LE RÊVE HOLLANDAIS

Pourquoi trouve-t-on des pros belges partout aux Pays-Bas ?

Dans les années 70, 80 et 90, le football belge était envahi par les joueurs néerlandais. La première coupe européenne conquise par un club belge fut marquée du sceau de Robby Rensenbrink. Anderlecht était, à l’époque, parfois surnommé Nederlecht. Le premier (et unique) titre du RWDM porte la griffe de Jan Boskamp, qui fut aussi le premier Soulier d’Or étranger. Arie Haan, l’un des maîtres à jouer de l’équipe Oranje à la Coupe du Monde 1978, fut aussi un chef d’orchestre à Anderlecht et au Standard. Sans oublier le génial Simon Tahamata. On pourrait citer des exemples à profusion.

Aujourd’hui, la tendance s’est inversée : on ne trouve plus guère de footballeurs hollandais en Belgique, mais les Pays-Bas constituent une destination très prisée pour les joueurs belges. Qu’ils soient des stars, des joueurs anonymes ou même des (très) jeunes : on en trouve partout. Pourquoi ? C’est ce que nous avons cherché à comprendre.

Snobé à Mons, Rossini a signé à Utrecht jusqu’en 2008

Utrecht. Un carrefour au centre des Pays-Bas : c’est là où ça bouchonne sur l’autoroute lorsqu’on se rend à Amsterdam. Le FC Utrecht dispose d’un magnifique stade, De Galgenwaard, de dimension relativement modeste mais qui comprend magasins, fitness, etc. L’équipe est coachée par deux vieilles connaissances du football belge : Foeke Booy, ex-Club Bruges, est entraîneur principal, et John van Loen, que l’on avait surnommé le Réverbère lorsqu’il jouait à Anderlecht, est entraîneur adjoint.

Plusieurs joueurs belges y évoluent, comme Tom Caluwé, Hans Somers et un jeune attaquant de 20 ans, Giuseppe Rossini. Il est né à Bari mais ses parents ont émigré en Belgique lorsqu’il avait trois ans. D’abord dans l’agglomération bruxelloise (Molenbeek et Laeken), puis à La Louvière. Son père travaille dans le bâtiment, sa mère est femme au foyer. Il a joué en équipes de jeunes à Houdeng, à Charleroi pendant cinq ans (où il côtoya Laurent Ciman et Thibaut Detal), à Houdeng de nouveau, et enfin à Mons, jusqu’en Juniors et en Réserve.  » J’avais parfois pu m’entraîner avec l’équipe Première à l’époque de Marc Grosjean et de Sergio Brio, mais je n’ai jamais pris place sur le banc « .

Il a été repéré lors d’un match de Réserve à Beveren.  » Utrecht m’a invité à passer un test. Cela s’est bien passé et on m’a proposé un contrat. Je n’ai guère hésité : c’est l’un des meilleurs clubs des Pays-Bas. On était en juillet 2004 et j’allais avoir 18 ans un mois plus tard, le 23 août. Je venais d’obtenir mon diplôme de gestion en informatique. Apparemment, les Néerlandais ont de meilleurs yeux que les Belges pour repérer un joueur. En Belgique, on m’a découvert quand Stéphane Pauwels m’a cité dans son équipe-type des révélations à l’émission Studio 1. Je conserve précieusement la cassette. Je pense que Pauwels était venu visionner un match entre Groningen et Utrecht. Cela m’a fait drôlement plaisir d’être cité « .

Après avoir fait ses classes en Juniors et en Réserve, Rossini a rejoint définitivement l’équipe Première cette saison. Il commence généralement sur le banc, car il est barré par le Français Marc-Antoine Fortuné et le Hollandais RobinNelisse, mais lorsqu’il reçoit sa chance, il s’efforce de la saisir. Avec tellement de vigueur qu’en décembre, lors d’un match face à Feyenoord, il s’est fait exclure : entré au jeu à la 75e minute, il a reçu un carton rouge à la 83e et écopé de deux matches de suspension.  » C’est un élément d’avenir « , explique son entraîneur, Foeke Booy.  » Un target man, comme on dit : un élément de grande taille (1m93), capable de dévier les ballons de la tête pour le joueur qui tourne autour de lui. Il joue beaucoup dos au but, est fort de la tête et a un très bon pied gauche. Il doit encore beaucoup apprendre, surtout à protéger son ballon car il a tendance à le perdre. Il doit aussi progresser dans le jeu en un temps. Il a du potentiel et s’est très bien intégré à Utrecht. Je trouve qu’il y a suffisamment de talents en Belgique, mais ils ne sont pas toujours appréciés à leur juste valeur dans leur pays. C’est la raison pour laquelle autant de jeunes footballeurs belges viennent tenter leur chance ici. Il y a beaucoup de joueurs étrangers en Belgique, au point que souvent, la proportion avec les joueurs du cru n’est plus très équitable « .

