LE RETOUR DE L’HOMME BUT

Parti à Villarreal début 2013 avec l’étiquette de serial killer des prairies bien imprégnée sur le dos, Jérémy Perbet est de retour.Et est prêt à faire en sorte que cela se sache.

Le dernier bon coup de Mogi Bayat s’appelle Jérémy Perbet. Après avoir brillé de mille feux avec Mons, le garçon avait dû attendre pour obtenir le transfert lucratif qu’il méritait.

Six mois en Segunda Division espagnole, une saison complète en Liga et une autre en Turquie, au Basaksehir Istanbul, l’ont pourtant ramené à l’une de ses premières amours : la Jupiler Pro League. L’année difficile qu’il vient de vivre sur les bords du Bosphore n’y est évidemment pas étrangère. Un temps surnommé Perbut, le Français revient aujourd’hui là où tout a commencé pour lui en Belgique, au Stade du Pays de Charleroi.

A 30 ans bien sonnés, mais avec l’envie de prouver qu’il a mûri, Jérémy Perbet pourrait bien être l’attaquant que Charleroi n’attendait plus. De ceux qui marquent, et pas uniquement les esprits.

Comment vivez-vous ce retour au Sporting de Charleroi, sept ans après l’avoir quitté ?

JÉRÉMYPERBET : Je suis content de revenir ici, même si, de mon premier passage en 2007, je garde l’image d’un club peu stable, avec beaucoup de changements d’entraîneurs. En l’espace de six mois, j’ai connu Jacky Mathijssen, Thierry Siquet et Philippe Vande Walle pour les quatre derniers matches. Il n’empêche que, sportivement, cela reste un très bon souvenir puisque nous avions terminé cinquièmes cette année-là. Et puis, je suis content de retrouver un environnement que je connais et une certaine stabilité familiale aussi. A ce niveau-là, tout est vraiment mieux en Belgique.

Comment se sont passés les premiers contacts avec Felice Mazzu et le reste de l’équipe ?

PERBET : Très simplement, je dois dire. C’est un groupe qui vit bien. Et puis, je commence à avoir l’habitude de changer de club. Je n’ai pas encore eu beaucoup le temps de parler avec l’entraîneur, même si je l’avais déjà connu à Tubize à l’époque (de 2008 à 2010 en tant qu’adjoint, puis comme entraîneur principal, ndlr). Comme d’habitude, j’ai fait certaines recherches sur internet, j’ai été voir les résumés des derniers matchs et puis j’ai mémorisé les noms de chacun, cela reste le plus important (il sourit). Ce qui change beaucoup, en fait, c’est mon statut. Aujourd’hui, à presque 31 ans, je fais quasi figure d’ancien dans le vestiaire, là où en arrivant il y a huit ans et demi, je n’étais personne. Les attentes sont plus grandes aujourd’hui. Certains me posent des questions sur la Liga, alors qu’avant, c’était moi le petit jeune intrigué par les plus âgés. Mais, en soi, ce n’est pas le fait d’avoir joué à Villarreal qui va changer qui je suis vraiment. Par contre, c’est vrai que cela m’a permis d’évoluer en tant qu’homme et de m’ouvrir puisque j’ai toujours été d’un naturel assez timide.

 » JE N’AI AUCUN REGRET CONCERNANT MES CHOIX  »

Qu’est-ce qui vous a décidé à revenir en Belgique ?

PERBET : En Turquie, je n’étais pas épanoui dans un système de jeu très défensif où j’étais le seul attaquant, mais surtout le premier défenseur. Cela ne nous a pas empêchés de faire une bonne saison, puisque nous avons terminé quatrièmes et que nous nous sommes qualifiés pour la Coupe d’Europe. Basaksehir est un club ambitieux, avec des installations comme peu de clubs en Belgique ont, mais j’avoue que la saison dernière n’a tout de même pas été évidente pour moi et ma famille. La ville n’était pas le problème, mais c’est la barrière de la langue qui a été plus difficile à accepter. Le moindre petit truc peut prendre des proportions inouïes à cause du manque de compréhension. Sportivement, c’était donc compliqué puisqu’il fallait en permanence passer par un interprète pour dialoguer avec le coach. Et puis, comme je représentais un gros salaire pour le club, c’était mieux pour tout le monde que je trouve une solution. Il n’empêche qu’en dehors du foot, nous avons fait de chouettes rencontres grâce à ma femme, qui parle l’italien, et moi l’espagnol et l’anglais. Je n’ai donc aucun regret.

