Le règne de la raison

L’international d’Hertha Berlin est persuadé que les Diables sauront saisir leur chance.

L’ambiance est détendue, à La Panne, où 16 Diables Rouges se sont retrouvés pour une cure d’oxygénation et des soins, la semaine passée. Ce mardi, cette prise de contact a été suivie du dernier match en Belgique, contre l’Algérie. Ce mercredi, le sélectionneur divulgue les noms des 23 élus qui seront du voyage au Japon.

Bart Goor (29 ans) est sûr de sa place. Avec De Vlieger, il est le seul Diable à avoir disputé tous les matches de qualification. Il apprécie le calme relatif qui règne. Goor: « Vous pouvez difficilement vous attendre à ce que tout le monde se concentre déjà sur le Japon. Nous devons recharger nos accus ». Il est content de n’avoir pas foulé un terrain pendant ce stage. « Nous n’avons fait que ça toute l’année. Nous avons joué assez de matches. Il faut faire autre chose, s’amuser ».

Quel regard porte-il sur sa première année de Bundesliga? Goor: « Comme l’équipe, j’ai connu un début difficile. Après le changement d’entraîneur, tout s’est amélioré et nous avons terminé quatrièmes, avec cinq points de plus que le championnat précédent. J’ai beaucoup joué et je suis satisfait, car cette saison constituait un exercice de transition. Je regrette simplement que nous ne soyions pas qualifiés pour la Ligue des Champions. Nous avons perdu les points nécessaires au premier tour, contre des équipes de bas de classement. Face aux ténors, nous avons pris les unités qu’il fallait. Falko Götz nous a rendu le plaisir de jouer. Jürgen Röber avait entraîné Hertha six ans. Certains joueurs étaient las de lui. A la fin, l’équipe manquait de punch. Le nouvel entraîneur nous a prodigué des séances différentes ».

Huit buts, sept assists. A Anderlecht, il avait marqué dix buts et délivré 12 assists. Goor: « C’est comparable. C’est pour ça que je suis plutôt satisfait. Un moment donné, j’ai joué à droite, dans une position qui ne me convenait pas et l’équipe se créait peu d’occasions. Cette année, j’ai surtout dû acquérir du crédit. Les quatre buts que j’ai marqués contre Hambourg, lors de la 26e journée, m’ont valu le respect général mais en Allemagne, on n’est pas accepté immédiatement. Il faut faire ses preuves ».

Cheville abîmée

Il a marqué la moitié de ses buts en un seul match, ce qui assombrit un peu son bilan… Goor: « Après ce match, je n’ai plus marqué mais je n’ai plus eu d’occasions non plus. Le compartiment offensif était moins bon. Je dois marquer une dizaine de buts par saison. Pour un ailier, délivrer des assists est aussi important. Je marque plus facilement en équipe nationale qu’à Hertha ».

Dieter Hoeness, le manager sportif, a souligné, déçu, que cette équipe aurait pu être championne. La remarque est-elle justifiée? Goor: « Nous avons eu des hauts et des bas. Il s’est exprimé au terme d’une période faste mais je ne sais pas si nous aurions été capables d’évoluer à ce niveau toute une saison. Même Leverkusen n’y est pas parvenu. A trois journées de la fin, il comptait cinq points d’avance et il n’est pas Meister« .

Goor a joué 30 matches sur 34, dont 27 dès le coup d’envoi. « J’ai dû m’adapter aux coutumes allemandes. Il y est habituel de faire banquette, surtout après un match international. Dans ce cas, vous restez même assis pendant 90 minutes. Dardai, notre international hongrois, qui joue tout le temps, normalement, a subi le même traitement. Peu importe que vous gagniez ou perdiez, mais on dirait qu’ils n’aiment pas que vous soyiez sélectionné ».

Nico Van Kerckhoven était fatigué après Belgique-Slovaquie. Pas Bart Goor: « Je n’ai pas non plus disputé deux matches par semaine. Hertha se déplace en avion: une heure de vol et nous sommes sur place. Ce n’est qu’une question d’habitude. Je me suis entraîné moins dur qu’à Anderlecht, mais c’est physiquement plus dur qu’en Belgique en match dans la mesure où il faut se livrer à fond pendant 90 minutes. Les duels sont plus nombreux, sans être violents. On s’en tire généralement avec un bleu ou deux ».

Il n’a eu qu’une blessure sérieuse: début décembre, il s’est déchiré les ligaments de la cheville gauche. « Nous avons hésité entre une opération et trois à quatre mois d’indisponibilité ou une revalidation chez Lieven Maeschalck. Le médecin du club a proposé l’opération mais j’ai pris contact avec Lieven et avec le Dr. De Clercq. Ils nous ont affirmé qu’il était possible de guérir sans intervention chirurgicale ».

Deux ligaments étaient complètement déchirés. Goor: « Ça ne repousse pas. Si on opère, on enroule les tendons autour de l’articulation, pour la rendre plus solide. L’alternative consiste à renforcer les muscles. Le résultat est le même. La cheville est moins stable mais ne perd pas sa souplesse. Je joue avec un tape ».

Après un mois d’efforts, il courait sur la plage. Goor: « Ce que fait Lieven est incroyable. Au début, je n’avais plus le feeling d’avant, dans le pied. Au bout d’un mois, c’était fini. Il fallait juste oser shooter dans le ballon ».

Retour à La Panne

Les Diables Rouges avaient entamé leur préparation à La Panne aussi, il y a deux ans. Avec les mêmes sensations? Goor: « Nous visons aussi le deuxième tour. C’est étrange car avant les barrages contre la Tchéquie, tout le monde nous voyait éliminés ».

