de la spirale positive également…

C’est exact. Lorsque mon prêt s’est terminé, j’espérais vraiment revenir à Charleroi car il s’agissait du club qui m’avait donné une nouvelle chance. Cette saison, le Sporting a développé un jeu animé avec des médians techniques et des attaquants très vifs qui allaient vers l’avant. Pour moi, la position au classement n’est pas du tout usurpée.

 » Je veux voir mon équipe au top  »

Vous gardez des bons souvenirs de votre année au Sporting. Sauf peut-être de la dernière rencontre à Zulte Waregem ?

( Il réfléchit). Il s’agit de mon moins bon souvenir. Mon transfert au Standard ne devait être rendu public qu’après le match mais l’information avait filtré. Pendant un an, je me suis toujours engagé à 100 % pour Charleroi et je n’ai pas changé d’attitude à Zulte Waregem. Pourtant, les supporters n’ont pas arrêté de me siffler.

Cela vous a blessé ?

Oui. Je ne m’attendais pas à cela. Je connais la rivalité entre Charleroi et le Standard mais je ne la comprends pas vraiment. Les supporters carolos doivent sentir qu’il s’agit d’un pas supplémentaire dans ma carrière.

Vous avez écopé d’un carton jaune à Zulte Waregem, ce qui vous a fait rater le match inaugural du deuxième tour. Vous débuterez donc avec le Standard contre… Charleroi. Vous devez vous attendre à une chaude réception !

Cette suspension m’attriste. Je voulais déjà montrer ma valeur contre Lokeren. Je m’attends à un match difficile à Charleroi car je sais, pour l’avoir connu, que la confrontation avec le Standard constitue pour les Zèbres une motivation naturelle.

Pas seulement des joueurs. Des supporters aussi.

Je dois avancer. C’est impossible que tout le monde m’aime. Si les supporters carolos ne sont pas contents, que voulez-vous que j’y fasse ? Je sais que je risque de me faire chahuter. Je vais me concentrer et tâcher de faire ce que l’entraîneur me demande.

Il s’agit donc de tourner le chapitre carolo très vite ?

Oui. Moi, je fais tout de façon naturelle. Il faut passer à autre chose. Quand cela va mal, il convient de tourner très vite la page pour rebondir. C’est la même chose quand cela va bien.

Qu’attendez-vous du Standard ?

Ma progression sera plus rapide que si j’étais demeuré à Charleroi jusqu’en fin de saison. Ici, j’arrive dans un grand club. Avec le jeu que l’on propose et avec les structures actuelles, on peut passer un autre palier. Je veux gagner quelque chose. Je rêve d’un trophée depuis longtemps. Être champion et voir mon équipe au top.

N’y a-t-il que le Standard qui s’est manifesté ?

Cela ne sert à rien de parler des autres propositions puisque j’ai pris l’option de répondre favorablement à celle du Standard. Mais c’est vrai que j’ai parlé avec plusieurs clubs.

 » A gauche car Puel trouvait que je prenais trop de risques dans l’axe  »

Vous êtes arrivé à Sclessin comme arrière gauche et lors de votre premier match, on vous retrouve dans l’axe. Quelle est finalement votre position ?

Je dis toujours : – P eu importe ma position du moment que je joue. Je suis peut-être plus à l’aise dans l’axe car j’ai été formé à cette place au Brésil. Ce n’est qu’en arrivant à Lille que j’ai glissé à l’arrière gauche parce que Claude Puel aimait les défenseurs qui évoluaient plus simplement. Moi, je prenais de temps en temps des risques et c’est pour cette raison qu’il m’a écarté sur la gauche. A Charleroi, j’étais davantage considéré comme ailier même si j’ai aussi dépanné dans le centre de la défense, notamment lorsque Badou Kere s’est blessé.

Passer d’un poste à l’autre est-il facile ?

Non. On ne se positionne pas de la même façon, on n’a pas les mêmes tâches défensives mais avec le temps, je commence à bien gérer le fait de passer d’un poste à l’autre.

Et quelles sont les similitudes aux deux postes ?

Que je sois central ou à gauche, je suis un travailleur, un guerrier. Je vais tout faire pour que mon équipe ne prenne pas de buts.

Pourtant, à Charleroi, on a surtout apprécié votre technique…

Elle me paraît normale. J’ai été formé au Brésil ! Cependant, j’ai toujours voulu arriver à un bon mélange entre technique et physique. Par contre, je considère que je dois encore améliorer beaucoup de choses. Notamment ma vitesse sur des courtes distances. Quand on est grand, ce n’est pas évident !

Autant vous donnez l’image d’un nerveux sur le terrain, autant on vous sent cool en dehors ?

Un match, c’est 90 minutes où il ne faut pas s’endormir pour ne pas mettre l’équipe en danger. Par contre, dans la vie de tous les jours, je rigole sans cesse pour décompresser. Je suis le rigolo de service. C’est dans ma nature.

Pourtant, vous vous êtes fait remarquer pour deux mauvais gestes : votre coup de coude à Anthony Portier face au Cercle, qui vous a valu trois semaines de suspension et la façon dont vous avez énervé Thomas Chatelle contre Genk…

C’est faux. Contre Genk, ce n’est pas moi le fautif mais Chatelle. On joue aussi avec les bras. Ça arrive. Moi, je n’ai rien provoqué.

Et face au Cercle ?

Je l’admets : c’est une erreur mais le joueur adverse a également été bon comédien. On apprend beaucoup de telles choses même si on ne peut pas dire qu’on ne le fera plus. La prochaine fois, c’est moi qui ferai du cinéma ( il rit). Cependant, il ne faut pas exagérer. C’était la première fois de ma carrière que je recevais un carton rouge.

Vous parlez de palier en évoquant votre passage au Standard. S’agit-il d’un tremplin pour une autre destination ?

Je viens d’arriver et je ne pense pas à partir. Je reste tranquille. Je prendrai le temps qu’il faut pour m’imposer. Si c’est pour rester deux, trois ou quatre ans, je serai content. Ensuite, je tenterai d’aller vers un plus grand club.

STÉPHANE VANDE VELDE

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