Pour beaucoup, c’est une grosse surprise, étant donné que votre ancien agent n’est autre que Youri Selak, l’actuel directeur sportif de Mouscron. Comment avez-vous atterri ici et pas à Mouscron ?

PERBET : C’est un peu compliqué mais, en gros, et comme toujours, c’est une histoire de salaire. J’ai discuté avec Mouscron, avec Bruges aussi, mais c’est finalement à Charleroi que j’ai signé. Il y a trois semaines, j’ai pris le risque de déjà faire mon déménagement vers Braine-le-Château où nous avons acheté avec ma femme avant de partir en Espagne puisque j’avais dit à Mogi Bayat que j’étais désireux de rentrer en Belgique. C’était un gros risque parce que je n’étais pas sûr que cela aboutirait réellement, mais bon, avec Mogi, vous pouvez partir du principe qu’il trouvera toujours une solution…

Les jours passant, vous n’avez pas eu peur de devoir retourner à Istanbul ?

PERBET : J’avais pleinement confiance en Mogi, mais c’est vrai que ça a été long. En fait, après mon déménagement, je suis rentré à Istanbul où je m’entraînais avec le groupe, mais sans pouvoir jouer de match. Cela aurait pu se faire, le 15, le 20 ou le 25, mais finalement, Mogi m’appelle le 30 août au soir en me disant de prendre le premier vol pour la Belgique. J’ai trouvé un vol à 3 heures du matin, je suis arrivé et j’ai signé mon contrat sans avoir dormi de la nuit. C’est forcément un peu stressant, mais avec un minimum de recul, j’ai presque envie de dire que cela s’est fait au bon moment. Avec la trêve internationale, j’ai dix bons jours pour m’adapter avant de reprendre du service.

 » EN ESPAGNE, J’AI APPRIS À ME FAIRE MAL  »

48 heures après votre arrivée, vous ne vous étiez pas encore entraîné avec le groupe, mais vous aviez déjà eu l’occasion de jouer votre premier match contre l’équipe nationale luxembourgeoise.

PERBET : Oui et on s’en est pris quatre puisqu’on a perdu 4-1. Mais bon, il faut relativiser et remettre ce match dans son contexte, ce n’était qu’un amical. Mais c’est vrai que l’équipe connaît des problèmes offensifs ces derniers temps et qu’il va falloir penser à les résoudre rapidement.

On a souvent dit que vous étiez typiquement le genre de joueur sur lequel il est difficile de défendre puisque votre meilleur atout reste votre placement entre les lignes ou l’art de vous faire oublier dans le grand rectangle. Vous êtes toujours ce type de joueur ou vous avez changé ?

PERBET : Je participe beaucoup plus au jeu aujourd’hui qu’à mon époque montoise. C’est le résultat du travail effectué à Villarreal. Là-bas, je me suis vraiment rendu compte de ce qu’était un vrai entraînement. Cela n’a rien à voir avec la Belgique ou la France, ou même la Turquie. En Espagne, chaque joueur se donne à 200 % sur chaque exercice et je n’ai jamais vu quelqu’un snober l’entraînement pour une petite blessure. La raison, elle est très simple : vous évoluez dans un groupe de 25 joueurs et il y aura toujours quelqu’un pour prendre votre place. C’est quand tu joues dans des effectifs pareils que tu apprends à te faire mal. Tu ne bosses pas seulement pour t’améliorer, tu bosses pour garder ta place. Je me rappelle un match avec Villarreal où je marque deux buts. La semaine suivante, on joue Barcelone (le Real Madrid en fait, ndlr), mais le coach décide de me laisser sur le banc. C’est impensable en Belgique et c’est pour ça que, parfois, certains, et moi le premier, se permettent de lever le pied à l’entraînement.