Rossini est sous contrat jusqu’en juin 2008. Pourtant Utrecht veut déjà prolonger. Le jour de notre visite, il devait aussi passer devant les caméras de la télévision néerlandaise dans la langue nationale.

 » Mon meilleur souvenir ? Un assist de la tête, en direction de Fortuné, qui nous avait permis de battre Heracles à la 94e minute. Mon premier but aussi, que j’avais inscrit durant les playoffs en fin de saison dernière, mais comme on avait perdu 1-4 contre le FC Twente, il n’avait pas servi à grand-chose. Mauvais souvenirs ? Mon… premier match avec l’équipe Première ! Une rencontre amicale contre Aston Villa. J’avais aussi délivré un assist de la tête, mais… dans le mauvais sens ! L’attaquant adverse avait filé seul au but et avait marqué. Il y a aussi le décès du joueur français David Di Tommaso, il y a un an : dans son sommeil à 27 ans ! J’en fus d’autant plus secoué que, comme on parlait la même langue, j’avais des rapports privilégiés avec lui « .

Né Italien, Rossini s’est fait naturaliser Belge dans l’espoir d’obtenir, un jour, une sélection chez les Diables Rouges. Dans un premier temps, une convocation pour les Espoirs de Jean-François de Sart ferait déjà son bonheur.  » Mais je n’ai toujours rien vu venir « . Cela passera sans doute d’abord par l’obtention d’un statut de titulaire.

Remacle a quitté Genk pour la lanterne rouge d’Eredivisie

Waalwijk. Littéralement, le quartier wallon. En fait, une petite ville néerlandaise située à mi-chemin entre Breda et Utrecht. Le club local s’appelle RKC, pour Roomsch Katholieke Combinatie (Association catholique romaine). Il porte les couleurs du Brésil : maillot jaune, short bleu et bas blancs. Mais ce n’est pas le Brésil : il occupe la 18e et dernière position de la Eredevisie.

Sous la direction du capitaine Patrick van Diemen, que l’on a connu jadis à Anderlecht, le matelot Jordan Remacle (19 ans, Verviétois, ex-Standard et Genk) y a un statut de réserviste. Comment a-t-il pu aller s’enterrer là-bas, alors qu’il frappait aux portes de l’équipe Première à Genk ?  » En fin de saison dernière, je m’étais entretenu avec Hugo Broos « , explique-t-il.  » Je lui avais demandé davantage de temps de jeu. Il a compris que je voulais être titulaire, ce qui est tout de même différent. Certains me disent que j’aurais eu ma chance, mais je me souviens que la saison dernière, lorsque Thomas Chatelle s’était blessé, l’entraîneur avait aligné Justice Wamfor ou Faris Haroun sur le flanc droit. Je me suis posé des questions. J’avais l’impression qu’il ne m’accordait sa confiance qu’au compte-gouttes. Ai-je été trop impatient ? Peut-être. Mais, quand on a goûté à la D1 à 16 ans (à l’occasion d’un match au Club Bruges, où j’étais réserviste), on a hâte d’en reprendre. Les trois saisons durant lesquelles j’ai peu joué m’ont parues longues. Le RKC s’était déjà intéressé à moi l’an passé, et j’avais eu l’occasion de discuter avec Maarten Martens et Benjamin De Ceulaer, qui étaient passés par Waalwijk précédemment. Ils m’en avaient dit beaucoup de bien. Ce club leur avait servi de tremplin : Martens a obtenu un beau transfert vers AZ et De Ceulaer est parti pour Feyenoord. J’avais aussi l’impression qu’avec ma vitesse et mes qualités de débordement, le football néerlandais me conviendrait bien. La plupart des formations y évoluent en 4-3-3, dans un esprit offensif. Dans la pratique, je dois bien reconnaître que cela ne s’est pas passé comme je l’espérais. Je suis tombé dans une équipe qui ne tourne pas et c’est difficile pour un jeune de s’exprimer. On reçoit moins de bons ballons. J’ai pourtant l’impression d’apporter quelque chose lorsque je monte au jeu, mais on ne peut pas attendre d’un footballeur de 19 ans qu’il porte l’équipe « .

