Le repli italien

Malgré des rentrées dopées par son succès à Athènes, le champion d’Europe n’a pas frappé de grand coup à l’image des clubs transalpins.

Le lendemain de la victoire en Ligue des Champions entraînant la participation à la Supercoupe d’Europe et au Championnat du Monde des Clubs, la direction de Milan avait annoncé que sa victoire à Athènes allait lui rapporter 100 millions. Un chiffre réaliste vu que le sponsor maillot, Bwin, la société de paris autrichienne, a déboursé un bonus de 2,7 millions d’euros en plus des 10 millions annuels et que l’UEFA a, elle, versé 39,592 millions de primes. A ces rentrées, il faut ajouter les primes pour les tournées estivales (1 million pour la participation au tournoi de Moscou) et autres rencontres amicales et la prime de victoire à Monaco contre Séville (1,6 million) en attendant le cachet des organisateurs japonais du Mondial des clubs fin décembre.

Cette manne n’a pourtant pas incité la direction de Milan à se montrer très active sur le plan des transferts. Surprenant, même en se souvenant qu’en janvier 2007, le club avait déjà déboursé 20 millions pour acquérir Ronaldo et MassimoOddo. Cet été, CarloAncelotti n’aura reçu qu’un seul renfort, le Brésilien Pato (18 ans en septembre) qu’il ne pourra pas aligner avant le 1er janvier, Emerson est arrivé juste avant la clôture du mercato. Cette frilosité étonne de la part d’un club qui, outre des résultats sportifs probants, a vu sa cote de popularité augmenter. Ainsi en Italie, Milan a bénéficié au cours de la saison 2006-2007de 1.204 heures de couverture TV, ce qui représente une augmentation de sa visibilité de 20,3 % par rapport au championnat précédent. Dans le monde, les matches des Rossoneri ont généré 1.804 heures de programmation soit presque le double que la saison précédente. Autre donnée confirmant ce renforcement de la visibilité : 9 milliards de personnes ont suivi les matches de championnat en direct soit une augmentation de 1,1 % avec des pointes en Asie (+17,05 %) et en Europe (+9,86 %).

Au terme de l’année 2006, SilvioBerlusconi avait décidé de dépenser moins que les années précédentes. Il s’était rendu compte que s’il n’avait pas reçu un chèque de 43,7 millions de Chelsea pour Andriy Shevchenko, il aurait terminé son exercice en déficit et que, malgré ses 238,7 millions de rentrées, il a dû se contenter d’un boni de 2,4 millions. Pour éviter de revivre cette situation, le président du club a réduit au maximum l’enveloppe pour les transferts. Berlusconi a d’ailleurs mis son veto à la venue de GianluigiBuffon. Cet été, avant que l’on ne propose la prolongation de contrat à Dida, les émissaires de Milan avaient contacté le gardien de l’équipe d’Italie. Buffon avait même signé un précontrat lui garantissant six millions par an pendant quatre saisons. Mais le président n’a pas donné son aval parce qu’il aurait dû en outre verser 24 millions dans les caisses de la Juventus. Un montant qu’il a préféré utiliser pour acquérir un avant (Pato), un médian (Emerson) et confirmer Dida jusqu’en 2010 malgré certains doutes engendrés par les prestations du gardien brésilien.

161 achats seulement pour les 20 clubs

Le désir de limiter au maximum le nombre des transferts, n’est pas une exclusivité de Milan. Ce n’est pas un hasard si, lors du dernier mercato les 20 clubs de Série A n’ont engagé que 161 joueurs dont un grand nombre de jeunes. C’est une obligation si l’on ne veut pas être embarrassé par le fait de présenter un budget en équilibre. Depuis 1997-1998 où l’assistance moyenne par match était de 31.161 spectateurs, le Calcio est confronté à l’érosion du nombre de personnes se rendant au stade. En 2005-2006, la moyenne était de 21.394 spectateurs et elle n’était plus que de 18.552 la saison dernière. Un solde négatif que n’explique pas à elle seule la rétrogradation de la Juventus en D2.

