Le REPENTI

A 18 ans, il était à l’AC Milan :  » Mais c’est une ville dangereuse pour un jeune joueur « 

Le défenseur croate de 192 centimètres est bourré de classe : les observateurs sont unanimes. Il est fort de la tête, joue des deux pieds, a un bon jeu de position et un solide bagage technique.  » Avec Dario Smoje, on peut faire la guerre « , avait affirmé Georges Leekens après la première apparition du Croate pour Gand, en match amical contre Alemannia Aix-la-Chapelle.

Il est étrange que le Croate de 26 ans vienne faire la guerre ici car que peut gagner un talent acquis à 18 ans par l’AC Milan comme successeur de Franco Baresi dans le championnat belge ?  » Je comprends que j’étais trop jeune pour franchir ce cap « , explique Smoje.  » Milan est une ville dangereuse pour un jeune. Je gagnais bien ma vie et j’ai fait des bêtises, comme inviter des amis de Croatie pour faire la fête…. Le club prévenait les jeunes joueurs de ces risques et mes parents me rendaient souvent visite mais cela ne m’a pas empêché de faire l’idiot. Ce n’est que plus tard que j’ai compris que j’avais fait les mauvais choix « .

Très tôt, on lui a collé l’étiquette de grand espoir. Smoje n’avait que 16 ans quand il a effectué ses débuts en équipe fanion de Rijeka, le traditionnel numéro trois de Croatie.  » Et une ville où il fait bon vivre, au bord de la plage « , ajoute-t-il, avec un clin d’£il. Par ailleurs, le sport est une affaire de famille.  » Mes parents ont été sportifs de haut niveau. Mon père jouait au basket à Kvarner, ma mère au handball à Zamet, des équipes de l’élite. Evidemment, le statut de sportif professionnel n’est pas comparable à l’actuel. Ils devaient travailler. Ma maman dans un hôpital, mon papa au port « .

A huit ans, il s’est affilié à Rijeka.  » J’ai été repris dans toutes les équipes nationales d’âge. Lorsque j’ai débuté en D1, j’étais le plus jeune. J’ai joué avec Bosko Balaban. Nous étions voisins et sommes restés de bons amis. Comme j’émergeais toujours de la tête et des épaules û je veux dire par ma taille û on m’a immédiatement posté en défense « .

Conseillé par Maldini et Costacurta

Ses qualités footballistiques ont rapidement dépassé le cadre de l’Istrie, la région nord-est de la Croatie. Après deux saisons à Rijeka, Smoje a été submergé de propositions, notamment d’Anderlecht, mais les lires italiennes l’ont emporté.  » La Juventus s’est informée, comme des noms moins ronflants, style Brescia et Parme « . Puis l’AC Milan est arrivé.  » Quand Milan téléphone, il est impossible de dire non. Moins pour l’argent, même si c’était évidemment fabuleux pour un garçon de 18 ans, que parce qu’un grand club voulait m’embaucher. Je ne connais aucun footballeur qui refuserait une offre de l’AC Milan « .

Surtout quand c’est l’entraîneur en personne, Fabio Capello, insiste pour le transférer.  » J’ai signé un contrat de quatre ans. La direction pensait me louer d’abord à un club de moindre format. Mais Capello a dit que je devais rester là pour jouer avec PaoloMaldini et AlessandroCostacurta pour apprendre. C’est ce que j’ai fait. A chaque séance, j’ai beaucoup appris à leur contact : tactiquement, techniquement, au niveau de la vitesse d’exécution, tout « .

Il continue à vouer une profonde admiration à Capello.  » Un entraîneur très complet. Capello a lui-même été un brillant footballeur, en équipe nationale, à la Juventus et à l’AC Milan. Il est particulièrement fort tactiquement et il connaît le football comme nul autre « .

Capello lui a appris à évoluer dans un quatuor défensif.  » Depuis les équipes d’âge, je jouais dans l’axe d’une défense à trois et la transition était donc difficile. Capello m’a aidé à assimiler cette tactique. Il était sévère, surtout avec les jeunes. Son message était clair : il fallait travailler. Une demi-heure avant chaque entraînement, il nous prenait à part pour peaufiner notre tactique et après, nous devions rester une autre demi-heure pour travailler la finition, les longs ballons, les passes des flancs. C’était dur mais efficace car j’ai progressé « .