Quand rien ne tourne, on boit le calice jusqu’à la lie : le 10 décembre, Remacle avait enfin été titularisé pour le déplacement à Vitesse Arnhem. Il avait inscrit le seul but de son équipe, qui s’était inclinée 3-1, et pensait avoir bien plaidé sa cause auprès de l’entraîneur Adrie Bogers, qui assurait l’intérim après le limogeage d’ Adrie Koster. Mais, en cours de semaine, le nouvel entraîneur Mark Wotte débarqua d’Ismaïlia en Egypte. Ce qui s’était passé la semaine précédente ne comptait plus, les compteurs étaient remis à zéro et Jordan se retrouva de nouveau sur le banc lors du match suivant, contre le NEC Nimègue :  » Cela m’a fait l’effet d’un coup de massue « .

Remacle a signé pour cinq ans, mais il ne se voit évidemment pas user ses fonds de culotte dans le dug out pendant un lustre. Son manager Kismet Eris, qui s’occupe aussi de Sébastien Pocognoli et de certains jeunes Belges du MVV Maastricht, sonde déjà le marché : le FC Brussels pourrait être intéressé. Malgré ses déboires, le joueur ne serait pas réfractaire à l’idée de poursuivre sa carrière aux Pays-Bas. A Waalwijk ou ailleurs.

 » Ce n’est pas toujours facile de vivre seul à l’étranger. Les copains me manquent. Et lorsque je vois Genk qui trône en tête du classement, je sens parfois poindre une petite pointe de nostalgie. Mais, une fois ces difficultés surmontées, je pense que le football néerlandais peut me convenir. On y trouve plus d’espaces et le jeu est davantage orienté vers l’avant. Et lorsqu’on va jouer des matches à l’Ajax, à Feyenoord ou au PSV, c’est tout de même valorisant « .

Petit détail tout de même : au RKC, lanterne rouge du championnat des Pays-Bas, Remacle a un meilleur contrat qu’à Genk, leader du championnat de Belgique !

L’inconnu De Fauw a été déjà été capitaine à Roda JC

Kerkrade, une petite bourgade du Limbourg néerlandais, à l’extrême sud-est du pays. Si Mouscron est le cul-de-sac de la Belgique, Kerkrade est le cul-de-sac des Pays-Bas : coincé entre notre pays et l’Allemagne. Les gens parlent d’ailleurs le néerlandais avec l’accent allemand. Le club local, Roda JC (pour Juliana Combinatie, du nom d’une ancienne reine), abrite une colonie belge, forte de huit membres pour l’équipe Première. Davy De Fauw (25 ans) est l’un des derniers arrivés. Il n’a jamais joué en D1 belge, mais aux Pays-Bas, il a déjà porté le brassard du capitaine.  » A l’époque du Sparta Rotterdam, où j’ai joué quatre ans et demi « , explique-t-il.  » Ici à Kerkrade, c’est ma première saison mais je suis déjà vice-capitaine « .

Natif de Gand, De Fauw a fait toutes ses classes dans les équipes d’âge du Club Bruges.  » Avec Hans Cornelis, Birger Maertens, Karel Geeraerts, Kevin Roelandts, Stijn Stijnen et Johan Gerets, le fils d’ Eric qui joue aujourd’hui au FC Dender. J’ai reçu une excellente formation là-bas. Mais, arrivé à 19 ans, je voyais que les jeunes du club n’atteignaient l’équipe Première qu’au compte-gouttes. Depuis l’arrivée de Marc Degryse au poste de directeur technique, les choses ont un peu changé, mais je n’ai pas eu la patience d’attendre. Le championnat des Pays-Bas m’attirait depuis longtemps, et j’avais chargé mon manager d’orienter prioritairement ses recherches dans cette direction. Le Sparta, qui luttait contre la relégation, avait besoin d’un arrière droit et s’est intéressé à moi. On était en janvier. J’ai visité le stade, Het Kasteel (l’une des entrées est un ancien château), et je l’ai trouvé chouette. Deux semaines plus tard, j’y jouais « .