Le Calcio traverse une période délicate. Il doit non seulement retrouver des bilans transparents et une gestion plus saine mais il est surtout appelé à récupérer la crédibilité perdue ces dernières années. Car si lors des campagnes de transferts les plus récentes, on a enregistré moins de gros coups c’est également parce que, même à salaire égal, des joueurs préféraient l’étranger. Entre-temps, la situation économique des clubs transalpins fait qu’ils ne peuvent plus rivaliser avec ceux d’autres pays et plus particulièrement l’Espagne. Une enquête réalisée par le magazine économique Sole 24 Ore avec le concours des experts fiscaux de la société Ernst &Young ne laisse planer aucun doute : les clubs espagnols sont favorisés dans la course aux vedettes internationales. Ils bénéficient d’un avantage fiscal, communément appelé Loi Beckham vu que la mesure est entrée en application précisément lors du passage de l’Anglais de Manchester au Real Madrid. En clair, à salaire brut égal, un joueur étranger en Espagne encaisse en net 30 % en plus pendant six ans. Ce n’est pas un hasard si cela fait un certain temps que de nombreuses personnes, dont des dirigeants italiens, demandent une intervention de l’Union européenne pour concurrence déloyale.

Le président de la Ligue Pro, AntonioMatarrese a beau répéter :  » Nous n’avons pas l’intention de faire la guerre aux clubs espagnols « , il revient sans cesse sur cette différence fiscale. Et il est le premier à rire jaune quand un dirigeant milanista voulant stigmatiser les montants que les clubs anglais peuvent mettre sur la table lance :  » Si OwenHargreaves vaut 27 millions alors GennaroGattuso en vaut au moins 50 ! « .

Les clubs italiens sont les premiers responsables s’ils doivent affronter une situation économique difficile. Berlusconi, à l’époque Premier ministre et qui prêchait pour sa chapelle, tenta de faire passer une loi stipulant l’exonération des dettes des clubs et la mise en place d’avantages fiscaux. Mais son gouvernement faillit sauter et il se ravisa. Entre-temps, les dirigeants italiens ont laissé sous-entendre la mise en place d’un plafond pour les salaires… tout théorique comme on a pu s’en rendre compte avec l’Inter qui a proposé 5,5 millions nets par saison pour quatre ans à CristianChivu. Le Roumain est, sans aucun doute un bon joueur mais certainement pas aussi déterminant que Kaka.

L’Inter est un cas à part : MassimoMoratti est un président mécène. On estime que depuis son arrivée en 1995, il aurait sorti de sa cassette personnelle quelque 600 millions d’euros. Chaque année son bilan est négatif et il apure les dettes : en juin, une projection laissait supposer un trou de 120 millions pour cette année.

Les indicateurs sont à la hausse

Cette saison va être celle du renversement de la tendance. Selon la société d’analyse économique Deloitte, l’assistance va tourner autour des 23.000 spectateurs et le chiffre d’affaires global va passer de 1,140 milliard en 2006-2007 à 1,5 milliard. Du coup quatrième derrière l’Angleterre (2,2 milliards), l’Espagne (1,39) et l’Allemagne (1,39), l’Italie retrouverait en 2007-2008 une place plus enviable dans le hit parade continental toujours dominé par l’Angleterre (2,6 milliards) tandis que l’Espagne et l’Allemagne stagneraient.

Il n’est nullement question de mettre en doute la validité de cette étude effectuée alors que seule était acquise la montée de la Juventus, qui remplit tous les stades d’Italie plus que le sien. Et puis, cet accroissement du chiffre d’affaires de 360 millions, soit 31,5 %, coule de source d’autant que Naples et Genoa ont aussi retrouvé la Série A. Ces deux clubs possèdent un potentiel nettement supérieur à celui de Chievo (161.000 spectateurs pour les 17 rencontres à domicile), Ascoli (223.000) et Messine (430.000).

Cette saison a tout pour être celle de la brillante résurrection après celle de jeûne suite au Calciopoli. Sky a versé 437 millions à la Ligue Pro soit 94,5 millions de plus par rapport à la saison écoulée et l’ensemble des chaînes cryptées verra sa contribution passer de 530 à 670 millions, soit 140 millions de plus. Tout cela après une véritable année noire pour les chaînes télé. Pour Mediaset, qui avait acquis à prix d’or les droits en clair, on peut parler d’une hécatombe. L’idée de concentrer tous les programmes concernant la Série A sur Italia 1, s’est révélée être un flop : ses émissions atteignent rarement les 10 % de parts de marché.

De nombreux indicateurs sont donc favorables mais les bagarres qui ont émaillé les dernières réunions de la Ligue Pro (notamment pour les droits TV) ne sont pas de nature à engendrer l’optimisme…

par nicolas ribaudo

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