Est-il réaliste de viser les huitièmes de finale? « Oui, sans sous-estimer les autres. Le Japon a disputé de bons matches. On diminue la Tunisie mais contre l’Allemagne, elle m’a paru solide et technique. Tout dépend du premier match. Un bon résultat sera synonyme d’espoir, de confiance, de bonne ambiance. Une défaite avivera les critiques, qui nous poursuivront jusqu’à la fin ».

Goor estime que la Belgique a une bonne équipe, à condition d’être concentrée à 100%. « Elle ne peut se permettre d’aligner deux ou trois joueurs en méforme, car elle n’a pas d’étoiles à la Zidane. Nous n’obtiendrons un bon résultat que si nous jouons en équipe ».

L’euphorie qui régnait après la Tchéquie a été balayée par des matches amicaux catastrophiques. Goor: « Ce n’est pas plus mal de revenir les pieds sur terre. Nous ne sommes pas une grande nation du football. Pour réussir, nous devons travailler. Je comprends que certains soient pessimistes au vu des derniers résultats mais c’est la même équipe qui a arraché sa qualification ».

Retour à l’EURO: deux petits buts en trois matches, contre la Suède. Ce problème a disparu pendant les éliminatoires du Mondial: avec 32 buts, soit une moyenne de 2,13 par match. La Belgique n’a pas marqué contre la Croatie, l’autre qualifiée. Conclusion: offensivement, la tâche ne sera pas facile. Goor opine: « Non, mais ce qui est aussi important, c’est que nous avons encaissé peu de buts contre la Croatie et la Tchéquie: un en quatre matches. Et nous nous sommes créé des occasions contre les Tchèques. Nous n’avons pas été dépourvus de chances, dans les deux sens du terme ».

Donc, il ne faut pas se tracasser. « Ce sera difficile pour tout le monde. Dans ce genre de matches, il faut s’appuyer sur une organisation solide. C’est la leçon du match contre la Turquie. D’abord veiller à ne pas encaisser de but puis tenter de concrétiser ses occasions. Nous en aurons. Comme contre la Tchéquie. Spectacle ou pas, victoire étriquée ou pas, je m’en fous. Tant qu’on gagne ».

Les avants ne sont pas en forme. Emile Mpenza n’a guère joué depuis trois mois, Strupar n’est pas affûté, Bob Peeters n’est pas repris. Goor: « Un Emile en forme est utile mais nous pouvons pallier son absence, en alignant d’autres types de joueurs. Je crains qu’il ne manque de rythme. Il peut être très frais mais il n’a pas de rythme. Surtout qu’en Allemagne, il n’y a pas de championnat de Réserves. On fait rejouer immédiatement ceux qui relèvent de blessure. Strupar n’a sans doute pas assez de rythme mais il reste capable de faire la différence d’un coup franc. Il marque aisément. On peut l’aligner à un quart d’heure de la fin pour faire la différence. Même sans rythme, on peut s’en servir comme joker ».

La norme tchèque

Depuis septembre 2000, Goor a inscrit six buts pour la Belgique, un de moins que Wilmots. Le danger viendra peut-être de la deuxième ligne. Goor a marqué pendant l’EURO aussi. « Je ne serai pas le meilleu buteur. Je marquerai peut-être mon petit but mais l’essentiel, c’est d’avoir une organisation, défensive comme offensive ».

Contre la Slovaquie, l’entrejeu offensif a été composé de Goor, Wilmots et Verheyen, comme pendant l’EURO. Il a été la cible des critiques, comme il y a deux ans: il a manqué de créativité. La situation risque-t-elle de se représenter? Goor: « On ne peut comparer ce match amical à une rencontre de tournoi. L’ambiance est différente. Au Japon, nous serons concentrés à 200%. Nous défendrons les couleurs belges. La même équipe jouera différemment ».

Pourtant, pendant l’EURO, on a constaté que démanteler un bloc défensif, comme il faudra le faire à trois reprises au premier tour, n’est pas si évident. « En effet. C’est pour ça que la Belgique ne vise pas les demi-finales. L’EURO n’a quand même pas été si mauvais que ça. Contre la Turquie, nous nous sommes créé assez d’occasions pour marquer et nous avons battu la Suède. Nous n’avons rien montré contre l’Italie mais celle-ci n’a pratiquement pas encaissé de but et a atteint les prolongations en finale. Nous devons peut-être nous en inspirer, même si nous ne pourrons pas jouer trop défensivement, sous peine de ne rien créer. Les barrages contre la Tchéquie constituent ma norme: un bon équilibre entre l’organisation et l’attaque, pour pousser l’adversaire à la faute ».

La Belgique a été éliminée au premier tour en France et sur ses terres. Est-ce le moment de la revanche? Goor: « Je pense que oui. Une élimination aussi rapide ne vous offre aucune satisfaction. Nous partons au Japon avec l’ambition d’atteindre le deuxième tour. Ensuite, tout dépendra du tirage au sort et de la forme du jour. En tout cas, nous avons un bon groupe, formé de joueurs raisonnables, qui se connaissent depuis deux ans. Chacun a sa propre opinion, mais l’exprime d’une manière plus pondérée, plus avisée. Nous sommes sans doute moins intéressants pour la presse actuellement, car vous n’entendez plus guère de déclarations fracassantes ni de révélations, mais je sais que mes coéquipiers savent ce qu’ils font. Nous nous sommes qualifiés et, en fait, nous aurions mérité de passer le premier tour de l’EURO. En bref, ce groupe a obtenu de brillants résultats, sans qu’aucun joueur ne tire la couverture à lui » .

Peter T’Kint,

« Strupar est toujours capable de marquer »

« Il faut se souvenir de l’EURO 2000 »

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