A Villarreal, vous avez fréquenté au quotidien des joueurs de la trempe d’Olof Mellberg ou Marcos Senna. Cela aussi devait vous faire tout drôle…

PERBET : C’est sûr que ce sont des immenses joueurs, mais je ne suis pas du genre à regarder beaucoup de foot à la télévision. Je regarde les matchs de la France pendant le Mondial, évidemment, et ceux de Marseille de temps en temps, mais ça s’arrête là. Cela ne m’empêche pas d’avoir énormément appris au contact de tels joueurs. A l’entraînement, celui qui me choquait, c’était Giovani Dos Santos. Je n’oublierai pas de sitôt la qualité de son pied gauche. Ça, c’était quelque chose. En match, celui qui m’a fait la plus grosse impression, et je ne dis pas ça pour vous, c’est Thibaut Courtois à l’Atlético. J’avais l’impression d’être dans l’impossibilité complète de marquer. Il ne m’avait jamais paru aussi grand.

 » JE SAIS CE QUE JE VAUX  »

C’était un rêve pour vous de rejoindre un grand championnat ?

PERBET : Non, ce n’était pas un rêve, à partir du moment où je n’ai jamais fait de plan de carrière et que quand on m’a proposé mon premier contrat pro à 18 ans à Clermont en Ligue 2, je ne me dirigeais pas vers une carrière de footballeur professionnel. C’est pour ça que j’ai été au bout de mon BAC. Je ne considère pas que j’ai réalisé un rêve, je considère que mes performances m’ont offert cette belle opportunité.

Mais pourquoi avoir quitté Villarreal et la Liga pour Basaksehir, en Turquie ?

PERBET : Villarreal est un club qui a des principes et qui doit vendre pour concurrencer les meilleurs en Espagne. Et un joueur de plus de 30 ans ne peut plus rien lui apporter en termes de plus-value, c’est pour cela qu’on voulait me vendre. Quand les Turcs sont arrivés avec leurs gros moyens, cela arrangeait tout le monde. J’ai visité les installations toutes neuves et j’ai été agréablement surpris. Et puis, le club me proposait trois ans de contrat avec un très bon salaire au lieu des deux années qu’il me restait à Villarreal. Cela aussi, ça compte forcément.

Reste qu’à 30 ans vous revenez à Charleroi deux ans seulement après avoir quitté la Belgique et Mons. Ce n’est pas un aveu d’échec quelque part ?

PERBET : Honnêtement, si j’étais célibataire, je serais sans doute resté en Turquie, mais ma famille passera toujours avant tout le reste. Et puis, ce n’est pas un échec si on voit d’où je viens. Je n’ai pas fréquenté les centres de formation à la française mais je sais ce que je vaux. Si après plusieurs saisons en Ligue 2, vous n’avez pas d’offres concrètes de Ligue 1, c’est qu’il y a aussi des raisons et je l’ai toujours accepté.

Aujourd’hui, vous avez fait une croix définitive sur la Ligue 1 ?

PERBET : Ma carrière n’est pas finie, loin de là même, mais je ne réfléchis pas si loin. Je sais qu’il me reste encore de belles années. En fait, j’ai du mal à me dire que le temps passe. J’ai l’impression d’être encore au début, mais j’ai presque 31 ans. Le fait d’avoir éclos sur le tard ne facilite pas les choses. Il faudra réfléchir en temps voulu pour la suite, mais je n’exclus rien.

Pas même d’encore jouer dans un grand club belge ?

PERBET : Non, je ne l’exclus pas. Cela aurait déjà pu se faire en 2013 au Standard, mais cela ne s’est pas fait pour diverses raisons. C’était encore possible à Bruges il y a quelques semaines, mais finalement non. C’est la vie.

Vous avez déjà envisagé d’aller finir votre carrière aux Emirats ou au Qatar par exemple ?

PERBET : Je n’y ai jamais réfléchi. C’est le genre de choses auxquelles on pense quand on vous le propose. Mais ma famille voudrait-elle de cette vie-là ? Je n’en suis pas sûr. Je m’en suis rendu compte avec la Turquie, ce sont des pays où ce n’est pas facile de s’adapter. Mais après, les Etats-Unis, pourquoi pas…

PAR MARTIN GRIMBERGHS – PHOTOS IMAGEGLOBE – BRUNO FAHY

 » Face à Courtois, j’avais l’impression d’être dans l’impossibilité complète de marquer.  » JÉRÉMY PERBET

 » Je participe beaucoup plus au jeu, aujourd’hui, qu’à mon époque montoise.  » JÉRÉMY PERBET

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