De Fauw n’a jamais regretté son choix.  » Si j’avais un conseil à donner aux jeunes footballeurs belges, ce serait de ne pas hésiter lorsqu’ils ont la possibilité de venir tenter leur chance aux Pays-Bas. Le football y est de bien meilleure qualité, on y est plus apprécié et le football néerlandais est également mieux considéré au niveau européen. Ajax, Feyenoord, le PSV : excusez-moi, mais c’est autre chose que Bruges, Genk ou le Standard « .

Selon De Fauw, les jeunes obtiennent plus facilement une chance aux Pays-Bas.  » Ce n’est pas difficile, puisqu’en Belgique, les chances sont quasiment nulles. C’est une question de philosophie. Aux Pays-Bas, on s’intéresse beaucoup plus aux jeunes. Ils n’y reçoivent pas une chance, mais plusieurs chances. Si l’on ne réussit pas à s’imposer du premier coup, on peut réessayer quelques semaines plus tard. Et si, après plusieurs bons matches, on connaît un passage à vide, on vous demande de vous reposer deux ou trois semaines en Réserve, tout en étant certain de revenir en équipe Première. En Belgique, j’ai l’impression que lorsqu’un jeune ne saisit pas l’unique chance qu’il reçoit, il est catalogué pour le restant de sa carrière. Et lorsqu’il redescend en Réserve après un mauvais match, la sanction est souvent définitive « .

Ce n’est pas le seul avantage qu’offrent les Pays-Bas, aux yeux de De Fauw.  » Les contrats sont substantiels. Encore que je ne puisse pas vraiment comparer : je n’ai jamais eu de contrat pro en Belgique, je n’avais qu’un contrat amateur à Bruges. Les gens sont aussi plus fanatiques aux Pays-Bas. Il faudrait voir la passion, dans les bistrots, lorsque l’équipe nationale joue ! Et puis, les stades sont beaucoup plus modernes. Sur les 18 clubs de Eredivisie, 12 ont un stade qui date de moins de cinq ans. En Belgique, seul le Fenix Stadion de Genk peut être comparé à certaines enceintes néerlandaises. Ailleurs, on se contente de construire une nouvelle tribune… en espérant que le reste suive si l’on trouve des sous. Il suffit de jeter un coup d’£il sur le nouveau stade de Roda JC. L’ancien nous sert de terrain d’entraînement : il ressemble à… un stade belge !  »

Le transfert vers Roda JC, l’été dernier, s’assimile à une promotion pour De Fauw.  » J’étais en fin de contrat au Sparta, et j’avais le choix entre Groningen et Roda : géographiquement, les deux extrêmes. Ce sont deux très bons clubs. J’ai finalement choisi le plus proche de la Belgique. Par rapport à Rotterdam, c’est un fameux changement. Rotterdam est une grande ville internationale, alors que Kerkrade est une cité provinciale. Sur l’autoroute, vous ne voyez d’ailleurs que des indications pour Heerlen, la ville voisine. Le panneau Kerkrade n’apparaît que lorsqu’on est déjà arrivé. Les mentalités sont différentes également. A Rotterdam, il faut se battre pour s’imposer. Mentalement, je suis devenu plus fort là-bas. Car, lorsqu’on a quelque chose à vous dire, on ne tourne pas autour du pot : si on trouve que vous êtes mauvais, on vous le lance en pleine figure. Mais si vous êtes bon, on vous le dit aussi. J’avais mes entrées à Rotterdam. Lorsqu’on joue quatre ans et demi au Sparta, on côtoie tout le monde des affaires. Et dieu sait s’il y a des industriels, dans une ville portuaire ! A Kerkrade, je ne connais pas encore grand monde. Mais j’ai, malgré tout, rapidement trouvé mes marques sur le terrain. Les blagues sur les Belges ? Ici à Kerkrade, pas tellement, car il y a trop de Belges. Je ne suis pas sûr que les Néerlandais soient en majorité ( ilrit). En revanche, à Rotterdam, cela n’arrêtait pas avec les résultats calamiteux des Diables Rouges. L’accent est très différent, de même que le vocabulaire. Les Néerlandais rigolaient lorsque, à table, je demandais de la confituur. Eux, ils disent jam. Au départ, ils se moquent un peu de nos complexes d’infériorité également. Mais on s’y fait, et finalement, les Néerlandais acceptent qu’on se moque d’eux également. Et lorsqu’on parvient à plaisanter, c’est bon pour l’ambiance « .

