Le révolutionnaire

Voici pourquoi l’ancien numéro un mondial de ping-pong reste performant à 37 ans.

Il est international en tennis de table depuis 1983. Numéro un mondial en 1994, Jean-Michel Saive jongle avec les décalages horaires, les voyages, en avion et en voiture. Entre la Villette, habituée de la Ligue des Champions, et l’équipe nationale, le pongiste dispute plusieurs matches par semaine. En jeu, son regard est toujours aussi meurtrier. Sa motivation est intacte et son corps ne l’a jamais trahi.  » La technique permet de créer la surprise pendant un match mais sans physique, on ne peut répéter l’exploit « .

Jean-Mi n’a pas de schéma fixe d’entraînement. Il s’adapte en fonction de son agenda.  » En début d’année, sur un week-end, j’ai dû effectuer l’aller-retour à Ochsenhausen, à quelque 700 kilomètres, et jouer en Ligue des Champions. Le mardi, l’équipe nationale livrait son dernier match en Belgique, contre la Norvège. J’ai évidemment privilégié le repos entre les deux rendez-vous. De même, après un long vol, mieux vaut se reposer « .

Jean-Mi n’a pas de véritable période de préparation : il entretient un acquis de plus de 25 ans entre ses compétitions :  » Je suis à l’écoute de mon corps. En fait, je ne demeure jamais inactif. En vacances, je m’adonne au golf, au tennis, je cours, je fais de la musculation. J’ai toujours envie d’être bien physiquement « .

Les pongistes disputent fréquemment plusieurs matches sur une journée. Le tennis de table ne requiert pas la même puissance que le tennis et expose pratiquants à moins de blessures mais cette balle qui ne cesse de passer d’un côté à l’autre de la table à toute vitesse implique une bonne endurance, condition sine qua non pour rester concentré. Le champion effectue régulièrement des joggings, de 30 minutes à une heure et quart. Il effectue aussi de la musculation si le calendrier ne lui impose pas de matches trop proches. Et puis, il y a l’entraînement à la table.

Trois minutes intensives à la table

 » On peut moduler l’intensité physique de l’entraînement spécifique ping-pong pour parfaire l’endurance, avec des sessions de sept minutes, ou la résistance. J’ai révolutionné l’entraînement en réalisant des échanges plus courts et plus intenses de trois minutes, par exemple… Mais maintenant, je suis revenu à des séances classiques, par crainte des blessures « . Régulièrement, il se fait servir 100 balles, à toute vitesse, de tous les côtés de la table.

Pongistes et tennismen sont confrontés à un problème d’épaule, qu’on appelle un conflitlatent du toit de l’épaule. A force de projeter leur bras vers l’avant, ils se voûtent. Il y a déséquilibre entre les dorsaux et les pectoraux, l’épaule se tourne vers l’avant et le haut. Contrairement aux tennismen, les pongistes ne présentent pas de différence visible de la musculature à droite et à gauche mais ils souffrent malgré tout d’inflammations de l’épaule.

Un sac d’élastiques

Où qu’il aille, Jean-Michel Saive emmène un sac d’élastiques de différentes couleurs : le rouge offre moins de résistance que le vert, par exemple. Il peut appliquer le programme concocté par Philippe Wislez, kinésithérapeute et préparateur physique. Après un jogging d’échauffement, onze exercices font travailler tous les muscles imaginables du dos, des bras et de l’épaule. La séance spécifique dure 50 minutes. L’ensemble représente un effort allant de 90 à 120 minutes selon la longueur de l’échauffement. L’intensité des exercices avec l’élastique le fait transpirer. Indépendamment de l’aspect préventif, il entretient donc sa condition, sa force et la mobilité de l’épaule. Certains exercices s’effectuent à deux mains, de manière symétrique. D’autres sont exécutés de la seule main droite.

Le kiné :  » C’est le côté droit qui est affecté par le tennis de table. Vouloir acquérir la même force à gauche serait illusoire, à moins de travailler pendant des heures. En outre, l’épaule gauche ne risque pas de souffrir de ce fameux conflit latent « . La position de départ est très importante. L’axe du bras doit être en dessous de l’épaule pour ne pas bloquer l’articulation. Bien campé sur ses jambes, Jean-Mi doit également veiller à ce que le tronc reste immobile, pour n’exercer que le haut du corps et les bras. Idéalement, les poignets doivent rester dans l’axe des bras… ce qui n’est pas toujours évident : ils ont plutôt tendance à se casser. De même, si le pongiste n’est pas attentif, son épaule glissera vers l’avant.