Pourtant, Smoje n’a pas beaucoup joué à Milan : seulement six matches en Série A.  » Et une série de matches de Coupe, dont la finale contre la Lazio. Je n’étais donc pas déçu car m’entraîner avec cette prestigieuse sélection constituait déjà un honneur. C’est George Weah qui m’a impressionné le plus. Un attaquant extrêmement complet et spectaculaire. Humainement, très chaleureux. Au début, on se demande comment aborder ces grandes vedettes mais elles sont toutes amicales et correctes « .

Il les a fréquentées de près pendant une saison.  » Quand Alberto Zaccheroni a succédé à Capello, il a dit à la direction : – Faites partir Dario, qu’il joue des matches. Cela l’aidera à progresser. J’habitais au centre de Milan et je préférais ne pas le quitter. J’ai donc accepté de jouer pour Monza, le club satellite de l’AC Milan, en Série B, alors que j’avais reçu des propositions d’équipes de D1 comme Vérone, Atalanta et Udinese. C’était un mauvais choix, comme je vous le disais tout à l’heure. J’ai privilégié la belle vie au détriment du sport « .

Après l’Italie, retour en Croatie

Non que le football ait été si mauvais.  » Plusieurs joueurs de Monza évoluent maintenant en Série A. Après ma deuxième saison là-bas, Milan a mis fin à sa collaboration avec Monza et m’a envoyé à la Ternana, où j’ai tenu bon une saison. Je n’avais pas envie de rester plus longtemps dans une division inférieure et je suis rentré au Dinamo Zagreb. Je voulais me relancer dans mon championnat national et me rappeler à l’attention de l’équipe nationale. Je n’y suis parvenu que partiellement car je n’ai disputé qu’un seul match pour la Croatie, une rencontre amicale contre la Macédoine. Par contre, en 2002, le Dinamo a gagné la Coupe et a été champion en 2003. La saison passée, j’ai joué pour le NK Zagreb. Dans ces deux clubs, j’ai connu les mêmes problèmes financiers. Chaque mois, on ne nous versait qu’une partie de notre salaire, en promettant que le reste suivrait. Ce n’était jamais le cas. Si je fais mes comptes, je n’ai été payé qu’une saison au Dinamo par exemple. C’est la plaie du football croate. Et puis il y a la violence des supporters. Il n’est pas rare qu’il y ait des morts lors des matches entre le Hadjuk Split et le Dinamo Zagreb ou lors des derbies à Zagreb. Il est impossible d’emmener ses enfants au football. D’ailleurs, beaucoup de supporters ne se rendent plus au stade « .

Pas de public et surtout pas d’argent. Autant de bonnes raisons pour Smoje de tourner à nouveau le dos à son pays mais ce ne fut pas aussi facile que sept ans plus tôt.  » Les managers me parlaient bien de clubs intéressés, vous savez comment ça va, mais concrètement, il n’y avait rien « .

Il a pu passer un test à La Louvière via EricDepireux. C’était un match de Réserves contre Gand. Leekens l’a immédiatement repéré.  » A la mi-temps, il s’est dirigé vers mon manager : – Celui-là, il me le faut. C’est ainsi que j’ai atterri à Gand, où j’ai signé pour un an et demi. Si je connaissais le football belge ? Certainement. Je suivais Anderlecht et le Club Bruges à la télé, en Ligue des Champions. Balaban et TomislavButina, avec lesquels j’ai joué, m’ont raconté que la Belgique était un pays intéressant pour jouer. Le niveau du jeu n’est pas comparable à celui de l’Italie, de l’Espagne ou de l’Angleterre mais il est nettement supérieur au croate. Le niveau technique de mon pays est peut-être un rien plus élevé mais pas la vitesse d’exécution. A Gand, l’organisation est bonne mais nous marquons difficilement. Nous résoudrons ce problème quand Ali Lukunku et SandyMartens auront retrouvé leur forme. Les entraînements me plaisent. Leekens attache beaucoup d’importance aux phases arrêtées. Jamais je ne m’étais autant exercé. Notre entraîneur me fait parfois penser à Capello : il dispense une excellente analyse tactique des adversaires, discute beaucoup avec les joueurs et leur donne confiance « .

Roel Van den Broeck

 » Leekens ME FAIT PENSER à Capello « 

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