Simons est une star au PSV

Rotterdam. Le plus grand port d’Europe, le poumon économique des Pays-Bas. La ville compte trois équipes de football en Eredivisie : le petit Excelsior, le moyen Sparta (le plus ancien club hollandais) et le grand Feyenoord, qui porte le nom d’un quartier. En ce mardi 26 décembre, Feyenoord accueille le PSV Eindhoven. Un sommet du championnat qui fait recette en cette période de fêtes : 40.000 spectateurs. Le match se termine par un partage de frères : Erwin Koeman est l’entraîneur de Feyenoord et Ronald Koeman celui du PSV. 1-1, c’est le premier point perdu par la formation d’Eindhoven depuis le 1er octobre et le 0-0 à Heerenveen. C’est aussi le premier but encaissé depuis le 22 octobre et la victoire 1-3 à AZ.

 » S’il faut, pour une fois, perdre des points, j’aime autant que cela soit ici « , déclare Ronald.  » Merci, petit frère « , rétorque Erwin, alors que dans la salle de presse, on sert des broodjes kroket (une croquette dans un petit pain, spécialité typiquement hollandaise).

Deux joueurs belges ont disputé le match : Stein Huysegems a livré une bonne prestation sur le flanc gauche de Feyenoord, créant plusieurs fois le danger par des débordements et des centres, alors que Timmy Simons s’est montré utile dans l’entrejeu du PSV, en jouant à la belge, c’est-à-dire en récupérant le ballon et en le cédant au coéquipier le mieux démarqué, par une passe simple, sans trop se compliquer la vie. Par une curieuse coïncidence, les deux joueurs sont nés à Diest.  » J’aurais préféré passer les fêtes en famille « , confesse Huysegems.  » Mais les obligations professionnelles étant ce qu’elles sont…  »

Sur le banc de Feyenoord, on trouve encore Timothy Derijck (ex-Anderlecht) qui montera au jeu à 30 secondes de la fin, pour gagner du temps. Par contre, aucune trace de Pieter Collen, si ce n’est en poster dans le magazine du club, et encore moins de Philippe Léonard, carrément relégué aux oubliettes. On l’a tout de même croisé à la sortie du stade, avec sa petite fille.  » Je me balade « , sourit-il.  » Je suis venu voir le match en touriste « .

Pour l’ancien Standardman, il y a fort à parier que l’aventure hollandaise se terminera prématurément. Pour Simons, en revanche, elle continue de plus belle. L’ancien Brugeois connaît une belle réussite : son équipe trône en tête du classement et est toujours en lice en Ligue des Champions. Arrivé en 2005, il a été promu vice-capitaine derrière Philip Cocu. A l’époque, Feyenoord s’était également intéressé à lui. Mais Bruges exigeait une telle somme de transfert que Feyenoord a renoncé, peut-on lire dans le journal du club. Le flirtavec le PSV semblait également devoir être sans lendemain, mais après les départs de Mark van Bommel et de Johan Vogel, Guus Hiddink a tellement insisté pour obtenir ce médian travailleur que la direction a fini par accéder à son souhait. Depuis, les faits lui ont donné raison, car Simons a immédiatement apporté un plus au PSV.

Pour combien d’argent Simons a-t-il été transféré ? 3,5 millions ?  » Je l’ignore « , rétorque l’intéressé.  » Et je crois que, si vous demandez à d’autres personnes dans le club, elles ne vous le diront pas « .

Simons est l’un des rares joueurs belges acquis par un club hollandais alors qu’il était déjà une valeur sûre chez nous. Dans son cas, c’est la promotion sportive qui a orienté son choix : le PSV lui offrait l’opportunité de grimper dans la hiérarchie tout en demeurant dans un pays plus accessible que l’Italie, l’Espagne ou l’Angleterre.  » C’est un club qui est régulièrement champion « , constate-t-il.  » Et aux Pays-Bas, le champion est automatiquement qualifié pour les poules de la Ligue des Champions. C’est ce qui a guidé mon choix, et je ne pense pas m’être trompé. La preuve : on est toujours en course. Certes, je me suis aussi amélioré financièrement, mais c’est simplement un avantage supplémentaire. Ce n’était pas la raison principale « .