Les élastiques, des Theraband, offrent plusieurs avantages par rapport aux appareils de musculation. Le kiné :  » Le rappel de l’élastique permet de travailler les muscles opposés aussi. Pour varier la résistance de quelques centaines de grammes, il suffit d’avancer ou de reculer de quelques centimètres. Le mouvement se rapproche aussi beaucoup mieux de celui qui est spécifique au sport pratiqué alors qu’en muscu, on réalise un mouvement global. Enfin, en voyage, il suffit de fixer l’élastique à une table, une clenche… ce qu’on trouve « .

De la musculation hyper spécifique. L’exercice rappelle le rameur mais ne met en mouvement que le haut du corps et sollicite les rhomboïdes (dos). Le corps droit, face à l’espalier, sans fléchir les cuisses, Saive tire l’élastique à lui puis conserve la position quatre secondes. Trois séries de dix.

Echauffement. Face à l’espalier, bras en dessous de l’épaule, Saive exerce des rotations externes, internes puis un léger mouvement vers le bas. Ces quatre séries de 30 secondes constituent un échauffement spécifique.  » La position de base est très importante. Mon kiné contrôle régulièrement la bonne exécution des mouvements. Chacun répond à un objectif particulier « .

Exercice 1. Jean-Michel pourrait utiliser l’élastique simple mais celui-ci offre une moins bonne prise que l’élastique muni de poignées. Or, il doit réaliser un mouvement qui est tout à fait le contraire de celui du ping, afin de rééquilibrer son épaule : il doit tirer ses bras tendus vers l’extérieur. Il sollicite ainsi les muscles dorsaux et les abaisseurs de l’épaule. Deux séries de dix suffiront !

Exercice 2. Parallèle à l’espalier, élastique à hauteur de la taille, Saive tire l’élastique vers lui puis revient lentement.  » En ping-pong aussi, la frappe de la balle est rapide alors que le bras revient plus lentement en position. La lenteur du retour habitue l’articulation au jeu et travaille les muscles opposés « . Il effectue trois séries de dix mouvements puis répète l’exercice en se tournant de l’autre côté. Cet exercice sollicite les muscles internes et externes du bras.

Exercice 3. Dos à l’espalier, le pongiste doit tendre l’élastique et résister. Ce mouvement, qui lui est pénible, étire tous les muscles dorsaux et les deltoïdes. Mieux vaut faire l’impasse sur cet exercice le lendemain d’une compétition… Trois séries de dix.

Exercice 4. Face à l’espalier, Saive relève le bras à raison de trois séries de dix mouvements. Il effectue cet exercice avec aisance. Il peut d’ailleurs utiliser des haltères légers. Les deltoïdes et le sous épineux sont sollicités.

Exercice 5. Couché sur le sol, sur le côté gauche, les genoux fléchis pour assurer l’immobilité du corps, Saive effectue des mouvements latéraux similaires à ceux de l’exercice 2, mais avec un haltère léger. La gravité rend l’exercice un peu plus dur. Trois séries de dix.  » Tuant ! « , rigole Saive.

Exercice 6. Cet exercice peut également être réalisé avec les élastiques : Saive écarte les haltères de son corps, bras tendus, sans jamais aller plus haut que les épaules.

Exercice 7. Toujours avec des haltères, plus lourds et debout, il fléchit les bras. L’exercice est dynamique mais assez aisé : il fait travailler les biceps.

Exercice 8. Avec haltère, ballon ou n’importe quel autre objet, pour autant que Jean-Mi Saive puisse le serrer. Bras tendus vers l’avant, il doit maintenir le ballon devant lui en appuyant. Il travaille ainsi les pectoraux ainsi que les muscles postérieurs (dos). Il effectue deux séries de six répétitions et doit maintenir sa position durant six secondes.

par pascale piérard – photos : reporters/buissin

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