8 Belges à Maastricht, en D2. Autant qu’à Genk et Roulers !

Maastricht. 30 kilomètres au nord de Liège, 15 au nord de Visé. Une ville bien connue des Belges, qui vont parfois y faire leurs emplettes. Au club de MVV ( Maastrichtse Voetbal Vereniging), qui joue dans les couleurs d’Arsenal (maillot rouge à manches blanches), on fait l’effort d’accueillir le visiteur en français, ce qui est rare aux Pays-Bas. Rien d’étonnant que les joueurs belges s’y trouvent en nombre : huit en équipe Première, et davantage encore si l’on puise plus profondément dans le réservoir des Réserves et des jeunes. Ils ne sont pas dépaysés, puisqu’ils disputent la Jupiler League… car c’est ainsi qu’on appelle, depuis cette saison, la D2 néerlandaise.

Le plus connu de nos compatriotes est d’origine croate. Aujourd’hui âgé de 35 ans, Drazen Brncic a joué à Charleroi.  » Mais j’ai commencé à Hemptinne-Eghezée, en D3 « , rappelle-t-il.  » Puis, après trois saisons chez les Zèbres, je suis parti en Italie où j’ai beaucoup bourlingué : Crémone, Monza, Milan AC, Vicence, Inter, Ancône et Venise. C’est ma quatrième saison à Maastricht. Et je ne compte pas en rester là : j’espère jouer jusqu’à 40 ans « .

Droit d’aînesse oblige, il nous présente les autres Belges :  » Alexandre Bryssinck est titulaire indiscutable au poste d’arrière droit, au point que le MVV a tout fait pour le garder alors qu’il était courtisé par Stoke City. Bernd Rauw peut jouer comme défenseur central ou demi défensif. Certains arbitres croient qu’il a déclaré la guerre aux Hollandais, car il reçoit beaucoup de cartons jaunes, mais c’est sans doute parce qu’il provient du football allemand plus viril ! Laurent Castellana est un jeune défenseur polyvalent, qui impressionne par sa présence physique. Damien Miceli est un joueur polyvalent du milieu de terrain. Il arrive en fin de contrat et est déjà très courtisé. Anthony Di Lallo est un joueur de petite taille, mais les Hollandais ne considèrent pas que c’est un handicap. Ils l’apprécient pour sa vivacité. Sa présence attire beaucoup de public… y compris féminin ! ( Il rit) Fabio Caracciolo avait presque sa statue à Maastricht lorsque je suis arrivé. Il était très apprécié, car il inscrivait beaucoup de buts comme attaquant. Mais l’arrivée d’un nouvel entraîneur a un peu changé la donne pour lui. Aziz Moutawakil, j’avais eu l’occasion de l’affronter pendant deux ans lorsqu’il jouait au Fortuna Sittard. Il était déjà très remuant, mais il appartient à Roda JC… qui voudra peut-être le récupérer, tellement il est bon !  »

Qu’est-ce qui a amené tous ces joueurs au MVV ?

Brncic :  » En D2 néerlandaise, chaque club doit avoir 15 joueurs professionnels sous contrat s’il veut obtenir une licence pour la D2. On est payé à heure et à temps et tout est déclaré : d’ailleurs, on nous retire beaucoup de taxes ! Combien y a-t-il de clubs véritablement professionnels en D2 belge ? L’Antwerp, Malines, Overpelt-Lommel ? Même Zulte Waregem, qui joue en D1 et dispute la Coupe de l’UEFA, ne compte que neuf ou dix pros. Aux Pays-Bas, même en D2, les stades sont modernes et les terrains d’entraînement en excellent état. Le niveau de jeu est très bon : je crois que le MVV soutiendrait aisément la comparaison avec six ou sept clubs de D1 belge. La philosophie du jeu est totalement différente : aux Pays-Bas, on essaie d’être meilleur que l’opposant, alors qu’en Belgique, on essaie d’abord d’empêcher l’adversaire de développer son jeu « .

Bryssinck (25 ans, ex-La Louvière, 4e saison à Maastricht) :  » C’est une certaine forme de frustration qui m’a amené à quitter La Louvière. Lorsque les Loups ont gagné la finale de la Coupe de Belgique, en 2003, je n’avais même pas été repris alors que j’étais l’un des enfants de la maison. ArielJacobs s’est justifié en déclarant qu’il avait fait un choix tactique. Suite à cela, j’ai aussi fait un choix tactique…  »

Rauw (26 ans, sept années au Standard, cinq années à Alemannia Aix-la-Chapelle, trois à Bielefeld, un nouveau championnat à Aix-la-Chapelle, 1re saison à Maastricht) :  » J’avais eu des problèmes avec l’entraîneur d’Alemannia. Comme je n’avais pas envie de déménager, j’ai opté pour Maastricht « .

Castellana (19 ans, 11 années au Standard, 3e saison à Maastricht) :  » Chez les Rouches, je ne jouais qu’avec les jeunes. Ici, j’ai plus rapidement franchi les échelons « .

DiLallo (18 ans, huit années au Standard, deux années à Genk, 1re saison à Maastricht) :  » Je jouais en Réserve à Genk. Le MVV m’a proposé d’intégrer l’équipe Première. Ce n’est pas plus compliqué « .

Miceli (22 ans, cinq années à Charleroi, quatre années à La Louvière, 4e saison à Maastricht) :  » Pareil pour moi : je jouais en Réserve à La Louvière, le MVV m’a proposé d’intégrer l’équipe Première « .

Caracciolo (22 ans, une année à Zwartberg, une année à Tongres et déjà… 12e à Maastricht) :  » En fait, à l’exception de mes débuts en Belgique lorsque j’étais gamin, je n’ai rien connu d’autre que le MVV. J’y ai fait mes classes dans les équipes d’âge à l’époque où Sef Vergoossen était coordinateur des jeunes « .

Moutawakil (23 ans, affilié au départ à Maaseik, neuf années au Patro Maasmechelen, deux années au Fortuna Sittard, 1re saison MVV) :  » J’appartiens à Roda JC, qui m’a prêté en D2 pour m’aguerrir. J’ai toujours trouvé que le MVV était un chouette club « .

Ont-ils trouvé ce qu’ils recherchaient aux Pays-Bas ?

Bryssinck :  » Je peux y évoluer dans un autre contexte, j’ai appris une autre langue… tout en n’étant pas déraciné. Maastricht, ce n’est pas Groningen : on est à quelques kilomètres de la frontière belge. On joue devant 5 à 6.000 spectateurs à chaque match, alors qu’au Tivoli, lorsqu’on accueillait 5.000 personnes, Filippo Gaone allait remercier la Sainte Vierge… Je n’oublie pas d’où je viens, mais lorsque je vois où se trouvent les Loups aujourd’hui, je me dis que ma mise à l’écart lors de la finale de la Coupe était peut-être également un signe divin : il valait mieux que je parte. Aux Pays-Bas, c’est un football plus offensif, un 4-3-3 constant. A La Louvière, on jouait encore à cinq derrière, avec un libero, deux demis défensifs et un attaquant abandonné à son sort. J’dis ça, j’dis rien « .

Caracciolo :  » En Belgique, il fallait tacler. Ici, on réceptionne le ballon et on construit « .

DiLallo :  » On pratique un football plus soigné aux Pays-Bas. En Belgique, on abuse de longs ballons. Ici, on n’est pas sifflé lorsqu’on repasse par le gardien de but. Au contraire, on considère que c’est le point de départ d’une nouvelle attaque. Le jeu se construit depuis l’arrière, et on préfère garder le ballon dans ses rangs que de le balancer dans le rectangle « .

Castellana :  » Malgré tout, au Standard, je pouvais monter en tant que défenseur. Ici, on me demande de garder ma position « .

Miceli :  » Ce qui est bien, c’est qu’il n’y a pas de descendant. Comme il n’y a qu’un seul montant direct (probablement le RBC Roosendaal), l’objectif de la plupart des équipes est de décrocher le gain d’une tranche : six clubs de D2 participent au tour final pour la montée avec deux clubs de D1 « .

Brncic :  » Aux Pays-Bas, lorsqu’on regarde un joueur, on voit d’abord ses qualités. En Belgique, j’ai l’impression qu’on évalue d’abord ses défauts. Je crois que chaque footballeur qui atteint la D1 ou la D2 possède, forcément, certaines qualités. Encore faut-il savoir les utiliser. Un jour, peut-être, certains de mes jeunes compatriotes retourneront en D1 belge. Et ils figureront parmi les meilleurs ! « .

DANIEL DEVOS, ENVOYÉ SPÉCIAL AUX PAYS-BAS

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